Pour l’ensemble de 2014, avec des investissements totaux de 24 G$ US, l’Inde occupait le cinquième rang mondial, loin derrière la Chine, qui trônait en tête du palmarès avec des investissements de 75 G$ US.

De tels chiffres indiquent que tous les espoirs – et tous les portefeuilles – se tournent maintenant vers l’Inde.

«Nous pensons que l’Inde se distingue en tant que havre de croissance», dit Christine Tan, gestionnaire de portefeuille principale et chef de la conformité chez Excel Funds, à Toronto, une firme spécialisée dans les marchés émergents. «La plupart des portefeuilles de marchés émergents sont maintenant surpondérés en titres indiens», dit-elle.

Champion de la croissance

En effet, la situation de l’Inde tranche dans le portrait global des pays émergents.

Selon une compilation rapportée par le Financial Times, 97 des 154 pays considérés comme des économies émergentes ont subi un recul de l’investissement étranger au cours des six premiers mois de 2015. Cela suit la performance économique de la plupart de ces pays, qui a soit ralenti sensiblement, soit reculé.

Ce n’est pas le cas de l’Inde, qui a connu une croissance de 7,5 % en 2014 et semble poursuivre sur cette lancée. «On prévoit que son économie connaîtra la plus forte croissance par rapport aux principales économies du monde au cours des prochaines années, toujours autour de 7,5 %», remarque Tuuli McCully, économiste internationale principale à la Banque Scotia.

L’Inde compte un des secteurs de l’électronique et du logiciel les plus actifs du monde, et un secteur manufacturier assez diversifié (automobiles et pièces, systèmes électriques, métaux de base, produits alimentaires et produits du bois). Sa main-d’oeuvre jeune constitue sa principale richesse, souligne Tuuli McCully. Les moins de 25 ans constituent la moitié de la population de 1,25 milliard d’habitants, et l’entrepreneuriat y est vigoureux, selon The Economist (http://tinyurl.com/mjl9mh8).

Le pays bénéficie également d’un contexte favorable, notamment un bas prix du pétrole et une inflation sous la barre des 10 % pour la première fois depuis longtemps.

L’effet Modi

Toutefois, l’un des éléments clés de ce dynamisme est la présence de Narendra Modi au poste de premier ministre depuis mai 2014.

«Modi change tout !» lance Tuuli McCully. C’est à sa présence qu’il faut attribuer l’afflux de capitaux en Inde, dit-elle. Son parcours à la tête de la province de Gujarat, qu’il a transformée en zone économique la plus performante du pays, lui donne beaucoup de crédibilité.

Son premier geste a été d’ouvrir grandes les portes du pays à l’investissement étranger. La participation du capital international peut maintenant atteindre 100 % dans de nombreux secteurs clés, note Tuuli McCully : télécommunications, commerce de détail, défense, chemins de fer, équipement médical, assurance.

Certains ont déjà caractérisé l’approche du premier ministre comme celle d’une série de «petits bangs», plutôt que celle d’un seul «gros bang».

Ainsi, une de ses premières mesures a été d’encourager les banques à aider les pauvres à ouvrir des comptes bancaires, souligne Christine Tan. Cette initiative, appelée Jan Dhan Yojana, a amené jusqu’à maintenant l’ouverture de 170 millions de comptes chez les familles les plus démunies.

Le geste s’avère particulièrement porteur, parce qu’il crée un canal direct entre le gouvernement et les citoyens, juge Christine Tan. «Auparavant, explique-t-elle, l’argent devait passer par de multiples paliers de gouvernement avant de rejoindre le citoyen. Maintenant, il est versé directement dans le compte du citoyen qui reçoit ainsi 100 % du subside, pas seulement une fraction.»

Narendra Modi a également mis en branle d’importantes réformes, notamment sur le plan des droits terriens et de la fiscalité. Un obstacle important à la conduite des affaires en Inde tient à la multiplicité des paliers avec lesquels il faut traiter pour acquérir des terres. Narendra Modi entend simplifier le tout.

Le premier ministre a également décrété la politique «Make in India», par laquelle il entend encourager le développement du secteur manufacturier. De plus, il a soumis au parlement un projet de mise en place d’une taxe sur les produits et services, ce qui élargirait considérablement l’assiette fiscale du gouvernement.

De graves lacunes

Par contre, ses deux plus grands projets de l’heure – la réforme terrienne et la taxe sur les produits et services – sont encore immobilisés au parlement. «Modi a la majorité dans la chambre haute, mais pas dans la chambre basse, précise Tuuli McCully. Et il doit obtenir un consensus pour aller de l’avant avec ces réformes.»

Il reste aussi beaucoup à faire pour corriger les immenses faiblesses structurelles du pays, tels son système de distribution électrique défaillant et son fatras de lois du travail.

La moitié des manufacturiers souffrent d’interruptions de courant d’une durée de cinq heures chaque semaine, écrit The Economist, tandis que de nombreuses entreprises freinent leur croissance pour se soustraire à l’emprise des lois du travail.

Tous les observateurs jugent que l’Inde recèle un potentiel économique immense, mais que le pays ne semblait pas y croire jusqu’ici. À présent, un premier ministre y croit et a montré la volonté ferme de le faire fructifier. Tous les espoirs sont donc permis.

C’est pourquoi le capital a afflué dans ce pays et «le boom des investissements se poursuit encore», dit Tuuli McCully.

7,5 %

L’économie indienne croîtra en moyenne d’environ 7,5 % au cours des prochaines années, selon la Banque Scotia.