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Dans le présent article, nous visons à souligner les changements les plus importants et à identifier les conséquences pour les assurés.

Le processus de consultation devant mener au Projet de loi C-43 a commencé en mai 2012. Le processus de consultation a été très complet et a permis que ce projet de loi soit voté le 16 décembre 2014. Cette loi fixe les nouvelles règles fiscales concernant les contrats d’assurance et de rentes et s’appliquera à tous les contrats émis à partir du 1er janvier 2017. Ces nouvelles règles auront un impact important sur certaines mesures de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») :

a) Les règles d’exonération établies au règlement 306 – 310 et 1401 – 1403, qui établissent le montant de revenu pouvant être accumulé dans un contrat d’assurance sans faire l’objet d’imposition;

b) Ces changements auront aussi un impact sur la détermination du « coût net d’assurance pure » (« CNAP ») qui est requis pour déterminer le coût de base rajusté (« CBR ») d’un contrat d’assurance selon l’article 148 L.I.R.;

c) Les règles de l’article 148 L.I.R. qui dictent le traitement fiscal des dispositions d’un intérêt dans une assurance.

Modifications adoptée

Test d’exonération

Le Projet de loi C-139, déposé le 1er décembre 1982 et sanctionné le 30 mars 1983, modifiait la Loi de l’impôt sur le revenu. Pour la première fois, on a introduit le concept de police exonérée. Une police exonérée est dispensée de déclarer les gains annuels réalisés dans le contrat. Pour être exonérée, une police doit remplir les critères établis dans l’article 306 du Règlement de l’impôt sur le revenu (« R.I.R. »). L’alinéa 306(3)d) R.I.R. définit la police type qui sert de modèle auprès de laquelle les polices émises par les assureurs doivent se comparer pour demeurer exonérées.

Les nouvelles mesures vont réduire davantage la possibilité de capitaliser dans un contrat d’assurance, car le ministère des Finances a introduit une nouvelle police type aux fins d’exonération (« PTE »). La date de dotation de cette police type sera modifiée de 85 ans à 90 ans afin de refléter l’amélioration de l’espérance de vie. De plus, la période de paiement utilisée dans le test d’exonération sera raccourcie de 20 ans à 8 ans. Les nouvelles règles pourraient permettre de capitaliser davantage les premières années, mais on constate qu’à long terme la nouvelle PTE réduit les possibilités de capitalisation à l’abri de l’impôt.

En fait par exemple, pour un homme non fumeur de 30, 45 et 60 ans, la réduction de la prime viagère maximale sera approximativement de 56 %, 54 % et 19 %.

La diminution de la capacité à capitaliser dans un contrat d’assurance vie pourrait signifier que les titulaires de contrats devront contracter davantage d’assurance pour obtenir le même résultat que leur procurent les produits actuels.

Mise à niveau de la table de mortalité aux fns de calculs du coût net d’assurance pure

Le CNAP est calculé en multipliant le « montant net de risque » par la probabilité de décès. Comme la probabilité de décès augmente avec l’âge, le CNAP va augmenter avec les années et dépassera éventuellement le montant de la prime nivelée. Actuellement, les assureurs utilisent la table de mortalité 1969-1975 pour faire ce calcul.

Le calcul du CNAP se fera dorénavant en utilisant la table de mortalité de l’Institut des actuaires de 1986-1992. Le CNAP sera donc moins élevé puisque l’espérance de vie s’est améliorée. Le changement de table de mortalité pour le calcul du CNAP viendra réduire les sommes déductibles si le contrat est cédé en collatéral. En contrepartie, pour les contrats émis après le 1er janvier 2017, il sera dorénavant possible de déduire un CNAP majoré si l’assuré est surprimé.

Coût de base rajusté

Le CBR est le coût véritable que le titulaire a investi dans son contrat. La formule est déterminée dans le paragraphe 148(9) L.I.R.

Généralement, le CBR est le montant des dépôts effectués dans le contrat moins le CNAP. Le CBR est réduit par le CNAP calculé immédiatement avant la fin de l’année civile. Le CBR définit, entre autres, le montant qu’on peut retirer du contrat sans payer d’impôt.

Essentiellement, mis à part quelques dispositions liées aux prêts sur police, la définition demeure la même. Néanmoins pour les assurés qui bénéficient d’une protection en capital en cas d’invalidité, les prestations de capital payables en cas d’invalidité pourraient réduire le CBR.

Compte de dividendes en capital

Il n’y a aucun changement quant à la méthode de calcul du compte de dividendes en capital (« CDC »). Le Projet de loi C-139 (al. 89(1)b.2) L.I.R.) définit le calcul du crédit au CDC lorsqu’un contrat est détenu par une société, soit : capital assuré total moins CBR = CDC.

Néanmoins, l’augmentation du CBR du contrat viendra réduire le montant crédité au CDC, et ce, de façon significative.

Le CBR des contrats sera plus élevé, ce qui est intéressant en cas de rachat du contrat du vivant, mais désavantageux pour le crédit au CDC.

Rentes prescrites et rentes assurées

La rente assurée est un concept qui utilise une rente viagère prescrite et une assurance vie. La rente est non enregistrée et le titulaire du contrat et le rentier doivent être la même personne. Une société ne peut détenir ce type de contrat de rente.

Les paiements reçus de ce type de contrat sont assujettis à une proportion imposable nivelée durant la durée du contrat. La portion non imposable de la prestation de rente est considérée comme un remboursement du capital et est étalée en fonction d’une espérance de vie basée sur la table de mortalité des rentes individuelles de 1971 (art. 300 R.I.R.).

