L’autre angle d’approche, et la préoccupation première de toutes les autorités de réglementation, c’est la protection de l’investisseur. Le régulateur, par ses règles, établit un équilibre entre les parties en présence. L’investisseur a besoin de faire confiance au cadre et aux intermédiaires qui lui procurent, en retour, les produits et services nécessaires à sa prospérité.

Le contenu de la réglementation repose donc sur une double équation : l’investisseur et les choix qui s’offrent à lui, en même temps que les risques liés au fait que l’industrie qui peut le conseiller a aussi en vue sa propre prospérité.

C’est pourquoi le régulateur s’assure que l’offre est claire, que les risques sont identifiés, que les conflits d’intérêts sont divulgués, ou même proscrits, et que l’investisseur peut faire des suivis et apprécier si les services qu’il reçoit correspondent et évoluent selon ses besoins et sa capacité.

L’impact potentiel sur l’investisseur explique le contenu et le nombre de règles auxquelles doit se conformer l’industrie. Le défi ultime est dans l’équilibre entre le volume, le contenu et les coûts de leur mise en œuvre en regard de l’objectif de protection auquel tous adhèrent.

Difficile équilibre

Je me permets ici de référer au cri du cœur de Maxime Gauthier « Attachez vos tuques avec de la broche » que j’entends et que je partage depuis plus de quinze ans. Me Gauthier décrit bien l’impact d’une sorte d’inflation ou de compétition réglementaires dont la cohérence ou l’applicabilité ne ressortent pas toujours.

On entend souvent que la réglementation est maintenant basée sur les principes et axée sur le risque. Vraiment? Pourquoi alors est-elle si volumineuse et détaillée ?

Est-ce que tenter de tout prévoir est préférable à établir un principe à rencontrer pour l’industrie tout en offrant une souplesse dans l’application d’un cadre réglementaire adaptable des réalités diverses et multiples? Comment s’assurer des impacts ou de pouvoir équilibrer les coûts par rapport aux bénéfices ? Et, comme je l’ai vu souvent, peut-on se donner un temps d’intégration ou d’interprétation plutôt que de demander à changer une réglementation qu’on vient tout juste d’adopter?

L’équilibre est là. Une réglementation qui s’inscrit dans la réalité des besoins et de l’environnement. Cela implique de nouvelles règles certes, ce que l’on voit constamment, mais aussi, en même temps, un abandon de celles qui sont désuètes ou inapplicables, ce que l’on voit moins ou trop tardivement. Empilez sur une table les textes de loi applicables et vous ne verrez littéralement plus la personne assise en arrière de la pile.

Objectifs communs

Selon mon expérience, personne n’est contre la vertu et l’industrie partage souvent les mêmes objectifs que la réglementation. Toutefois, l’industrie est moins en accord avec la façon d’appliquer le cadre réglementaire, au point d’avoir souvent l’air de le rejeter. D’ailleurs, la paperasse et la bureaucratie peuvent tout autant être critiquées par les investisseurs que par les professionnels.

Une clef pour une réglementation qui s’appuie sur des pratiques d’affaires réalistes c’est la consultation. Les modes actuels ont de l’intérêt certes, mais ils sont lourds et longs. Ici aussi le texte de Maxime Gauthier décrit bien la réalité actuelle: il peut sembler plus facile d’attendre et de s’adapter.

Les modes de consultation sont exigeants. Ils donnent souvent l’impression que tout est décidé d’avance et que le régulateur ne fait que valider ce qui pourrait poser problème. C’est pourtant lui qui est celui qui peut le mieux équilibrer tous les intérêts divergents, mais il doit coller à la réalité du terrain. Pour ce faire, il doit la connaître et la comprendre et c’est là que le bât blesse le plus. J’ai vécu cette réalité et après toutes ces années je sais que le plus difficile est d’en connaître suffisamment pour identifier le quoi et le comment protéger l’investisseur.

Cette opinion, je l’ai véhiculée à répétition auprès de mes collègues et pas toujours avec réceptivité. Parler avec l’industrie et la comprendre ne veut pas dire accepter son opinion : on le sait, elle a des intérêts à protéger. Mais, en tant que régulateur, savoir dans quoi on met les pieds et en connaître l’impact ainsi que le coût avant de le faire, c’est un plus pour l’investisseur.

Le défi est de taille dans le contexte actuel avec la vitesse que procure la technologie, l’information et la désinformation provenant d’Internet ainsi que la nécessité pour le régulateur d’être constamment à l’affût, de comprendre et d’ajuster le corpus réglementaire d’une industrie imaginative et en constante mutation.

Il y a beaucoup d’expertise et de volonté chez les régulateurs pour mettre en place le cadre et les outils requis.

Guillaume le Taciturne, un prince néerlandais du 16e siècle aussi connu sous le surnom de « Libérateur des Pays-Bas », a dit : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ». Je crois que la dernière partie de cette phrase célèbre est toujours d’actualité. D’ailleurs, rappelons que Guillaume le Taciturne a marqué l’histoire de son pays, non pas pour avoir gagné la guerre, mais pour avoir osé la faire.