« Le RVER n’est pas le bon remède au problème » de l’épargne-retraite des travailleurs, lequel réside plutôt dans « le manque cruel de connaissance dans la gestion de leurs finances personnelles » et au besoin de conseils financiers personnalisés, lit-on dans l’essai Le RVER : un regard critique, diffusé par BGY en septembre 2014.

Le propos essentiel du texte tient dans le passage suivant : « Pourquoi choisir un régime de retraite compliqué (le RVER), qui impose toutes sortes de modalités, de délais et de conditions, alors qu’il est tellement plus simple d’opter pour un régime d’accumulation ? »

L’essai de BGY appuie son argument sur les particularités essentielles d’un régime de retraite (régime à prestations déterminées ou à cotisation déterminée, RVER, etc.) par rapport à celles des régimes d’accumulation (REER collectif, CELI collectif, régime de participation différée aux bénéfices (RPDB), etc.)

Un régime de retraite bien géré, selon BGY, exige qu’on en optimise la structure légale et fiscale, les frais de gestion et le choix des options de placement.

Il suppose un suivi serré pour s’assurer que toutes ses composantes demeurent optimales. Par exemple, les options de placement sont-elles toujours les meilleures pour les participants et les frais de gestion sont-ils les plus concurrentiels en ce qui concerne la qualité du service reçu

Lacunes du RVER

À partir de ces axes de base, l’essai passe en revue les principales faiblesses du RVER en tant que régime de retraite.

Tracasseries administratives. La mise en place d’un RVER astreint l’employeur à gérer une foule d’éléments pour chaque employé : adhésion et résiliation à répétition des participants, changements de la portion de cotisation, etc. Dans un régime d’accumulation, de tels détails sont réglés une fois pour toutes.

Manque de flexibilité. Le cadre du RVER s’avère rigide, et comparativement à un régime d’accumulation, limite considérablement la latitude de l’employeur et des employés. Par exemple, on ne peut avoir recours à un RVER de conjoint, et les options de placement sont réduites. En outre, dans le RVER, il n’y a pas de période d’attente avant que la cotisation de l’employeur soit acquise par l’employé comme c’est le cas dans un RPDB. Cette période peut favoriser la rétention des employés.

Service à la clientèle déficient. La faiblesse des frais de gestion d’un RVER fait en sorte que « le service sera forcément inférieur, voire déficient », d’après BGY. Les fournisseurs mettront en place un service général par téléphone ou sur Internet qui ne permettra pas de traiter avec rigueur toute la complexité des situations auxquelles un cotisant et son employeur peuvent être confrontés, une complexité qu’un conseiller est susceptible de mieux naviguer.

Choix de placement limités. Les fonds indiciels seront présents dans l’offre des RVER, constate BGY, les meilleurs choix de fonds ne seront pas nécessairement disponibles et plusieurs catégories d’actifs, comme les obligations étrangères, les actions de pays émergents ou les investissements alternatifs n’y figureront pas.

Préférer d’autres régimes

Par ailleurs, les supposés avantages du RVER ne sont pas convaincants, considère BGY. Son influence sur la rétention du personnel est un de ces avantages annoncés, mais n’est pas crédible, juge BGY. « À partir du moment où tout le monde aura l’obligation légale de mettre en place un tel régime, il est difficile de voir en quoi il constituera un avantage concurrentiel pour les autres employeurs. »

L’autre « avantage » des faibles frais manque de poids. Avant qu’un régime n’atteigne un seuil de capitalisation de 3 M$, l’écart de frais entre un RVER et des régimes d’accumulation n’est que d’un demi-point de pourcentage (0,5 %). Et au fur et à mesure que sa capitalisation s’accroît jusqu’au seuil de 3 M$, l’écart de frais peut s’effacer au point d’être inexistant.

Pour toutes ces raisons, BGY rejette le RVER et propose plutôt d’opter pour un régime d’accumulation « plus simple » et qui ne comporte que peu de contraintes autres que celles liées aux lois fiscales.

La firme privilégie une combinaison REER /RPDB collectifs, lorsqu’un employeur souhaite contribuer à un régime de retraite. La cotisation des travailleurs est versée au REER collectif et celle de l’employeur, dans un RPDB. Ce dernier régime offre des avantages fiscaux comparables pour l’employeur, soit que les cotisations déductibles d’impôt, mais ne sont pas sujettes aux charges habituelles sur la masse salariale comme l’assurance emploi ou la Régie des rentes du Québec.

Pour un employeur qui ne contribue pas, BGY pointe vers certains régimes simplifiés, sans donner plus de précisions. Il insiste toutefois sur le besoin d’établir un régime dans lequel les contributions annuelles atteignent au moins 10 000 $. « Si l’employeur ne peut envisager sérieusement un tel niveau minimum, il pourra alors se tourner vers le RVER. »

Occasion de dialogue

On aurait pu s’attendre à ce qu’un fournisseur de RVER comme Standard Life récuse l’essai de BGY. Étonnamment, il n’en est rien. En réalité, cet assureur confirme que l’essai a bien cerné certaines limites du RVER en montrant que d’autres options peuvent s’avérer plus appropriées pour certaines entreprises.

« Le plus intéressant pour nous, c’est que le RVER force le dialogue », avec les entreprises, fait ressortir Philippe Toupin, vice-président, solutions collectives chez Standard Life Canada.

Même son de cloche chez Michel Mailloux, président de Déontologie.ca, qui donne un cours sur le RVER. « On amorce enfin la discussion avec les employeurs qui ne veulent pas entendre parler de régimes de pension » dit-il.

Or, une fois la porte entrouverte, le RVER ne sera qu’une option parmi plusieurs autres que Standard Life et tous les autres fournisseurs pourront soumettre à un employeur. Il s’agira alors de déterminer quel régime « sied le mieux aux besoins du client », souligne Nicolas Genois, vice-président adjoint, développement de produits en régimes de retraite collectifs chez Standard Life Canada.

Ces commentateurs tiennent toutefois à tempérer certaines observations qu’ils jugent excessives. Par exemple, Philippe Toupin salue la simplicité du RVER, un de ses avantages notables étant que l’employeur n’assume pas le rôle de fiduciaire. De plus, « la mise en œuvre d’un régime se fait en 15 minutes au lieu d’une semaine », note-t-il.

Par ailleurs, Michel Mailloux critique l’analyse des frais de gestion de BGY. Pour se payer du conseil et de la formation, dit-il, « il faut des régimes qui ont pas mal d’argent » en actif géré, fait-il ressortir.

Ainsi, entre un RVER et un régime d’accumulation, tous deux comptant 25 employés qui cotisent 1 000 $ par an, la différence de frais de 0,5 % ne donne qu’un supplément annuel de 125 $. « J’aimerais bien voir combien de conseils ou de formation supplémentaire on pourrait aller chercher avec 125 $ », dit-il.