L’utilisation d’une table de mortalité plus récente réduira la portion non imposable de la rente et indirectement augmentera le fardeau fiscal du rentier. La réduction de la portion non imposable de la prestation de rente réduira le niveau de compétitivité de la rente assurée versus d’autres modes de placements garantis. Cela enlève une option de placement sécuritaire pour les retraités, c’est sans aucun doute un dommage collatéral de cette réforme.

Impôt sur le revenu de placement

L’impôt sur le revenu de placement (« IRP ») est un impôt que l’assureur doit payer sur les fonds accumulés dans le contrat. Il est généralement transféré au titulaire de contrat sous la forme d’une réduction des rendements des placements.

L’IRP sera recalibré et la nouvelle formule n’aura en général que peu d’incidence sur la plupart des contrats d’assurance. Elle aura toutefois pour effet d’augmenter l’IRP sur les contrats de vie universelle à coût d’assurance nivelé. Si les assureurs transmettent l’intégralité de cette augmentation à leurs assurés, on pourrait voir une augmentation des coûts d’assurance nivelée à près de 10 % pour les assurés dans la quarantaine et 3 % pour ceux dans la soixantaine.

Règles de transition et règles grand-père

Le Ministère a établi des règles grand-père pour les contrats existants et émis avant le 31 décembre 2016. Néanmoins, il faut respecter certaines règles.

Il y a quatre types de clauses grand-père :

• selon que les modifications ont trait au test d’exonération;

• à l’article 148 L.I.R.;

• la table de mortalité utilisée pour les rentes prescrites;

• le recalibrage de l’impôt sur le revenu de placement (IRP-IIT).

Règles d’exonération (ART. 306 R.I.R.)

Pour les contrats acquis après décembre 1982. Les transactions suivantes ne feront pas perdre le statut grand-père :

• modification d’un contrat fumeur à non-fumeur ou surprimé à standard;

• modification d’une assurance vie unique en vie conjointe pourvu que les exigences médicales du second assuré aient été faites avant 2017.

Le transfert de propriété ne fera pas perdre le statut pré-2017. Mais les transactions suivantes effectuées après 2016 feraient perdre le statut grandpérisé :

• ajout d’un assuré ou d’un avenant d’assurance temporaire;

• substitution d’assuré;

• désagrégation d’un contrat multivie en polices individuelles.

Rentes prescrites

Les droits acquis sont favorables parce qu’ils préservent le traitement fiscal actuel des rentes prescrites en vigueur avant 2017, mais il couvre aussi certains types de rentes différées immobilisées établies avant 2017 qui deviennent des rentes immédiates après cette date.

Impôt sur le revenu de placement des assureurs (IRP-IIT)

Les règles actuelles sont grand-périsées.

Conclusion

La grande majorité des titulaires de contrats seront peu touchés par les nouvelles règles d’exonération, car il y a maintenant très peu de titulaires qui versent le dépôt maximal permis chaque année.

Néanmoins, les assurés qui achètent une police d’assurance vie universelle dont le coût d’assurance est nivelé risquent d’être touchés par la majoration de l’impôt sur le revenu de placement des assureurs. Cet impôt s’applique maintenant sur la valeur des fonds accumulés dans le contrat et non sur la valeur de rachat, cette modification entraînera une augmentation des frais des assureurs, il faut s’attendre à ce qu’elle soit transférée aux assurés qui achèteront ce type de contrat.

Le nouveau calcul du CBR applicable pour les contrats émis après 2016 favorisera en général les contribuables, car il y aura moins d’impôt à payer en cas de disposition du contrat. Il faut s’attendre à ce que les assureurs développent de nouveaux concepts autour de cet avantage au cours des prochaines années.

Néanmoins, cette augmentation du CBR du contrat aura un impact négatif majeur pour les propriétaires d’entreprises qui détiennent leur contrat par l’entremise de leur société par actions. La diminution du CNAP entraînera une réduction significative du CDC, au point où il deviendra difficile d’obtenir un crédit à 100 %, même à l’espérance de vie.

Les stratégies de levier utilisant l’assurance vie universelle seront aussi très touchées, car la rentabilité provient de la possibilité de déposer le maximum permis, et ce, pour plusieurs années, la possibilité de capitalisation étant réduite, le prêt sera réduit d’autant ainsi que les intérêts déductibles. La réduction du CNAP viendra réduire les déductions fiscales pour les contrats cédés en collatéral d’un prêt; seule consolation, la surprime sera dorénavant déductible d’impôts pour les contrats cédés en collatéral et émis après 2016.

En conséquence, les propriétaires d’entreprises devront contracter davantage d’assurance dans les années à venir afin d’atteindre les mêmes résultats que leur procurent les produits actuels.

Pour terminer, il est clair qu’il y a un avantage à procéder à l’acquisition d’une assurance vie universelle à primes nivelées garanties en 2016 si l’on recherche une plus grande capacité d’accumulation, un CDC plus élevé et une déduction pour garantie accessoire plus élevée.

Néanmoins, l’accumulation dans un contrat d’assurance à des fins successorales demeurera l’outil financier le plus performant, même après l’application des nouvelles règles. Il faut aussi compter sur la créativité des assureurs pour développer de nouveaux produits et concepts. En 1982, l’industrie a été sous le choc de cette nouvelle réglementation et de nombreuses innovations ont quand même eu lieu au fil des années, dont la création de la vie universelle.

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Gilles Chevalier.