Que nous réserve la prochaine génération de FNB?

La prochaine vague des fonds négociés en bourse (FNB) pourrait être celle des solutions intégrées de gestion tout-en-un, qui regroupent plusieurs FNB dans un seul emballage. Ce ne serait pas si étonnant, si l’on considère que 48 % de l’actif en fonds communs de placement (FCP) au Canada est investi dans des fonds équilibrés, contre 8 % aux États-Unis.

Ce scénario potentiel fut l’un des thèmes discutés dans le cadre du Forum exécutif Morningstar sur la prochaine génération de FNB, tenu à Montréal le 25 février. Christian Charest, éditeur du site web de Morningstar Canada, animait la discussion.

« Il y a actuellement peu de substitution possible d’un fonds équilibré par un FNB. Les manufacturiers de FNB ont eux-mêmes commencé à proposer des produits combinant divers FNB dans un seul emballage. C’est pourquoi les « conseillers-robots » ont fait leur apparition pour composer des portefeuilles équilibrés de FNB, parce que c’est ce à quoi les Canadiens sont habitués », a indiqué Alain Desbiens, vice-président, Québec et Atlantique, à FNB BMO, l’un des trois panélistes.

« Il a certainement une demande pour cette approche, comme en témoigne le lancement de plusieurs produits de ce type au cours des derniers mois. Nous offrons plutôt une gestion personnalisée, car ces nouveaux « FNB de FNB » ne sont pas adaptés aux besoins particuliers de chaque investisseur, ne serait-ce que sur le plan fiscal », lui a répondu Ian Gascon, président de Placements Idema, aussi panéliste.

« Les gens qui ont moins de 50 000 $ d’actifs doivent avoir accès à des solutions tout-en-un leur permettant entre autres de faire de l’investissement périodique à un coût raisonnable », a repris Alain Desbiens, qui prévoit que l’actif total dans les FNB au Canada atteindra 200 milliards de dollars (G$) au cours des cinq prochaines années.

Cet actif oscille actuellement autour de 80 G$, mais cela ne représente que 2,5 % de l’actif total des Canadiens. En comparaison, il y a un trillion de dollars d’actifs en FCP. Au Canada, il y a eu 10 G$ investis en FNB en 2014, contre 50 G$ en FCP. Aux États-Unis, la popularité des FNB est tout autre : depuis la crise financière, 1 trillion de dollars US ont été investis dans des FNB aux États-Unis, contre 185 G$ US dans des FCP.

Alain Desbiens a rappelé qu’au Canada, l’argent investi dans les FNB ne vient pas de transferts en provenance des FCP. Il vient plutôt des courtiers en valeurs qui décident de liquider des titres individuels pour les remplacer par des FNB. Aux États-Unis, cependant, il y a eu substitution des FCP par des FNB.

Les moteurs de croissance

Il y a désormais 387 FNB au Canada, selon la Financière Banque Nationale, et pas moins de 21 fonds ont été lancés entre le 24 novembre 2014 et le 12 février 2015, sans compter que 28 fonds sont dans le « pipeline ». Mais plusieurs fonds ont très peu d’actifs. « Il y a beaucoup trop de produits et plusieurs devraient fermer. Ça ne me dérange pas trop et ça me donne plus de travail en consultation », raille Ian Gascon.

« La pénétration des FNB au Canada est inférieure à ce qu’elle devrait être et la croissance va s’amplifier. Et même si cette croissance était de 35 % par année, il y aurait encore beaucoup d’espace à occuper pour les FNB », estime le troisième panéliste, Yves Rebetez, directeur général de ETF Insight, qui juge toutefois que, pour y arriver, divers obstacles devront être surmontés.

En fait, l’adoption de la rémunération à honoraires par les conseillers en épargne collective, la réglementation visant l’adoption d’une norme fiduciaire et l’innovation technologique seraient les principaux vecteurs de la croissance de l’actif des fonds négociés en bourse, selon les participants.

Yves Rebetez prévoit que la distribution des FNB devrait s’ouvrir dans le courant de cette année et de l’an prochain. C’est que des avancées technologiques permettront aux conseillers en épargne collective, qui vendent exclusivement des FCP, d’accéder à la vente de FNB.

« Mais, personne ne voudra vendre ces FNB sans être rémunéré. C’est pourquoi l’adoption d’un modèle à honoraires par ces conseillers est un passage obligé pour qu’ils adoptent en masse les FNB. Cette adoption pourrait toutefois être accélérée si les autorités réglementaires abolissaient la commission de suivi », a suggéré Alain Desbiens.

Rappelons que la plupart des conseillers en épargne collective sont rémunérés à partir de commissions de suivi versées aussi longtemps que l’investisseur détient un fonds. Dans un modèle à honoraires, les investisseurs négocient la rémunération selon un pourcentage de l’actif sous gestion.

