Les lois fiscales américaines s’appliquent aux Américains, c’est-à-dire aux résidents des États-Unis (EU), aux citoyens américains ou aux détenteurs de cartes vertes.

Le citoyen américain qui vit au Canada est donc visé par ces lois, tout comme pourrait l’être un Canadien résident et citoyen du Canada, s’il possède des biens américains ou qu’il passe trop de temps aux États-Unis.

Les lois fiscales canadiennes et américaines diffèrent à plusieurs égards, particulièrement en ce qui concerne les droits successoraux, l’imposition de l’intérêt dont le taux est au-dessous ou au-dessus du taux du marché, la déductibilité des intérêts, l’attribution des revenus et la qualification des fiducies.

Lorsqu’une stratégie de prêt au taux d’intérêt prescrit est proposée, différentes mesures fiscales américaines varient selon que le prêteur ou l’emprunteur est un Américain ou que le prêt est fait à une fiducie qui compte des bénéficiaires américains.

Voici un survol de certaines mesures fiscales américaines et canadiennes pouvant s’appliquer lors de la mise en place d’une stratégie de prêt au taux d’intérêt prescrit.

Stratégie de prêt au taux prescrit

Afin d’éviter l’application des règles d’attribution sur les revenus de placement, Laurier, un résident et citoyen canadien, a mis en place une stratégie de prêt au taux prescrit avec son épouse Lorrie, une résidente canadienne qui a la double citoyenneté canadienne et américaine.

Au Canada, cette stratégie permet au couple de fractionner les revenus de placement et de réaliser des économies d’impôts annuelles considérables pourvu que certaines conditions soient respectées.

Le paragraphe 74.5 de la Loi de l’impôt sur le revenu permet d’éviter l’application des règles d’attribution si le taux est égal ou supérieur au taux d’intérêt prescrit (soit actuellement de 1 %) et que les intérêts sont payés au plus tard le 30 janvier de l’année suivante.

En respectant ces conditions, Lorrie peut inclure les revenus de placement à ses revenus et le fractionnement est réussi.

De plus, puisque Lorrie emprunte à une fin admissible à la déductibilité des intérêts, les intérêts qu’elle paie annuellement à Laurier sont déductibles d’impôt.

Rappelons que les intérêts versés sur des emprunts qui servent uniquement à gagner un gain en capital, sans possibilité de générer un revenu, ne sont pas déductibles.

Au fédéral, les intérêts sont déductibles à l’encontre de tout revenu. Au Québec, la déductibilité des intérêts est limitée aux revenus de placements incluant la partie imposable du gain en capital et les dividendes majorés, et peut faire l’objet de report.

Différent aux États-Unis

En tant que citoyenne américaine, Lorrie doit produire une déclaration de revenus annuellement aux États-Unis. Les revenus du placement visés par la stratégie seront aussi imposables aux États-Unis.

En ce qui concerne la déductibilité des intérêts aux États-Unis, les mesures sont similaires à celles du Québec, sans être identiques.

Dans sa déclaration fiscale américaine, la déductibilité des intérêts de l’emprunt que Lorrie a contracté sera limitée aux revenus nets du placement (soit aux revenus du placement générés avec les sommes empruntées, moins les frais y afférant), et la partie qui ne pourra pas être déduite au cours d’une année pourra faire l’objet de report.

Aux États-Unis, les intérêts déductibles font partie des déductions diverses. Il est donc possible que la déduction complète ne puisse pas être demandée et qu’elle soit même perdue malgré le report permis.

Pour corser les choses encore plus, les États-Unis ont aussi leur taux d’intérêt prescrit, le Applicable Federal Tax Rate (AFR). Si le AFR est supérieur au taux d’intérêt prescrit canadien, Lorrie sera considérée comme ayant fait un don à Laurier. Et puisqu’elle est américaine, elle est assujettie à l’impôt sur les dons (US Gift Tax). Il faut donc s’assurer qu’en cas de divergence entre l’AFR et le taux d’intérêt prescrit canadien, la somme annuelle que Lorrie est présumée avoir donnée à Laurier n’excède pas le seuil d’exemption de l’impôt sur les dons (US Gift Tax) qui est actuellement de 145 000 $ US. Faire le prêt au taux d’intérêt le plus élevé des deux pays est souhaitable.

Par ailleurs, le billet qui représente le prêt au taux d’intérêt prescrit sera considéré pour Laurier comme un bien américain, et l’assujettira aux droits successoraux américains s’il n’est pas entièrement remboursé à son décès.

Curieusement, s’il fait don du prêt, la valeur du billet ne sera assujettie ni aux droits successoraux (US Estate Tax) ni à l’impôt sur les dons (US Gift Tax). Cependant, si une extinction de la dette au moment de son décès est prévue par testament, la valeur du billet pourrait être comprise dans les biens américains visés par les droits successoraux américains.

Le testament du prêteur et les documents de prêt doivent donc être rédigés par un juriste d’expérience et compétent en la matière lorsque la stratégie de prêt au taux d’intérêt prescrit se fait en présence de citoyens américains.

De plus, si le prêt en question était plutôt fait à une fiducie familiale avec un bénéficiaire américain, tout le revenu devrait lui être attribué et distribué pour éviter l’application d’une autre mesure fiscale américaine infiniment complexe, la Throwback Rule. Les réinvestissements automatiques sont donc à éviter dans une telle situation.

Une stratégie fiscale canadienne simple peut ainsi devenir un monstre de complexité lorsqu’elle touche des citoyens américains. Le travail d’équipe devient essentiel pour arriver aux résultats souhaités.

*Directrice principale planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD