Le ministre Morneau veut éviter la création de sociétés privées dans le strict but d’économiser de l’impôt. Cette pratique de plus en plus répandue permet aux entrepreneurs et à certains professionnels de fractionner leur revenu entre les membres de leur famille même si ceux-ci ne travaillent pas pour eux.

Le ministère des Finances a clarifié à qui ces changements s’appliqueraient.

« Nous avons annoncé des règles très claires », a affirmé M. Morneau en point de presse en soulignant que l’objectif était de rendre le régime fiscal plus équitable.

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Les conjoints des propriétaires d’entreprises qui sont âgés de 65 ans ou plus ne seront pas touchés, pas plus que les adultes qui travaillent en moyenne 20 heures par semaine pour l’entreprise familiale, et les adultes âgés de 25 ans ou plus qui possèdent au moins 10 % de l’entreprise.

Les gens qui ne répondront pas à ces critères devront prouver qu’ils ont contribué à l’entreprise de façon raisonnable pour être exempts des nouvelles mesures.

Les changements proposés réduiront le bassin d’entreprises touchées, le faisant passer de 50 000 à 45 000, selon les documents du ministère. Ils doivent s’appliquer pour l’année d’imposition 2018.

Les conservateurs et les néo-démocrates dénoncent le peu de temps accordé aux entreprises touchées pour s’adapter. Le ministre Bill Morneau a annoncé ces changements le dernier jour de travaux parlementaires avant la relâche pour la période des Fêtes.

« Le processus n’est pas respectueux des petites et des moyennes entreprises parce qu’elles reçoivent un avis de deux semaines _ seulement deux semaines _ où elles vont devoir changer leur modèle d’affaires », a dénoncé le député néo-démocrate, Alexandre Boulerice.

Il demande que l’application de ces mesures soit reportée.

Le député conservateur Gérard Deltell estime qu’il s’agit d’un « charabia incompréhensible » qui crée deux classes d’entrepreneurs.

« Ils vont être confrontés à l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour démontrer la réalité dans laquelle ils vivent, a-t-il souligné. Dieu sait que l’ARC a démontré hors de tout doute raisonnable qu’ils sont d’une incompétence crasse particulièrement cette année. »

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante craint un alourdissement du fardeau administratif des entrepreneurs qui devront prouver qu’ils ont bel et bien droit aux exemptions et qui seront soumis aux « décisions subjectives » des vérificateurs de l’ARC.

Une réforme bonne pour la poubelle ?

La réforme fiscale suscite la controverse depuis son dévoilement en juillet. Le ministre Morneau avait déjà annoncé des changements en octobre.

Le comité sénatorial permanent des finances nationales avait dévoilé, plus tôt dans la journée, le résultat d’une consultation menée d’est en ouest au cours des dernières semaines.

Si le ministre refuse de mettre sa réforme à la poubelle, le comité lui demande de reporter sa mise en oeuvre d’un an, soit en janvier 2019, pour revoir de fond en comble le régime fiscal canadien, car cette réforme a suscité trop d’inquiétudes chez les particuliers.

Sur les douze membres du comité, deux sénateurs ont exprimé leur dissidence. Il s’agit des sénateurs indépendants Éric Forest et André Pratte, qui jugent trop radicale la recommandation d’abandonner la réforme.

Le ministre Bill Morneau a signalé mercredi qu’il n’a pas l’intention de jeter l’éponge ni de reporter sa réforme. « Les petites et moyennes entreprises auront amplement de temps de s’ajuster durant la prochaine année », a-t-il fait valoir.

Il estime que le fisc pourra récupérer 190 millions de dollars (M$) dès 2018-2019 en modifiant les règles de répartition du revenu.