Les spéculations se concentrent surtout autour de la devise. La Grèce restera-t-elle dans la zone euro ou décidera-t-elle de retourner à la drachme ou à une autre devise? On entend même parler de plan, un peu tarabiscoté selon moi, où il y aurait deux devises en Grèce, l’euro pour les marchés externes et une devise différente pour les échanges internes. Que va-t-il se passer?

Honnêtement, personne ne sait mais l’histoire a démontré que l’économie et la politique, comme l’eau qui coule, suivent le chemin de la moindre résistance. L’important est donc de bien comprendre les enjeux qui influenceront la décision finale.

1) La situation est plus politique qu’économique. En effet, la situation fiscale de la Grèce ne peut se solutionner sans que quelqu’un ne paie les pots cassés. Il n’y a pas de lapin dans le chapeau. Donc qui paiera? La réponse se trouve généralement dans le rapport de force et dans cette situation la Grèce n’est pas très bien placée.

2) La position des créditeurs est relativement simple. On ne peut pas permettre facilement à un pays qui n’a pas respecté ses engagements, de bonne foi ou non, de ne pas faire face aux conséquences sinon, il y aura un énorme incitatif à tricher pour d’autres pays.

De plus, de façon technique, la dette grecque est principalement détenue par les grandes banques européennes. Celles-ci n’ont pas aussi bien assaini leur bilan que les banques américaines. Leurs tailles souvent disproportionnée par rapport à celle des économies de pays où elles se trouvent, les rend « too big to save and too big to fail ». Une radiation importante de la dette grecque impliquerait un refinancement des banques dans un marché ou la confiance est fragile. Donc dans ce contexte, l’ajustement doit se faire en Grèce à travers l’austérité.

3) Du point de vue des débiteurs (la Grèce), une poursuite encore plus poussée de l’austérité fait peu de sens. En effet, malgré une quantité importante de mesures extrêmement impopulaires, la dette à continuer à croître et la situation fiscale ne se règle pas. La stabilité sociale est en jeu. En l’absence du contrôle de leur devise, la Grèce doit travailler seulement sur le coté fiscal pour corriger la situation. Je crois sincèrement que la Grèce n’a pas la capacité financière et politique nécessaire pour régler la situation.

On se retrouve donc dans une énorme partie de poker ou plus exactement dans la situation décrite par Einstein vis-à-vis l’armement nucléaire. Nous sommes comme deux personnes dans une pièce chacune armée d’une grenade, les deux vont souffrir encore davantage si la situation escalade. Chacun doit mettre de l’eau dans son vin si on veut la solution économique optimale. Par contre, la décision sera politique et je crains fort que la Grèce soit sacrifiée sur l’autel de l’euro. Il serait surprenant que l’Allemagne accepte de répéter le sacrifice qu’a entrainé l’intégration de l’Allemagne de l’Est, surtout pas pour un pays étranger.

Dans un tel contexte, je crois qu’un investisseur averti doit rester éloigné des banques européennes qui subiraient de solides pertes potentielles si la Grèce quitte l’euro et décide de demander une restructuration de sa dette comme l’ont fait déjà bien de pays avant elle. On ne peut pas payer avec ce qu’on n’a pas!

 

 

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Pascal Duquette.