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J’ai (et je suis toujours) très critique du projet de loi du ministre qui met à mal plusieurs principes fondamentaux de l’industrie financière et de la protection du public. On a l’impression qu’il a cédé aux demandes répétées de certains grands joueurs ou institutions et a modelé des règles sur leurs modèles et doléances.

Toutefois, il ne faudrait pas faire l’erreur de croire que ce projet de loi est si imparfait que tout son contenu doit être envoyé à la poubelle! La meilleure preuve à cet effet est que, s’il est adopté, il permettra de répondre à une demande répétée de l’industrie : le partage de commissions entre les disciplines de valeurs mobilières et celles sous la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Rappelons-nous qu’en janvier 2016, à la suite de pressions provenant de certains courtiers s’étant plaints d’une iniquité découlant du fait que des concurrents effectuaient un partage de commissions générées en épargne collective vers des cabinets inscrits sous la LDPSF, l’AMF publiait un avis qui établissait clairement que cette pratique était proscrite et devait cesser.

À ce moment, plusieurs courtiers et acteurs de l’industrie, dont l’auteur de ces lignes, se sont mobilisés afin de tenter de renverser cette prise de position qui risquait d’avoir des impacts négatifs pour plusieurs professionnels mais également d’accentuer la pression sur l’arbitrage réglementaire entre certains produits financiers.

Nous avons multiplié les prises de position publiques ainsi que les rencontres avec l’AMF et le ministère des Finances. Si bien que le ministre Carlos Leitao a fini par indiquer, dans son budget de mars 2016, qu’un assouplissement était à prévoir sur ce front.

Cet assouplissement est prévu dans le projet de loi 141. Une fois son adoption effectuée, la Loi sur les valeurs mobilières sera modifiée de manière à permettre un partage semblable à ce qui est déjà prévu à la LDPSF. Le gros bon sens a prévalu.

Il reste encore au projet à être adopté et que la réglementation pertinente soit élaborée afin de connaître le menu détail de tout cela. Il demeure toutefois permis d’afficher un certain optimisme : bientôt, les professionnels oeuvrant dans plus d’une discipline pourront gérer leurs revenus d’une manière plus optimale, sans silo inutile.

Concrètement, il est permis d’espérer qu’un courtier pourra verser, sans risque réglementaire, les commissions générées en épargne collective au cabinet d’un représentant.

Toutefois, soyons clairs sur un point : si nous aurons bientôt gagné la bataille du partage de commissions, nous n’avons pas encore gagné celle de l’incorporation des représentants.

Même chose croyez-vous? Pas du tout!

Avec l’incorporation, le représentant en épargne collective pourrait transférer la propriété de son achalandage dans une personne morale qu’il contrôle : une société par actions inscrite comme cabinet.

Les revenus ainsi générés le seraient par le cabinet et le représentant bénéficierait ainsi d’un outil de gestion de ses affaires réellement optimal lui permettant d’acquitter ses dépenses, de payer son personnel et de se verser un revenu, par salaire ou dividende, de manière organisée.

Cela permettrait également de faciliter les transferts de clientèle entre représentants, contribuant ainsi à répondre aux enjeux de relèves et de financement de rachat de « book ».

Finalement, l’incorporation des représentants permettrait d’éliminer le risque fiscal qui subsiste avec le partage des commissions.

En effet, même avec l’adoption du projet de loi 141, le revenu généré par le représentant, bien qu’il pourra être versé à une entité inscrite sous la LDPSF, demeure imposable entre les mains du représentant à titre personnel. Ainsi, un transfert trop grand au cabinet qui ne se justifierait pas du point de vue des dépenses réellement encourues pour l’exercice de l’activité de représentant pourrait être interprété, par les autorités fiscales, comme une stratégie illégale.

Il faudra demeurer prudents!

C’est donc un dossier à suivre. Avec un peu de chance, le ministre ouvrira la porte à des amendements salutaires pour la protection des investisseurs et l’indépendance des professionnels tout en permettant certaines des avancées promises par son projet de loi.

On a le droit d’être optimistes. On a surtout le devoir de défendre le bien commun.

Et quelque chose me dit que j’aurai encore matière à écrire sur le sujet éventuellement…