Une industrie « d’innovation »

Si la première vague de FNB était surtout constituée de fonds indiciels fondés sur la capitalisation boursière, les « innovations » des dernières années sont davantage des compléments à cette approche, voire des stratégies différentes, donnant aux investisseurs des outils pour atteindre des objectifs plus spécifiques, selon Yves Rebetez.

« L’explosion des nouveaux produits des dernières années survient alors que les produits traditionnels couvrent assez bien la plupart des grandes classes d’actifs, sauf à l’international où il y a encore de la place pour de nouveaux produits, notamment un fonds d’actions de moyenne capitalisation aux États-Unis », a noté Ian Gascon.

 
« Les innovations des dernières années répondent en partie à des besoins exprimés tant par les investisseurs institutionnels que les particuliers. La concurrence dans le marché a aussi contribué à diversifier l’offre de produits. Ainsi, « l’indicialisation » sera bientôt offerte sur d’autres marchés, couverts en devises ou non, et aussi en dollars américains, pour échapper à l’imposition par le fisc américain », a souligné Alain Desbiens.

L’innovation en matière de FNB s’est surtout concentrée sur des stratégies basées sur des facteurs, que les analystes de Morningstar nomment « bêta stratégique ». Parmi elles, on retrouve la faible volatilité, l’indexation fondamentale, l’équipondération et l’accent mis sur les dividendes. « Quelle est la valeur de ces stratégies pour l’investisseur moyen? » a demandé Christian Charest.

« Les gestionnaires actifs utilisent très souvent ces stratégies, désormais accessibles par le biais de FNB. Dans la mesure où ces stratégies sont disponibles à des coûts bien inférieurs à ceux des FCP, elles permettent d’élargir les choix des clients », raisonne Yves Rebetez.

« Ces fonds donnent accès à des stratégies actives à des coûts nettement inférieurs aux fonds de série F distribués par les conseillers rémunérés par honoraires », ajoute Alain Desbiens, qui rappelle que ces stratégies ont été demandées par la clientèle.

Ian Gascon y voit beaucoup moins d’intérêt : bien qu’il reconnaisse que la stratégie indicielle originale fondée sur la capitalisation boursière n’est pas nécessairement optimale, l’alternative ne lui paraît pas préférable pour autant. Et déterminer quelle stratégie favoriser demande une bonne dose de recul pour bien comprendre les raisons de son succès.

Il cite l’exemple de la stratégie de l’indexation fondamentale mise au point par Research Affiliates. Une comparaison entre le FNB iShares Canadian Fundamental (CRQ), géré selon cette approche, et le FNB iShares S&P/TSX 60 Index (XIU), l’indice phare des grandes capitalisations au Canada, montre que 78 % du contenu du premier se retrouve dans le second. Or, le premier affiche un ratio des frais de gestion de 0,71 %, contre 0,17 % pour le deuxième. « Est-il justifiable de payer quatre fois plus cher pour une différence d’environ 25 % entre ces deux fonds? Les titres différents doivent afficher un rendement exceptionnel pour battre la stratégie passive », a remarqué Ian Gascon, admettant que des résultats différents sont possibles dans d’autres marchés.

Même si plusieurs FNB gérés activement ont été lancés, leurs actifs restent minuscules. « C’est que l’accès à la distribution n’est pas équivalent à celui des FCP. De plus, les gestionnaires actifs n’ont pas intérêt à se lancer dans les FNB où les marges sont minces alors que leurs marges sont déjà très élevées dans le modèle des fonds communs », a souligné Yves Rebetez.

« Avant d’acheter, l’investisseur doit s’assurer que ces stratégies actives puissent générer de meilleurs rendements à long terme, ce qui n’est pas facile. J’ai rencontré 1000 gestionnaires institutionnels à travers le monde qui faisaient le marketing d’une multitude de stratégies et j’en retiens qu’il est très difficile a priori d’identifier celles qui vont systématiquement battre les indices à long terme. L’investisseur se fie trop à l’historique des rendements, qui peuvent s’expliquer par d’autres facteurs que la stratégie même. Certains FNB gérés activement connaîtront temporairement un rendement supérieur, de la même manière que certains FCP connaissent temporairement un rendement supérieur à l’indice », a maintenu Ian Gascon. Il n’utilise que de façon très limitée les fonds gérés activement dans les portefeuilles de ses clients, pour cibler des créneaux spécifiques.

Optimiste, Alain Desbiens prédit une explosion de l’actif des FNB gérés activement dans les années à venir. « L’actif des fonds communs de classe F atteint 166 G$. Les courtiers en valeurs et les gestionnaires de portefeuille qui les utilisent vont se tourner vers les FNB gérés activement », prédit-il. Il souligne que 40 % des ventes de FNB BMO depuis le début de 2015 sont des fonds gérés activement, une nette progression par rapport à l’an dernier.

« Mais la croissance de ces stratégies au Canada est attribuable à hauteur de 60 % à l’engouement pour les fonds axés sur le dividende », a rappelé Yves Rebetez, pour qui ces stratégies ont démontré leur validité à long terme, du moins du point de vue académique.