Ainsi, lorsqu’un conseiller achète une action ou une obligation sur le marché secondaire, c’est son client qui lui verse une commission. Dans un compte transactionnel, il s’agira de frais de transaction ponctuels. Quant aux comptes à honoraires, le conseiller n’est pas rémunéré à la transaction, mais selon un honoraire basé sur la valeur de l’actif de son client.

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«Le conseiller qui vend une nouvelle émission à son client sera rémunéré par l’émetteur, qu’il soit ou non à honoraires», explique Sylvain Brisebois, directeur général, premier vice-président, conseiller principal en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille chez BMO Nesbitt Burns.

Cette rémunération, aussi appelée selling concession, est prélevée à même la commission brute que perçoit le preneur ferme ou le chef de file auprès de la société émettrice. Le client de détail ne paie pas de commission, puisqu’il achète le titre au prix de l’émission.

«Dans le cas des comptes à honoraires avec gestion discrétionnaire, nous interdisons à nos conseillers de faire de nouvelles émissions afin d’éviter les conflits d’intérêts», remarque Sylvain Brisebois. Ceci fait en sorte qu’une émission moins populaire ne puisse être distribuée dans les comptes des clients gérés de façon discrétionnaire.

Divulgation non obligatoire

«Selon l’esprit de la règle du MRCC 2, le courtier doit divulguer la commission qu’il fait sur la transaction qu’il exécute pour son client, afin que celui-ci sache ce que cela lui coûte. Dans le cas d’une nouvelle émission, on devra déclarer le prix que le client paiera le titre, mais cela n’inclura pas le montant versé par l’émetteur au représentant. On peut difficilement savoir quelle portion des honoraires de syndication et autres frais d’émission va seulement au représentant», précise Carmen Crépin, vice-présidente pour le Québec de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

Le son de cloche est semblable chez l’Autorité des marchés financiers (AMF). «Lors de l’élaboration des modifications MRCC 2, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont fait le choix d’exclure les paiements faits aux courtiers inscrits à l’égard d’émissions initiales d’actions ou de titres à revenu fixe. La raison principale de cette exclusion est que ces paiements peuvent se rapporter à d’autres services que ceux que le courtier inscrit fournit au client. À titre d’exemple, la commission versée au courtier par un émetteur peut servir à payer, en partie ou en totalité, des services bancaires d’investissement fournis par le courtier à l’émetteur», commente le responsable des communications du régulateur, Sylvain Théberge.

«Chez BMO Nesbitt Burns, les conseillers sont libres de révéler ce revenu aux clients, mais nous les encourageons à le faire. Personnellement, je divulgue à mes clients la commission que je reçois de l’émetteur lorsque je fais une nouvelle émission», précise Sylvain Brisebois.

Chez Richardson GMP, les conseillers en placement se spécialisent en gestion de portefeuille et ne misent pas sur les nouvelles émissions. «Ceux qui ont une approche plus transactionnelle peuvent en faire 5-10 %, parfois 12 %, de leur chiffre d’affaires, mais ce n’est pas la norme», affirme Jean-Pierre Janson, président de la division montréalaise de Richardson GMP.

«Nous ne sommes pas là pour flipper des nouvelles émissions comme certains le font», ajoute-t-il.

«Pour le client qui paie des commissions à la transaction, le représentant reçoit alors sa rémunération de la firme de courtage, et son client achète le titre au prix de l’émission. Dans le cas d’un conseiller à honoraires, cette commission ne sera tout simplement pas versée au conseiller, puisqu’il est déjà payé pour l’actif qu’il gère», précise Jean-Pierre Janson.

Certains conseillers à honoraires perçoivent-ils une double rémunération lorsqu’ils vendent de nouvelles émissions ? «La réponse, c’est oui, et je pense que cela ne devrait pas être accepté», commente Jean-Pierre Janson.

Gare à la double rémunération

Un conseiller en placement à honoraires reçoit de son client un pourcentage de l’actif qu’il gère pour lui. En achetant de nouvelles émissions pour le compte de son client, il perçoit également une commission de l’émetteur, ce qui constitue ni plus ni moins une double rémunération. Et si le conseiller ne divulgue pas cette commission de l’émetteur à son client, ce dernier n’en saura rien. «C’est vrai, mais nous pensons que l’impact est assez marginal par client», commente Carmen Crépin.

«Il est vrai que le conseiller à honoraires qui fait de nouvelles émissions sera mieux rémunéré et pourrait être tenté d’en faire plus», concède Sylvain Brisebois.

Or, les services de conformité dans les succursales des firmes de courtage gardent un oeil sur les transactions effectuées dans les comptes, croit-il. «Si un conseiller à honoraires fait beaucoup de nouvelles émissions chez nous, on le saura et le directeur de succursale interviendra.»

Un conseiller qui gère beaucoup de nouvelles émissions ne devrait-il pas avoir des comptes transactionnels plutôt qu’à honoraires avec sa clientèle ? «Oui, cela serait une bonne pratique effectivement», dit Sylvain Brisebois.

«Le client sera d’une manière ou d’une autre informé de l’existence de cette forme de rémunération en vertu de l’article 14.2 (1) du Règlement 31-103», rappelle le porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge. Cet article prévoit que le courtier inscrit transmet à son client toute l’information qu’un investisseur raisonnable jugerait importante en ce qui concerne sa relation avec la personne inscrite.

Cette information transmise au client comprend notamment «une description générale de toute rémunération versée au courtier relativement aux différents types de produits que le client peut acheter par son entremise, ce qui comprend les commissions à l’égard d’émissions initiales», précise-t-il.

«Une telle double rémunération serait contraire à l’obligation du courtier et du représentant, prévue à la législation en valeurs mobilières, d’agir avec honnêteté, bonne foi et loyauté envers les clients», conclut Sylvain Théberge. Si l’AMF devait constater de tels agissements de la part de conseillers inscrits, elle prendrait les mesures appropriées contre ces personnes.