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Au point que certains appellent de leurs voeux des changements et des améliorations de la part des organismes de réglementation.

Les avis qu’expriment les conseillers en placement sur la formation continue offerte par leur courtier, recueillis à l’occasion du Pointage des courtiers québécois 2022, laissent pantois. Bien qu’une minorité des participants au sondage aient fait des commentaires sur ce critère d’évaluation de leur firme, bon nombre de répondants sont négatifs.

« Tout ce qu’on a appris, on le sait déjà ! » lance un conseiller. Un autre surenchérit : « Beaucoup de formations qui ne nous sont d’aucune utilité », à quoi d’autres ajoutent : « C’est constant, ça ne finit jamais », « On en a trop ! », « C’est dur, on peut passer 40 heures par semaine en formation.»

Il ne faut pas croire qu’on crie à la catastrophe d’un bout à l’autre. Certaines notes sont parfaitement contraires : « En toute franchise, le fait de recevoir de la formation continue est plutôt formidable », «  On en offre trop peu ! », « Bonne formation et de qualité. Toujours des sujets pertinents. »

Par contre, le nombre de commentaires négatifs, assez généralisés au sein du secteur, est notable, comme l’est, tout particulièrement, la lassitude qu’ils dénotent. On trouve qu’il y a trop de formations, qu’elles portent trop sur la conformité. Certains répondants d’une firme déplorent que celle-ci ne rembourse plus certaines formations, ni la cotisation des représentants à l’Institut québécois de planification financière, alors qu’on encourage les conseillers à faire davantage de plans financiers.

En moyenne, les conseillers ont accordé à leur courtier une note de 8,2 sur 10 au critère de l’offre de formation continue, alors qu’ils accordent une importance de 7,9 à ce critère. Cet écart montre qu’en général, les courtiers dépassent les attentes des conseillers sur ce plan, bien qu’une minorité de conseillers se disent insatisfaits.

Étudiant à vie

Les récriminations des conseillers ne troublent pas particulièrement Jérôme Brassard, vice-président et directeur régional pour le Québec de RBC Dominion valeurs mobilières. Il n’est pas insensible au fait que certains considèrent que cette formation est imposée, mais « quelqu’un qui travaille dans le conseil en placement est un étudiant pour la vie, tranche-t-il. On est dans une industrie du savoir ! On ne se laissera pas déconcentrer. »

Claudyne Bienvenu, vice-présidente pour le Québec et l’Atlantique du Nouvel organisme d’autoréglementation du Canada, (nouvel OAR), issu de la fusion de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM), partage cet avis. Elle se dit étonnée par les négatifs, d’autant plus que, depuis que l’OCRCVM a rapatrié, en 2022, tout le processus d’accréditation des cours, « on me dit qu’on a reçu beaucoup de commentaires positifs ».

Selon elle, on ne peut prétendre être un professionnel au service de clients et ne pas être engagé dans une formation soutenue et constante, ce qui est le lot de tous les professionnels, qu’il s’agisse d’avocats, de médecins, de comptables ou autres. « Je peux comprendre qu’on puisse percevoir la formation comme un irritant, mais je vois plutôt cela comme une opportunité. »

Mal nécessaire

Charles Martel, directeur général et chef régional, région du Québec, de Gestion privée CIBC et Wood Gundy, apporte une perspective plus partagée. D’abord, il abonde dans le sens des deux autres intervenants : « Le rôle d’un conseiller a beaucoup évolué, dit-il. De preneur d’ordres, il est devenu un gestionnaire de patrimoine appelé à bien comprendre son client, à utiliser les technologies, à faire du développement d’affaires. Il doit être multidisciplinaire et, pour ça, il faut que sa formation soit adaptée. »

Par ailleurs, il est conscient de la surcharge qui pèse sur les conseillers. « Ils ont eu beaucoup à digérer en 2022. Ils ont eu à composer avec un nouvel environnement réglementaire et des marchés très difficiles. Je ne suis pas certain que la formation continue leur permette toujours de bien absorber tout ça. Il faudrait que le régulateur soit sensible à la capacité d’adaptation des conseillers. »

Selon Charles Martel, les conseillers sont sollicités d’une part par des formations « officielles » des régulateurs, et d’autre part par des formations de CIBC sur des outils technologiques, sur les ressources humaines ou la gestion d’équipe. « Ces formations ne sont pas reconnues par les organismes de réglementation, seulement celles sur les modules de marchés et de produits. Le régulateur devrait élargir le cadre de ce qui est admissible en formation continue. »

Le consultant et spécialiste de l’industrie du courtage de plein exercice Jean Morissette va plus loin dans le sens de la réflexion de Charles Martel. « Les gens se garrochent seulement pour avoir le nombre d’unités de formation continue requises, dit-il. La formation est laissée entre les mains des fournisseurs de fonds, qui la dispensent pour donner de la visibilité à leurs produits. Résultat : les formations sont déconnectées. Les gens sont déçus? On comprend pourquoi:c’est mal organisé. »

Selon Jean Morissette, la multitude de cours forme une mosaïque éclatée où manquent des fils conducteurs et des cursus menant à des attestations, des certifications ou des diplômes officiels. « La formation devrait viser à rendre les conseillers plus performants, pas seulement à gérer leur relation avec leur firme, soutient-il. Et avec une clientèle de plus en plus avertie, ces formations devraient être plus exigeantes. Comparativement à il y a 10 ans, les produits sont beaucoup plus complexes. Personne ne vendait du capital privé, des fonds de couverture, des fonds alternatifs liquides ou des portefeuilles d’actifs réels. »

De telles idées n’atteignent pas Claudyne Bienvenu, qui ne voit pas comment les ajuster à une formation continue. Elle-même avocate, elle observe qu’« au Barreau, on suit nos cours tous les deux ans, comme dans le courtage de plein exercice, et ça n’ajoute rien à ma diplomation. J’ai de la difficulté à voir comment joindre ça à une certification quelconque. »

Par contre, Jérôme Brassard se dit ouvert aux propositions de Jean Morissette. « C’est un commentaire que je trouve intéressant » et il est prêt à « y réfléchir ».

Comme Charles Martel, Jérôme Brassard aimerait que la création du Nouvel OAR du Canada mène à une formation continue dont « on enlèverait les duplications, mieux structurée et simplifiée ». Il ne s’attend pas à un tel développement, mais il veut bien « donner la chance au coureur ».

« On n’est pas fermé à regarder ça, mais pas à court terme, lance Claudyne Bienvenu. On a beaucoup de pain sur la planche » avec d’autres dossiers.

Ouverture ?

Le 11 octobre dernier, l’OCRCVM a sollicité des déclarations d’intérêt de la part des prestataires de services de formation. « Il s’agit de la dernière étape du projet pluriannuel entrepris par l’OCRCVM afin d’améliorer son régime d’assurance des compétences, dans l’objectif d’instaurer de nouvelles normes en 2026 », indique le communiqué de l’organisme.

On peut également y lire : « La prestation de cours de formation et le contrôle des connaissances acquises au moyen d’examens sont au coeur du régime d’assurance des compétences de l’OCRCVM. Les services comprennent l’élaboration de cours, la tenue d’examens, la gestion de l’apprentissage… » S’agit-il de changements susceptibles d’aller, au moins en partie, dans le sens de ce que souhaitent les intervenants de cet article ? Cela reste à voir.