Risques accrus en matière de réglementation
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«Le risque principal est de ne pas bien comprendre l’actif sous-jacent, c’est-à-dire ce qu’il y a derrière le produit qu’on achète. Certains types de FNB ont des spécificités beaucoup trop complexes pour un investisseur moyen», tranche Elisabeth Préfontaine, directrice de BlackRock, dont la famille de produits iShares domine le marché des FNB au Canada.

Les règles qui encadrent la distribution de FNB dits «physiques», composés de titres individuels de différents émetteurs, sont similaires à celles qui régissent les produits plus traditionnels comme les fonds communs de placement. Pour en offrir, il faut notamment bien connaître son produit et son client, analyser ses besoins et agir dans son intérêt.

Le cas des FNB dits «synthétiques», qui ont recours à des instruments dérivés, est différent. Leur complexité, liée à l’utilisation de swaps de rendement total (SRT), d’options sur actions ou de contrats à terme, demande une vigilance accrue.

Les FNB synthétiques les plus risqués, notamment sur le plan de la réglementation, sont les FNB à effet de levier et les FNB à rendement inversé. Les premiers exacerbent l’effet du produit. Ils peuvent multiplier par deux ou même par trois le gain… mais aussi la perte. Par exemple, si le FNB a pour objectif de tripler l’indice et que l’indice chute de 10 %, la valeur des actifs du fonds chutera de 30 %.

«On peut aussi décider de miser sur une chute de la Bourse», précise Elisabeth Préfontaine. C’est là qu’entrent en scène les FNB inverses. Ces produits permettent de multiplier également par deux ou trois la baisse du rendement boursier.

Un FNB inverse multiplié par deux, par exemple, rapportera un rendement de 10 % si le rendement de l’indice sous jacent chute de 5 %. «Le problème, c’est que ce résultat n’est vrai que pour une seule journée, insiste Elisabeth Préfontaine. Si on veut garder ce produit sur une plus longue période, il sera touché par la volatilité des marchés.»

Par exemple, illustre la directrice de BlackRock, si l’indice sous-jacent chute de 5 % sur un an et qu’il y a 5 % et moins de volatilité, le fonds obtiendra son rendement prévu de 10 %. Mais si cette volatilité dépasse 20 %, ce qui n’est pas hors norme, l’investisseur perdra de l’argent même s’il avait raison sur la direction de la Bourse, fait remarquer Elisabeth Préfontaine. Il devient donc très hasardeux de conserver ce type de FNB plus d’une journée.

«Sur une journée, le produit vous donne exactement ce que vous voulez. Sur une période plus longue, ça dépend de la volatilité», dit-elle.

Selon plusieurs experts, cet élément de volatilité est le risque le plus mal compris par les clients, mais aussi par les conseillers.

«C’est ce qui fait que les FNB inverses ou à effet de levier sont des produits à gestion intra quotidienne, dit Ian Gascon, président de Placements Idema, un gestionnaire de portefeuille qui offre des FNB. Détenir un FNB de ce type à long terme est l’équivalent de jouer au casino.»

Plus les risques sont grands pour les investisseurs, plus les conseillers s’exposent à des amendes s’ils ne prennent pas toutes les précautions nécessaires. En 2012, Valeurs mobilières Banque Laurentienne a écopé de 140 000 $ d’amendes pour avoir mal supervisé les comptes d’une trentaine de ses clients qui détenaient des FNB à effet de levier. Au moins deux conseillers ont également été pénalisés.

Parmi ces clients, un couple de retraités dont les comptes étaient composés à plus de 90 % de FNB à effet de levier. Les pertes attribuables aux FNB à effet de levier s’élevaient à 168 000 $, selon une décision d’une formation d’instruction de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

«Ce n’est pas tant une question d’âge que de niveau de risque que peut tolérer le client», note Charles Martel, directeur exécutif pour le Québec chez CIBC Wood Gundy.

