Ottawa veut s'attaquer à certaines échappatoires fiscales pour les riches
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Le ministre des Finances, Bill Morneau, a proposé mardi certaines mesures pour empêcher certains propriétaires de sociétés privées de profiter « de règles fiscales qui leur offrent des occasions d’obtenir légalement, mais injustement, des avantages qui ne sont pas offerts aux autres Canadiens ».

« Ces avantages fiscaux sont en place pour aider les entreprises à réinvestir des capitaux et à prendre de l’expansion, à trouver de nouveaux clients, à acheter du nouveau matériel et à embaucher plus de gens. Nous voulons nous assurer que ces règles sont appliquées à ces fins précises, et non pas pour accorder des avantages fiscaux injustes à certains particuliers, qui sont souvent des personnes à revenu élevé », a indiqué le ministre.

M. Morneau, qui était lui-même un homme d’affaires prospère avant de se lancer en politique, a admis qu’il devrait probablement payer davantage d’impôts si les changements proposés étaient apportés par son gouvernement. « Nous estimons que ces approches de gestion des finances personnelles par l’entremise d’une société privée créent un avantage fiscal inéquitable », a-t-il indiqué mardi. « Tous les Canadiens, moi y compris, devraient accepter de payer leur juste part (d’impôt). »

Ottawa souhaite d’une part empêcher les gens d’affaires aisés de répartir leurs revenus auprès de membres de leur famille dont le taux d’imposition est moins élevé ou qui n’ont pas d’impôt à payer _ même si ces proches ne sont pas impliqués dans l’entreprise. Le ministère fédéral des Finances estime qu’environ 50 000 ménages canadiens profitent de ce « saupoudrage » de revenus au sein de la famille.

Le gouvernement propose par exemple de fixer un âge minimal pour les membres de la famille sur qui on pourrait « saupoudrer » des revenus, et de mesurer leurs capacités réelles à apporter une contribution « raisonnable » à l’entreprise. Grâce à cette mesure, Ottawa pourrait récolter 250 millions de dollars (M$) par année en impôts, soit environ 5000 $ par famille, estime le gouvernement.



« Investissements passifs »

Le gouvernement vise aussi les Canadiens qui profitent d’un allégement fiscal en tirant des revenus « d’investissements passifs », dans le seul but de sauver de l’impôt, parce que les taux d’imposition du revenu des sociétés sont largement inférieurs à ceux des particuliers à revenu élevé. Ottawa estime que cette mesure représente « un avantage fiscal inéquitable puisque ce genre de mécanisme n’est pas à la portée des personnes qui reçoivent un chèque de paie aux deux semaines ».

« Une telle situation est problématique lorsqu’un particulier détient des fonds dans une société non pas dans le but d’assurer la croissance de la société, mais simplement pour les mettre à l’abri du taux d’imposition des particuliers, qui est plus élevé », lit-on dans un document de consultations publiques.

Les libéraux veulent aussi éliminer la possibilité pour les riches dirigeants de sociétés privées de convertir leurs revenus en gains en capital, qui sont imposés à un moindre taux.

On ignore combien ces deux dernières mesures pourraient générer en recettes fiscales supplémentaires à Ottawa.

Le gouvernement amorce maintenant une période de consultations publiques de 75 jours pour permettre aux investisseurs d’analyser les trois propositions et de soumettre leur point de vue.

Juste part d’impôt

Dans le budget de mars dernier, le gouvernement de Justin Trudeau avait annoncé son intention de « s’attaquer à des stratégies de planification fiscale auxquelles des sociétés privées ont recours, qui peuvent permettre à des particuliers à revenu élevé de profiter d’avantages fiscaux auxquels les autres Canadiens n’ont pas accès ».

« Dans les faits, les particuliers qui saisissent ces occasions paient moins que leur juste part pour assurer les services essentiels sur lesquels comptent les Canadiens, dont les soins de santé, le logement, les prestations pour enfants, la Sécurité de la vieillesse et d’autres programmes importants », a plaidé mardi le ministère des Finances.

Le gouvernement fédéral croit que le recours à des sociétés privées pour réduire le fardeau fiscal des particuliers est en croissance constante au Canada. Le nombre d’entreprises privées contrôlées par des Canadiens est passé de 1,2 M$ en 2001 à 1,8 M$ en 2014, indique le ministère des Finances. De 2000 à 2016, la proportion de travailleurs autonomes qui se sont constitués en société privée (« personne morale ») a pratiquement doublé, selon le ministère.

« Je vois ça depuis des années (dans ma carrière) », a admis mardi le ministre Morneau, qui a été notamment, dans une autre vie, président de Morneau Shepell, la plus importante firme de consultants en ressources humaines au pays.