Servir les personnes handicapées

Contrairement à un client sans handicap, une personne handicapée, surtout si son handicap est intellectuel, s’appuie le plus souvent sur un réseau.

«Dans ma pratique, je m’assure de connaître les personnes qui prendront la relève des parents : frères, soeurs, tantes, oncles, et amis», souligne Guillaume Parent, récipiendaire du Prix de la relève de la Chambre de la sécurité financière (CSF) en 2013.

Au moment où la personne handicapée perdra ses parents, la connaissance d’un futur tuteur pourra s’avérer précieuse.

Guillaume Parent fait ressortir une autre dimension importante : «Le conseiller qui veut rendre service doit parler aux parents sans avoir peur d’aborder des thèmes comme la dépendance à long terme d’un enfant.

«Bien des conseillers ne sont pas à l’aise avec de tels sujets», ajoute-t-il.

Penser au REEI

Au-delà de cette interface humaine, la planification financière pour les personnes handicapées dispose d’une multitude d’outils que plusieurs conseillers méconnaissent ou négligent.

À preuve, la sous-utilisation du régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). De la mise en oeuvre du programme en décembre 2008 à la fin de mars 2013, seulement 67 756 comptes REEI ont été enregistrés au pays, selon Emploi et Développement social Canada.

Or, Guillaume Parent estime à «160 000 le nombre de personnes admissibles au REEI au Québec. Vous voyez à quel point le milieu financier a besoin d’être sensibilisé !»

Pourtant, le REEI est «l’outil le plus efficace à long terme pour procurer une sécurité à une personne handicapée», affirme François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale chez Placements Mackenzie, à Montréal.

Ce régime impose une limite de contribution à vie globale assez basse de 200 000 $.

Par contre, les subventions fédérales liées à ce régime le rendent très attrayant ; celles-ci s’élèvent jusqu’à 90 000 $ à vie.

Ainsi, pour les parents qui ont un revenu inférieur à 87 123 $ (en 2013), les premiers 500 $ versés dans un REEI sont multipliés par trois par le fédéral, soit 1 500 $. Le prochain versement de 1 000 $ est pour sa part doublé, soit 2 000 $.

«Cela signifie qu’une contribution de 1 500 $ attire 3 500 $ en subventions de plus, pour un total à vie plafonné à 70 000 $», explique François Bernier.

Pour un revenu supérieur à 87 123 $, seulement les premiers 1 000 $ sont égalés par le fédéral, à 100 %.

S’ajoute une disposition pour ceux qui gagnent moins de 25 863 $ : le bon canadien d’épargne-invalidité leur permet d’obtenir une subvention supplémentaire de 1 000 $. Le plafond à vie de cette subvention est de 20 000 $.

Un précieux détail à retenir : ces calculs s’appliquent au revenu familial tant que la personne handicapée est mineure. Quand elle devient majeure, les calculs des subventions sont basés sur ses propres revenus, et non plus sur ceux de ses parents, qui sont habituellement plus élevés.

«C’est commode de s’en souvenir pour les parents qui gagnent plus de 87 123 $», fait ressortir François Bernier.

Le REEI est un équivalent du REER, c’est-à-dire qu’il constitue un outil d’épargne à long terme.

«On ne peut pas retirer les sommes rapidement, sinon le gouvernement reprendra ses subventions, avertit François Bernier. Pour chaque dollar que je retire, je vais perdre 3 $ de subventions des 10 dernières années.»

Fiducie testamentaire

Évidemment, le REER est un outil d’épargne accessible aux personnes handicapées. Il faut toutefois tenir compte de certaines restrictions.

Ainsi, «les autorités d’aide sociale peuvent exiger d’écouler le REER avant que la personne touche à sa prestation», indique François Bernier.

Cela peut imposer des contraintes au moment de léguer un héritage à l’enfant handicapé. Les parents peuvent bien sûr transférer à leur décès les sommes de leur REER dans celui de l’enfant.

Toutefois, pour laisser plus de revenus à l’enfant, il peut être indiqué d’avoir recours à une fiducie testamentaire discrétionnaire (souvent nommée fiducie Henson).

Tout d’abord, un handicapé peut recevoir jusqu’à 130 000 $ en héritage sans perdre sa prestation de solidarité sociale. Si l’héritage est supérieur à 130 000 $, une fiducie Henson permettra d’assurer l’héritage sans compromettre l’obtention de la prestation.

Une telle fiducie ne donne pas à la personne handicapée l’accès à ses revenus, mais laisse plutôt toute discrétion au fiduciaire de verser ou de retenir les sommes.

«Cela protège la fiducie des suppressions éventuelles de prestations d’aide sociale, note François Bernier. Évidemment, il faut avoir confiance en son fiduciaire.»

Entre REEI, REER et fiducie, tout est affaire de planification et de besoins particuliers.

Une stratégie privilégiera, par exemple, «de décaisser le REER pendant la vie active pour maximiser les revenus à la retraite», précise Guillaume Parent, en tenant compte du fait que le REEI ne pénalise pas le supplément de revenu garanti à la retraite.

Outils négligés

Une autre particularité du REER avantage les personnes handicapées qui envisagent de s’acheter une ou plusieurs maisons.

«Quand on est reconnu handicapé, on peut faire appel au régime d’accession à la propriété (RAP) à plusieurs reprises, et non seulement pour la première maison [la restriction imposée à tous les acheteurs], à condition d’avoir remboursé le premier RAP», explique Guillaume Parent.

De nombreux conseillers oublient cette disposition du RAP, tout comme ils sous-utilisent une trentaine d’autres mesures gouvernementales qui visent les personnes handicapées, selon Guillaume Parent.

Par exemple, combien de conseillers recourent aux subventions disponibles pour intégrer un travailleur handicapé en milieu de travail ou aux aides aux études post-secondaires, «toutes des mesures sous-utilisées», rappelle le président de Finandicap.

Afin que sa clientèle handicapée profite de tous ces programmes, subventions et crédits fiscaux, Guillaume Parent a mis en place un service pour récupérer des crédits non réclamés.

«Dans bien des cas, on peut réclamer rétroactivement pour les 10 dernières années», précise-t-il.

C’est un service qui peut intéresser d’autres conseillers. «Si un conseiller nous recommande des clients, on lui verse une ristourne, puisqu’on travaille à commission sur les remboursements reçus», fait ressortir Guillaume Parent, qui est lui-même handicapé.