En effet, bien qu’il puisse être difficile d’estimer des impôts futurs imprévus, je crois qu’un investisseur aguerrit devrait tout de même considérer l’ajout d’une réserve fiscale lors de l’élaboration de projections financières.

Considérant la complexité des règles fiscales, les exigences sans cesse grandissantes en matière de production de déclarations fiscales et autres formulaires ainsi que la rigidité des vérificateurs du fisc, il ne fait aucun doute à mon esprit que les propriétaires, en moyenne, devront débourser des sommes supplémentaires imprévues pour l’un ou l’autre de ses aspects.

Par conséquent, l’objectif de cet article est de répertorier les erreurs et omissions les plus fréquentes que j’ai observées en les regroupant en six catégories ayant un impact sur le rendement. Puisque les faits et circonstances propres à un investisseur peuvent différer des cas présentés, je vous invite à consulter un professionnel afin de déterminer si ces observations pourraient s’appliquer à votre situation.

1. Dépenses

Habituellement considérées dans les projections financières, les dépenses peuvent conduire à un écart de rendement lorsque l’investisseur n’adopte pas le bon traitement fiscal. Malheureusement, cela arrive plus souvent qu’on pourrait le croire puisque les erreurs d’interprétations sont comme un vice caché que l’on découvre quelques années après l’achat ou, dans bien des cas, seulement lors d’une vente ultérieure.

De façon très générale, toute dépense qui ne se qualifie pas au titre d’entretien ou réparation et qui augmente (plutôt que de maintenir) la valeur d’un immeuble doit être ajoutée à son coût fiscal. Cette règle est bien comprise des investisseurs. Cependant, c’est dans l’exécution que les choses se gâtent. En effet, à l’exception de ceux qui auront fait une comptabilisation annuelle de leurs dépenses capitalisables, la majorité des propriétaires égarent des factures ou autres documents justificatifs. Ces dépenses seront donc refusées lors d’une vérification ou par le professionnel qui préparera le calcul du gain en capital réalisé lors d’une vente ultérieure.

Ensuite, il y a des règles fiscales spécifiques qui limitent la déduction d’une dépense notamment les frais de financement, les pénalités pour le remboursement anticipé d’une hypothèque et les rénovations effectuées alors qu’un logement était vacant. Par conséquent, plusieurs investisseurs ne savent pas qu’ils réclament dans l’année des dépenses auxquelles ils n’ont pas droit.

2. TPS/TVQ

Les taxes de vente ne sont généralement pas applicables dans le cadre de transactions portant sur des immeubles locatifs résidentiels. Le sens du terme résidentiel réfère essentiellement à un immeuble dont les locataires y habitent au titre de leur résidence. Par opposition à un immeuble commercial où les locaux sont utilisés dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise.

Malgré cette règle générale, il existe certaines exceptions notamment les rénovations majeures en prévision d’une revente (« un flip ») d’un immeuble ou d’un logement. Dans de pareils cas, la TPS et la TVQ devraient s’appliquer au même titre qu’une habitation neuve. C’est pourquoi l’acte notarié contient une déclaration du vendeur spécifiant s’il a ou non effectué des rénovations majeures. Malheureusement, cette clause est habituellement négligée par les parties qui ne semblent pas en comprendre le sens. Ils encourent donc un risque fiscal substantiel.

Par ailleurs, il faut porter une attention particulière à la taxe sur l’hébergement qui pourrait s’appliquer sur les locations d’une durée inférieure à 31 jours, sauf quelques rares exceptions.

3. Droits de mutation

La question des droits de mutation est généralement soulevée dans le contexte d’une vente d’un immeuble, par un particulier, à une société de gestion. Bien qu’il puisse y avoir un « roulement » fiscal afin d’éviter de déclencher un gain en capital, cela ne veut pas dire pour autant que les droits de mutation ne seront pas applicables. Il faut donc porter une attention particulière à l’actionnariat de la société de gestion afin de bénéficier des règles d’exemptions prévues.

4. Intérêts, pénalités et retenues à la source

L’application de pénalités pour défaut de production de formulaires fiscaux est un enjeu de plus en plus important. Particulièrement dans un contexte transfrontalier.

D’une part, un résident fiscal canadien détenant une propriété locative à l’étranger devra dans la plupart des cas produire le formulaire T1135 sous peine d’une pénalité annuelle de 2500$. De plus, les revenus locatifs seront généralement imposables dans le pays étranger, par exemple aux États-Unis, et des pénalités pourraient s’appliquer s’il y a omission de déclarer ces revenus.

D’autre part, un résident étranger détenant un immeuble locatif au Canada aurait intérêt à déclarer ses revenus au Canada en produisant une déclaration afin d’éviter l’application de retenues à la source sur les loyers bruts.

Finalement, le grand oublié des propriétaires d’immeubles locatifs, le formulaire TP-1086.r.23.12 dans lequel chaque entrepreneur ayant réalisé des travaux d’entretien ou de rénovation doit être déclaré. Une omission de fournir les renseignements requis peut conduire à une pénalité de 200$ pour chaque entrepreneur non déclaré.

5. Honoraires professionnels

Depuis quelques années, les autorités fiscales effectuent des vérifications très exhaustives des propriétaires d’immeubles locatifs.

D’une part, si vous avez détenu plusieurs immeubles dans un court laps de temps, les autorités prétendront que les profits gagnés lors de la disposition d’un ou des immeubles constituent un revenu d’entreprise plutôt qu’un gain en capital.

D’autre part, si vous avez réclamé une perte locative, soyez prêt à fournir un sommaire et une copie de chacune des factures touchant votre immeuble.

Dans un cas comme dans l’autre, vous aurez besoin de l’aide d’un professionnel expérimenté afin de présenter votre dossier de façon claire et précise puisque les vérificateurs ont malheureusement tendance à rejeter rapidement les arguments et les pièces justificatives qui sont sujettes à interprétation ou qui ne sont pas appuyés par des comparables jurisprudentiels.

Dans tous les cas, une réserve pour honoraires professionnels devrait définitivement faire partie de vos projections financières.

6. Temps personnel

Pour terminer, il ne faut pas négliger la valeur de votre temps. Que ce soit pour la gestion de votre immeuble ou pour les nombreuses heures consacrées à régler les problèmes fiscaux mentionnés dans cet article, le rendement net de votre investissement devrait considérer votre apport en temps. Particulièrement lorsqu’un investissement immobilier est comparé à un placement boursier.