Après des mois de suspense, le gouvernement Couillard a finalement tranché, et a décidé de revoir de fond en comble le mode de financement des services de garde à contribution réduite, de même que le financement de leurs installations.

Grâce à ce grand chambardement annoncé jeudi, Québec compte épargner annuellement 308 millions de dollars (M$), à terme, en 2018-2019.

La contribution financière des parents va faire un bond important, passant de 13 %, en moyenne, du coût réel d’une place, à 20 %. Une place coûte 60 $ par jour, par enfant. Le reste de la facture est assumé par l’ensemble des contribuables.

La modulation du tarif passera par la fiscalité. C’est donc lorsqu’ils prépareront leur déclaration de revenus annuelle que les parents sauront exactement combien leur aura coûté la décision de placer leur enfant en garderie.

Le tarif quotidien sera maintenu à 7,30 $ pour tous, mais deviendra un tarif de base. Il sera indexé annuellement à compter du 1er janvier 2016.

Si le revenu familial brut ne dépasse pas 75 000 $, le tarif devrait finalement plafonner à 8 $ par jour. Il grimpera à 11,75 $ par jour pour un revenu familial brut de 100 000 $. Un revenu familial brut de 122 000 $ entraînera un tarif de 15 $ par jour, tandis qu’un revenu familial brut dépassant 150 000 $ amènera les parents à débourser 20 $ par jour.

Le tarif modulé sera lui aussi indexé annuellement.

Les familles dont le revenu brut ne dépasse pas 50 000 $ seront épargnées, les hausses annoncées ne les toucheront pas, tout comme les familles vivant d’aide sociale. Celles comptant au moins trois enfants placés en garderie simultanément seront épargnées elles aussi.

Le réseau des garderies puise 2,3 milliards de dollars (G$) par année du budget gouvernemental, une ponction devenue trop lourde à assumer quand les finances publiques sont en piteux état, a plaidé le premier ministre Philippe Couillard, en conférence de presse, jeudi, pour justifier le changement annoncé.

En campagne électorale, le printemps dernier, les libéraux condamnaient pourtant la décision du gouvernement péquiste de faire passer le tarif de 7 $ à 9 $, la qualifiant de « choc tarifaire ».

L’engagement libéral consistait à s’en tenir à indexer annuellement le tarif à 7 $. Le PLQ s’était aussi engagé à ne pas augmenter les taxes et les impôts.

Les partis d’opposition ont aussitôt dénoncé la décision gouvernementale. De concert, le chef de l’opposition officielle, Stéphane Bédard, et le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, ont demandé au premier ministre Philippe Couillard de présenter ses excuses aux familles.

« Est-ce que la parole du premier ministre a encore une valeur? », a demandé François Legault, en Chambre, durant la période de questions, estimant que le premier ministre était « en pleine contradiction avec ce qu’il avait promis en campagne électorale ».

C’est une « trahison »du gouvernement libéral envers les familles, a dit pour sa part Stéphane Bédard, qualifiant la nouvelle grille tarifaire de « taxe famille ». L’opposition officielle va déposer une motion de censure contre le gouvernement la semaine prochaine pour exprimer son mécontentement.

Outrée, la porte-parole de Québec solidaire et députée de Gouin, Françoise David, a dit que la décision gouvernementale avait réussi à la « mettre en colère ».

Le premier ministre Couillard a répliqué à toutes ces critiques qu’avec la nouvelle grille tarifaire le système de garderies québécois demeurait « le plus généreux » au pays.

C’est la « justice sociale » qui a présidé à la décision du gouvernement, a-t-il assuré, insistant sur le fait que le tarif allait demeurer à 7,30 $ pour près de 30 % des familles.

La décision n’a pas été facile à prendre. Trois réunions en caucus ont été nécessaires pour convaincre les députés d’accepter le scénario choisi. Sur le terrain, plusieurs députés libéraux craignent que la hausse de tarif sème la grogne contre le gouvernement.

L’épargne anticipée annuelle de 308 M$ en 2018-2019 inclut la contribution supplémentaire puisée dans les poches des parents (179 M$) et la nouvelle façon de financer la construction des Centres de la petite enfance (CPE) (129 M$), qui devront désormais acquitter la moitié des coûts d’immobilisation actuellement financés par l’État.

Québec va aussi obliger les services de garde à rendre davantage de comptes, à réduire leurs dépenses administratives et à revoir l’organisation du travail.

Pour ce qui est des garderies scolaires, Québec fixe un tarif unique à 8 $ par jour, indexé chaque année.

La ministre de la Famille, Francine Charbonneau, a promis aussi de s’attaquer au problème des « places fantômes », ces places payées par l’État et les parents, mais qui ne sont pas occupées à temps plein par un enfant.

Les changements annoncés nécessiteront le dépôt de deux projets de loi.

Si le financement des garderies est bouleversé, le régime de congés parentaux de même que la prime de soutien aux enfants ne seront pas touchés, a promis le premier ministre.