«Une personne de 70 ans très riche peut se permettre un peu plus de procéder à des transactions à levier pour une certaine portion de son portefeuille», dit-il.

Chez CIBC Wood Gundy, un contrôle serré est exercé auprès des conseillers en placement qui souhaiteraient offrir des FNB à levier. Ces derniers doivent suivre un cours spécifique sur ce genre de produit et réussir un examen interne avant d’être autorisés à les distribuer.

«Les conseillers doivent pouvoir expliquer clairement l’actif sous-jacent de chacun des produits et connaître l’effet de la volatilité», précise Charles Martel.

Eux-mêmes peuvent s’y perdre. «Ceux qui ont fait des études de CFA ou qui possèdent de l’expérience en investissement institutionnel peuvent mieux comprendre, mais pour quelqu’un qui n’a jamais travaillé sur un desk, un swap de rendement total, c’est du chinois», résume Raymond Kerzérho, directeur de la recherche de la firme de gestion privée PWL Capital.

Certaines firmes exigent d’ailleurs de leurs conseillers qu’ils aient suivi un cours d’initiation aux produits dérivés ou sur la négociation d’options et de contrats à terme. Les FNB synthétiques, qui contiennent ce type d’instruments, posent aussi un risque de contrepartie, puisque ce sont les banques qui fournissent le rendement.

«Nos banques canadiennes sont solides, mais il y a toujours un risque», dit Raymond Kerzérho. Sans compter qu’au Canada, une seule banque agit comme contrepartie.

Avec des FNB, le risque est plus grand de recommander un portefeuille inadéquat, remarque Raymond Kerzérho. Certains FNB ciblent des segments de marché très étroits, comme les premiers appels publics à l’épargne, ou des entreprises dirigées par des femmes seulement.

«Ces produits peuvent être un excellent placement, mais en creusant, on pourrait voir qu’il y a juste une douzaine d’entreprises là-dedans, qui sont concentrées dans un seul secteur ou deux. Cela va à l’encontre de la règle de base qui exige de diversifier son portefeuille», souligne-t-il.

Vérification diligente vitale

Chose certaine, ce n’est pas parce qu’ils sont risqués que les FNB sont dangereux, nuance Raymond Kerzhéro, soulignant la grande transparence de ce type de fonds. «En deux ou trois clics, on peut voir de façon détaillée la performance quotidienne de chaque titre détenu par le fonds. Les fonds communs gérés activement ne sont même pas proches de ça», constate-t-il.

Il n’empêche que les conseillers ne doivent pas tenir pour acquis que l’information est connue de l’investisseur. Chez CIBC, les clients aussi doivent répondre à certains critères avant d’avoir accès aux FNB à effet de levier. Ils doivent détenir au moins 250 000 $ d’actif auprès de la firme, avoir de l’expérience sur le marché des actions et obtenir un score de connaissances financières de bonne à excellente.

Le client doit aussi signer un formulaire attestant qu’il est au fait du risque supplémentaire que ces produits présentent. «La plupart du temps, les clients demandent ce type de placement et les conseillers tentent souvent de les décourager», note Charles Martel, précisant que sur 154 représentants de CIBC Wood Gundy, environ la moitié sont autorisés à négocier des FNB à effet de levier.

Chez BlackRock, on prône un meilleur encadrement réglementaire de l’offre de FNB synthétiques. «Concrètement, nous souhaiterions qu’il soit mieux indiqué que ça s’adresse à des investisseurs sophistiqués», remarque Elisabeth Préfontaine.

Selon BlackRock et Bloomberg, les FNB synthétiques ne représentent que 4 % des actifs détenus dans l’ensemble des FNB au Canada. Sur les 388 FNB offerts au Canada, 330 sont des FNB physiques, et 58 sont des FNB synthétiques. Les firmes qui dominent le marché des FNB synthétiques sont Horizons au Canada et ProShares aux États-Unis.