Ce rapport faisait le bilan de plus de 15 ans d’application de cette loi, ouvrant la voie à une importante réflexion et, ultimement, à une réforme de notre industrie. Vaste programme!

Peut-être que vous vous dites : «Mais qu’est-ce qu’on en a à faire? Sur le terrain, cela ne change rien pour moi et, de toute façon, ils feront bien à leur tête avec leur loi» Si c’est le cas, vous avez tort. Grandement tort!

La Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), aussi connue des plus sages d’entre nous comme étant la Loi 188, est la pièce législative qui encadre toute la distribution dans les disciplines de l’assurance et de la planification financière en plus de donner vie à la Chambre de la sécurité financière (CSF) de même qu’à la Chambre de l’assurance de dommage (ChAD).

Bref, un élément majeur duquel découle une foule de règlements qui ont un impact important et concret dans le travail du conseiller, dans la gestion des cabinets et même, dans une certaine mesure, dans celle des courtiers.

Étant personnellement impliqué dans l’analyse du fameux rapport et dans la préparation d’une réponse, je vous propose un bref survol de trois des principales questions soulevées par le rapport ainsi qu’une ouverture sur la suite des choses.

1. La vente d’assurance par internet

L’AMF avait déjà fait son lit sur la question et publié sa position. Le rapport reprend le tout et pose formellement la recommandation que soit autorisée la vente de produits d’assurance-vie par Internet.

Il s’agit sans aucun doute de la recommandation qui a fait le plus grand bruit, celle dont tout le monde ou presque a entendu parler.

En effet, il s’agit d’un changement majeur dans les règles du jeu. Si la réforme va de l’avant, il sera légal pour les assureurs de proposer certains de leurs produits directement aux consommateurs, par l’entremise d’un site web, court-circuitant ainsi les conseillers en sécurité financière.

Les assureurs dont vous distribuez les produits depuis des années deviendraient donc directement votre compétiteur tout en continuant de faire affaire avec vous!

Absurde? Certains le croient. Néanmoins, cette révolution pourrait avoir un impact majeur sur le profil de notre industrie et vous forcera, en tant que conseiller, à vous positionner comme incontournable pour vos clients. Vous devrez mettre de l’avant la valeur de vos conseils, la qualité de votre service et toute votre expérience dans la balance si vous ne voulez pas perdre des parts de marché durement acquises.

D’un point de vue conformité, cet élément pose un certain nombre de questions quant à la capacité du consommateur de choisir le bon produit pour ses besoins et sur la responsabilité des assureurs eut égard au support aux clients en ligne.

Si les grandes lignes semblent tracées, je demeure néanmoins sceptique sur le succès, tant du point de vue commercial que de celui de la conformité, d’une telle mesure. Ce qui m’apparait certain par contre, c’est qu’elle menace l’ordre établi et la pratique de plusieurs conseillers.

2. La distribution sans représentant

À mes yeux, la distribution sans représentant a toujours été une anomalie dans le paysage des services financiers.

Alors que l’on prône la valeur des conseils et la professionnalisation de l’industrie et de ses acteurs, on permet à un profane de vendre un produit d’assurance alors que sa spécialisation est la vente de voiture par exemple.

Heureusement, le rapport reconnait qu’il peut y avoir des problèmes relativement à la distribution sans représentant. Deux morceaux de robots pour le ministre!

Le rapport propose donc de responsabiliser les assureurs en leur imposant la supervision et l’encadrement de leurs distributeurs.

Je me questionnerai sans doute toujours sur la pertinence de la distribution sans représentant et serai sans doute toujours critique qu’une telle chose demeure possible. Néanmoins, je crois que, sur ce point, il faut féliciter le ministre qui semble aller dans une direction prometteuse, à défaut d’aller assez loin.

3. La reconnaissance de l’ACFM au Québec

Cette mesure est un peu passée sous le radar, sans doute parce qu’on a beaucoup parlé de la vente d’assurance par Internet ou encore de la mise au rancard de la CSF, victime collatérale de la reconnaissance possible de l’ACFM au Québec.

Le rapport ne fait pas formellement la recommandation de reconnaitre l’ACFM, aussi connue sous l’acronyme anglophone «MFDA», à titre d’organisme d’autoréglementation (OAR) mais plutôt d’examiner toutes les options pour alléger le fardeau réglementaire.

Sous un aspect noble qui rallierait n’importe qui et son voisin, se cache une série de questions abordées dans le rapport et qui traitent ouvertement de la reconnaissance de l’ACFM au Québec.

Pour ceux qui ont de la mémoire, on se rappellera que c’est la troisième fois en moins de 10 ans qu’on nous pose la question. On me pardonnera, j’espère, d’avoir un peu le syndrome du jour de la marmotte!

La reconnaissance de l’ACFM à titre d’OAR pour la discipline de l’épargne collective représenterait un changement majeur dans la gestion de la conformité pour les courtiers et les représentants qui exercent au Québec.

Alors que le régime réglementaire au Québec est basé sur des principes et que leur application est laissée à la discrétion de l’industrie, l’approche de l’ACFM est plus prescriptive et rigide dans un but recherché d’uniformité.

Si vous croyez que cette réforme n’aura pas d’impact sur vos activités parce que le courtier auquel vous êtes rattaché est déjà membre de l’ACFM détrompez-vous!

En fait, bien qu’il soit membre de l’ACFM, votre courtier n’a l’obligation de se plier à toutes les règles de cette organisation que pour ses activités hors Québec. Vous bénéficiez donc encore à l’heure actuelle d’un encadrement plus souple que ce que vous aurez si la réforme va de l’avant.

Qui plus est, les frais d’adhésion de l’ACFM ne sont pas vraiment du même calibre que ceux assumés actuellement par votre courtier ou même par vous. La cotisation actuelle de votre courtier est comptabilisée sur ses actifs hors Québec. Avec la reconnaissance de l’ACFM, les actifs au Québec entreront dans l’équation et feront grimper la cotisation annuelle assumée par votre courtier ou par vous, selon votre entente.

Si vous n’êtes inscrit qu’en épargne collective, l’impact sera moins choquant quoique tout de même présent. Vous sauverez le coût de la cotisation à la CSF et, selon le modèle retenu, peut-être le coût du permis ce qui amoindrira le choc.

Mais si vous êtes également inscrit en assurance de personnes, vous ne sauverez pas votre cotisation à la CSF ou à l’organisme qui pourrait être appelé à la remplacer. Cela pourrait donc se traduire par une augmentation des coûts pour vos activités professionnelles.

Bref, un gros pavé dans la mare qui promet beaucoup de vagues. La consultation se termine aujourd’hui, mais la bataille promise par plusieurs ne fait probablement que commencer.

Avec ce rapport, c’est tout le modèle d’encadrement de l’industrie qui est remis en question. De là l’existence même de la CSF, aux modes de distribution, en passant par l’OAR responsable de l’épargne collective, les colonnes de tous les temples tremblent et il est légitime de se demander si c’était nécessaire, si ce sera pour le mieux.

Ne doutez pas que le sujet demeurera dans l’actualité pour un bon moment encore. Ne doutez pas que tout changement de l’ordre de ceux envisagés modifiera profondément votre travail et les règles qui le régissent. Ne doutez pas que vous avez voix au chapitre et que votre avis compte… à condition de le faire entendre!