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Un propriétaire d’immeuble locatif peut réclamer la déduction pour amortissement sur le coût du bâtiment. Toutefois, il ne peut le faire sur le coût d’un terrain puisque ce dernier n’est pas un bien amortissable. Il est alors évident qu’au moment de la disposition de l’immeuble en question, nous devrons optimiser, dans la mesure du possible, la répartition du prix de vente entre le terrain et le bâtiment avant de déterminer le gain (perte) en capital et la récupération d’amortissement (perte finale) en résultant.

Détermination du prix

Deux situations sont possibles, la transaction se fait-elle avec un acheteur avec qui le vendeur possède un lien de dépendance, dans ce cas ils auront l’obligation de transiger à la juste valeur marchande (JVM) afin d’éviter une double imposition.

Lorsqu’une transaction avec une personne ayant un lien de dépendance est effectuée sous la « JVM », le prix de disposition pour le vendeur sera réputé être la « JVM » de l’immeuble et le coût pour l’acquéreur sera réputé être le prix payé. Il y aura donc une double imposition pour la portion se situant entre le prix payé et la « JVM » de l’immeuble lors d’une éventuelle disposition par l’acquéreur.

Si une transaction avec une personne ayant un lien de dépendance s’effectue à un montant supérieur à la JVM de l’immeuble, le coût pour l’acquéreur de l’immeuble sera réputé être la JVM du bien sans ajustement pour le vendeur. Encore là, il y aura une double imposition pour la portion qui excédait la « JVM » de l’immeuble.

Dans le cas où l’acheteur et le vendeur transigent sans lien de dépendance, le prix de vente correspondra à la valeur de la contrepartie reçue pour le bien à laquelle il faut ajouter certains frais qui ont été engagés pour procéder à la vente de l’immeuble tel que :

– Frais de courtage immobilier

– Honoraires professionnels

– Frais d’arpentage

– Les dépenses engagées dans le but de vendre le bien ou encore conditionnelles à la vente du bien dans l’année d’imposition de la vente dudit bien pour le vendeur.

Répartition du prix de vente et éléments de planification

Lors de la vente d’un immeuble comprenant à la fois un terrain et un bâtiment amortissable, il y aura 3 calculs à effectuer afin d’établir les conséquences fiscales résultant de la transaction. Il y aura tout d’abord le calcul du gain (perte) en capital sur le terrain. Par la suite, il y aura le calcul du gain en capital sur le bâtiment (aucune perte en capital ne peut résulter de la disposition d’un bien amortissable et finalement, il y aura le calcul de la récupération d’amortissement (perte finale) sur le bâtiment. Normalement, le vendeur voudra attribuer une plus grande valeur au terrain afin de réduire la récupération d’amortissement sur le bâtiment. De son côté, l’acheteur voudra opter pour un prix du bâtiment plus élevé afin de se prévaloir d’une déduction pour amortissement plus élevée.

Tout en gardant à l’esprit que la répartition entre le terrain et la bâtisse se doit d’être « raisonnable » afin d’éviter des contestations des autorités fiscales en vertu de l’article 68 de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada et de son équivalent provincial, la répartition du prix de vente entre le terrain et la bâtisse peut être négociée entre les parties afin de permettre une certaine planification fiscale.

Voici un exemple démontrant l’avantage de procéder à une analyse de la répartition du prix de vente afin d’optimiser la situation d’un client.

Hypothèses :

– Prix de base rajusté « PBR » 589 000 $ dont 378 000$ pour le bâtiment et 211 000$ pour le terrain

– La Fraction Non Amortie du Coût en Capital « FNACC » est de 203 000$

– La « JVM » selon le rôle d’évaluation est de 790 800$ dont 308 600$ pour le bâtiment et 482 200$ pour le terrain.

