Fintech et encadrement réglementaire : le choix de la prudence
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Avec l’émergence de modèles d’affaires s’appuyant sur de nouvelles technologies et intégrant une multitude d’offres de services, dont plusieurs ne sont pas assujettis, par exemple le prêt en ligne, « un examen en vue d’une évolution règlementaire doit être fait », a-t-elle dit au cours du panel auquel elle prenait part.

Dans cet esprit, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont lancé en février 2017 un bac à sable réglementaire, dont l’objectif est « d’appuyer les entreprises souhaitant offrir des applications, des produits et des services novateurs ».

Contrairement à ce qui est observé dans le cadre d’expériences effectuées dans d’autres juridictions, aucune activité n’est permise ici sans inscription, précise toutefois Sophie Jean. « Le cadre règlementaire s’applique à tout le monde et le cas échéant, la plateforme devient la personne inscrite ».

L’AMF a pour principe d’accueillir la société ayant un projet, de l’informer au sujet de ses responsabilités règlementaires et de l’accompagner dans son cheminement afin qu’elle s’y conforme.

L’AMF est prête à offrir des dispenses règlementaires par rapport à certaines obligations, précise Sophie Jean. Mais dans tous les cas, la présence d’une personne physique est prévue par la loi, au contraire de ce que l’on observe aux États-Unis où il n’y a pas d’obligation en ce sens.

La règlementation ne fait toutefois pas de distinction sur la façon de faire affaire avec le client et la manière d’offrir le conseil, cela relevant davantage du modèle d’affaires. « Les représentants humains doivent s’assurer de la convenance, et notamment du fait que le formulaire KYC (bien connaître son client) soit conforme et bien rempli. Plus les outils pour recueillir de l’information sur le client seront bien faits, moins l’intervention humaine sera obligatoire », a précisé Sophie Jean.

Elle a ajouté : « plus le système est sophistiqué en terme de questionnaire pour l’investisseur, plus il y a des façons de diagnostiquer des erreurs liées à la compréhension de l’investisseur, plus nous allons accepter la réduction du contact humain ».

Bien qu’aucune société ne soit entrée encore dans le bac à sable règlementaire, plusieurs sont très près d’y accéder, évalue Sophie Jean.

« Nous voyons apparaître des sociétés dotées de modèle d’affaires innovant et axé sur la technologie financière, avec des offres très sophistiquées et qui veulent interagir de façon très complexe avec les investisseurs, a indiqué la directrice de l’encadrement des intermédiaires. Il y en a qui ont des idées très novatrices et nous sommes d’avis qu’elles devraient réussir ».

L’avènement du robot-conseiller

Bien qu’il y ait actuellement 11 gestionnaires de portefeuille ou conseillers qui exercent leur activité en ligne, selon Sophie Jean, la Banque de Montréal (BMO) est la première et jusqu’ici la seule grande institution financière à offrir un service numérique de gestion de portefeuille. Elle a lancé le Portefeuille futé BMO en janvier 2016 par l’entremise de sa division BMO Nesbitt Burns.

« Nous ne cherchons pas à créer les besoins, mais à répondre aux besoins qui existent », a indiqué Sabrina Della Fazia, directrice générale, BMO Ligne d’action, Québec & Atlantique chez BMO, lors du panel.

L’implantation de ce type de solution constitue une évolution naturelle visant à servir le client comme il veut être servi et conformément à son profil, analyse-t-elle.

« Mon garçon de 14 ans n’ira probablement jamais à la banque, alors on veut répondre à ça », a signalé Sabrina Della Fazia.

Pour l’instant, le type d’investisseur intéressé par les solutions numériques est assez niché. Il y a principalement le jeune investisseur ayant un intérêt pour la technologie, qui n’a pas encore développé de relation avec un conseiller, l’investisseur autonome qui cherche une offre de service relativement sophistiquée, de même l’investisseur désirant réduire ses frais totaux d’investissement.

« Le robot-conseiller s’adresse à tous, mais tout le monde ne sait pas encore que ça d’adresse à lui », estime Éric Lemieux, Associé principal M2S Capital et Levio Conseils.

Selon lui, l’émergence des robots-conseillers découle d’une série d’éléments.

Parmi eux, Éric Lemieux cite l’informatisation et le développement des algorithmes de calculs visant à optimiser les placements, qui sont notamment appliqués dans la négociation à haute fréquence.

L’accessibilité des outils numériques, qui incite la population à vouloir interagir instantanément dans ses activités de tous les jours, peu importe le domaine, et qui suscite des attentes élevées de la part des investisseurs en matière de solution de gestion de patrimoine.

De même que l’opportunité, pour les entreprises, d’être capable de desservir une nouvelle clientèle, ou de pouvoir offrir davantage à sa clientèle à moindre coût.« Malgré cela, il va toujours y avoir de la place pour le conseiller et l’offre va simplement s’enrichir », analyse Éric Lemieux.

Actuellement, le robot-conseiller est principalement vu comme un outil de distribution, mais il peut être bien davantage et va assurément évoluer pour devenir bien davantage, prévoit-il.

« Il va sans doute devenir un produit à valeur ajoutée par lui-même, en permettant des fonctions plus sophistiquées, par exemple l’atteinte d’objectifs et l’éducation financière », illustre Éric Lemieux.