Or, depuis plusieurs mois, certains, dont l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), contestent que les courtiers soient contraints à ne divulguer que les commissions qu’ils reçoivent, et non l’ensemble des frais d’un fonds compris dans le ratio des frais de gestion. Des institutions financières pourraient tenter de créer des fonds sans commission pour les distribuer uniquement dans leurs succursales, expliquait récemment le président de cette association, Flavio Vani, dans notre Guide du MRCC 2.

En agissant de la sorte, des institutions pourraient essayer de rentabiliser leurs activités en augmentant les frais de gestion qui ne figurent pas obligatoirement sur les relevés. En contrepartie, elles pourraient réduire, voire abolir, les commissions, donnant ainsi aux clients l’impression de payer moins cher pour un service similaire, craignait Flavio Vani.

Tributaires des produits offerts par les institutions financières et les maisons de fonds, les conseillers indépendants ne pourraient adopter une telle stratégie. Il y a là une faille à colmater, soutenait le président de l’APCSF.

L’AMF est au fait de cette faille potentielle. Lors du dernier Congrès de l’assurance et de l’investissement, Eric Stevenson, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’AMF, a avisé les institutions financières que «le message n’est pas de contourner la nouvelle réglementation en changeant les structures de rémunération ou en diminuant le coût de courtage artificiellement en le payant autrement. On veut surveiller ça très attentivement».

Cette position risque de déplaire tout de même à l’APCSF, qui souhaiterait que le régulateur force à divulguer aux clients tous les frais, aussi bien les commissions et la rémunération du courtier que les frais de gestion. «Si tous les frais sont communiqués, [les institutions] ne peuvent pas s’échapper. Elles n’auront plus de porte de sortie», déclarait récemment Flavio Vani.

L’APCSF souhaite aussi stopper la mise en oeuvre du MRCC 2, jugeant qu’elle porte préjudice aux représentants autonomes.

Dans un courriel, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) confirme que ses membres ont l’intention de se conformer à la règle selon laquelle «toutes les charges doivent être divulguées». L’IFIC se réfère par ailleurs à un document de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) qui précise que le courtier qui «reçoit des paiements de transfert au lieu de commissions doit faire une estimation raisonnable du montant qu’il aurait reçu s’il avait gagné une commission. Par exemple, il peut fonder son estimation sur la rémunération qu’un courtier tiers aurait touchée pour la vente des mêmes produits ou de produits similaires».

Lors du même événement, Eric Stevenson a souligné ses réserves à l’idée qu’on puisse offrir des fonds distincts sur Internet. «C’est un bel exemple d’un produit que je ne vois pas vendu en ligne. C’est un produit de rente avec une certaine complexité, avec des options de placement et une option de garantie. Je ne souhaiterais pas qu’ils [les fonds distincts] soient vendus en ligne aujourd’hui», a-t-il mentionné.

Cette position diverge de celle défendue par l’AMF qui propose depuis avril que la vente d’assurance en ligne puisse se faire, sans l’intervention d’un représentant et sans conseil. Les distributeurs devraient toutefois respecter une série de conditions, dont celle de fournir aux clients des outils d’auto-évaluation adéquats et l’accès aux conseils d’un représentant certifié quand le besoin s’en fait sentir.

iA Groupe financier, qui chapeaute l’Industrielle Alliance, propose de permettre la distribution de contrats de rentes et de régimes collectifs appropriés à la distribution en ligne, selon le mémoire qu’il a remis au ministère des Finances du Québec dans le cadre de la révision de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (LDPSF).

La désignation de bénéficiaire d’un contrat de rente «est un outil extrêmement important qui peut être très mal utilisé. S’il est mal compris, il pourrait avoir un effet dévastateur sur le client», a plaidé de son côté Michael Luciani, conseiller en sécurité financière et premier vice-président de l’APCSF.

Introspection nécessaire

De plus, lors du même événement, Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF, a soutenu que l’industrie de l’assurance de personnes devrait se livrer à une profonde réflexion au cours des prochaines années et, surtout, ne pas nécessairement attendre que le gouvernement arrive avec des réponses à ses défis.

L’industrie devrait notamment examiner sa structure de rémunération et la divulgation d’informations au client. (Lire le texte en page 22).

«Les structures de rémunération en assurance posent certains défis et certains problèmes, a noté Louis Morisset. Quand le gros de ta rémunération passe la première année, ça peut inciter des gens à chercher des clients pour maintenir une rémunération. Si la rémunération était étalée dans le temps, ça inciterait peut-être les gens à agir autrement. Ça inciterait peut-être des gens qui ne sont pas des vendeurs dans l’âme, mais des conseillers dans l’âme à agir de cette manière.»

Louis Morisset a rappelé que l’AMF allait examiner de près le risque d’arbitrage règlementaire entre les fonds communs et les fonds distincts, les premiers étant touchés par les divulgations liées au MRCC 2 contrairement aux seconds.

«Ce n’est pas normal qu’un consommateur, pour qui un fonds distinct et un fonds commun ont pas mal de similarités, n’arrive pas à avoir le même type d’information. Ça ne veut pas dire que la recette appliquée en valeurs mobilières doit être la même que celle appliquée en assurance, mais une évolution devra se faire», a indiqué Louis Morisset.