– Taux d’impôt personnel maximum sur le gain en capital imposable : 53,31 %

– Les parties transigent sans lien de dépendance et le prix de vente convenu est de 702 000$

Impact fiscal en utilisant la répartition suivante de l’immeuble (64,18% pour le bâtiment et 35,82% pour le terrain)

Gain en capital sur le terrain. PD= 251 456$ – 211 000$(PBR) = un gain en capital de 40 456$

Gain en capital sur bâtiment PD = 450 544 – 378 000$(PBR) = gain en capital de 72 544$

Récupération d’amortissement = le moindre de PD(450 544$) ou PBR(378 000$) – 203 000$ FNACC = 175 000 $

Impôt total relatif à la transaction : Gain en capital imposable de 56 500$, soit 50 % de (40 456 $ + 72 544 $) et une récupération d’amortissement de 175 000$ = 231 500 X 53.31 % = 123 413 $

Impact fiscal en répartissant le prix de vente selon le rôle d’évaluation de l’année en cours (39,02% pour le bâtiment et 60,98% pour le terrain.

Gain en capital sur le terrain. PD= 428 080$ – 211 000$(PBR) = un gain en capital de 217 080$

Gain en capital sur bâtiment PD = 273 920$ – 378 000$(PBR) = perte en capital de 104 080$ qui est réputée nulle (0$)

Récupération d’amortissement = le moindre de PD(273 920$) ou PBR(378 000$) – 203 000$ FNACC = 70 920$

Impôt total relatif à la transaction : Gain en capital imposable 108 540$, soit 50% de 217 080 $ et une récupération d’amortissement de 70 920$ = 179 460 $ X 53.31 % = 95 670$

En tenant compte que les parties transigent sous la valeur du rôle d’évaluation, calculons l’impact fiscal en utilisant la répartition en fonction des travaux à être fait sur l’immeuble (28,46% pour le bâtiment et 71,54% pour le terrain.

Gain en capital sur le terrain. PD= 502 211 – 211 000$(PBR) = un gain en capital de 291 211$

Gain en capital sur bâtiment PD = 199 789 – 378 000$(PBR) = perte en capital de 178 211$ qui est réputée nulle (0$)

Récupération d’amortissement (perte finale) = le moindre de PD(199 789$) ou PBR(378 000$) – 203 000$ FNACC = -3 211$

Dans le cas de la réalisation d’un gain en capital sur le terrain et d’une perte finale sur la bâtisse, une règle fiscale particulière effectue une réallocation du prix de vente entre le terrain et la bâtisse afin d’annuler ou de réduite la perte finale du moindre de la perte finale ou du gain en capital autrement calculé. Ainsi, dans notre dernier exemple, la perte finale serait ramenée à zéro et le gain en capital s’élèverait à 288 000 $.

Ainsi, l’impôt total relatif à la transaction : Gain en capital imposable 144 000$, soit 50% de 288 000 $ et une perte finale de 0$ = 144 0004 X 53.31% = 76 766$

La planification de l’allocation du prix de vente entre le terrain et la bâtisse peut permettre de réduire la récupération d’amortissement (imposable à 100 %) au profit de l’augmentation du gain en capital (imposable à 50 %).

Ainsi, dans le cas d’une vente d’un immeuble locatif, il est important de porter une attention particulière à la répartition du prix de vente entre le terrain et la bâtisse afin de minimiser la facture fiscale de vos clients. Dans le cas actuel, il y a une différence d’environ 46 600 $ d’impôt à payer entre les options. Toutefois, il est primordial de s’assurer que cette répartition soit raisonnable et qu’une évaluation adéquate des biens disposés a été faite et ce, afin d’éviter une réallocation du prix de vente par les autorités fiscales. Une répartition est considérée raisonnable dans les circonstances si elle ne procure aucun avantage indu au vendeur et/ou à l’acheteur.

Conclusion

Les professionnels qui sont impliqués dans une transaction immobilière devraient toujours spécifier la répartition du prix de vente pour chacun des biens faisant partie de la transaction. Cette pratique permettra d’éviter que les autorités fiscales effectuent une répartition unilatérale du prix de vente advenant le cas où les informations seraient divergentes dans les déclarations de revenus de l’acheteur et du vendeur. Il est aussi important de prévoir une clause de rajustement de prix au cas où la transaction serait contestée par les autorités fiscales.

Bruno Dumontier, D. Fisc., Pl. fin.
Spécialiste PFP.

M. Dumontier est collaborateur en planification financière est fiscale au bureau de Québec Ste-Foy : Services Financiers Groupe Investors.

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