Home Capital, la pression diminue
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La crise chez HCG, causée originalement par la révélation que 45 courtiers avaient été suspendus entre 2014 et 2015, s’est envenimée lorsque les médias ont révélé que la Commission des valeurs de l’Ontario (OSC) menait une enquête sur la question. La situation semble toutefois se résorber quelque peu.

La taille de Home Capital est si petite dans l’ensemble du système financier canadien qu’il est pratiquement impensable que la crise que traverse la firme de Toronto puisse avoir un impact majeur sur le marché du prêt hypothécaire, explique Richard Guay, professeur, Département de finance, UQAM, et ex-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Home Capital opère un marché de niche, selon lui. « La société consent des prêts hypothécaires à des individus qui ne se qualifient pas auprès des banques à charte. Non pas qu’ils soient de mauvais clients. Ce sont par exemple les immigrants qui n’ont pas encore d’historique bancaire, ou encore des travailleurs autonomes dont les revenus sont variables », dit-il.

La société torontoise fait face à un problème de liquidité, et non pas de solvabilité, du moins pour l’instant, explique Richard Guay. « Mais cela a été suffisant pour causer une grande nervosité sur le marché boursier, car contrairement aux banques à charte, Home Capital ne peut pas compter en théorie sur la Banque du Canada (BdC) pour faire face à une hémorragie de ses dépôts », dit-il.

Pour calmer le jeu, Home Capital a obtenu le 27 avril une marge de crédit de 2 milliards de dollars d’un groupe de prêteurs dirigé par le Healthcare of Ontario Pension Plan. Le 15 mai, la firme affirmait par voie de communiqué qu’elle disposait de liquidités et de ligne de crédit suffisantes.

De plus, Home Capital nommait la semaine dernière à son conseil d’administration trois nouveaux directeurs, dont Claude Lamoureux, ex-pdg du Ontario Teachers’ Pension Plan et co-fondateur de la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance. « Il s’agit là d’un signal fort », dit Richard Guay. C’est à partir de ce moment que le titre a amorcé une remontée. Le titre qui valait plus de 25 $ au début d’avril était tombé en bas de 6 $ le 8 mai. Trois jours plus tard, il cotait 11 $.


Contagion limitée dans le secteur

Equitable Group, le deuxième plus important prêteur alternatif, a aussi subi les foudres des investisseurs à la suite de la débâcle de Home Capital. Le titre a perdu près de 50 % de sa valeur, passant 71 $ à 36 $ entre le 15 et le 30 avril. Mais il a rebondi jusqu’à 51 $ cours des deux dernières semaines.

L’impact sur Equitable s’est vite estompé lorsque cinq banques canadiennes ont annoncé qu’elles allaient aider la firme à faire face à ses besoins de liquidité, explique Karine Turcotte, gestionnaire de portefeuille chez Gestion de Portefeuille Stratégique Medici. Cela indique que le risque de contagion chez les prêteurs alternatifs n’est probablement pas très élevé, selon elle.

Toutefois, Home Capital et Equitable sont les deux seuls prêteurs alternatifs cotés en bourse. Pour les autres, détenus principalement par des firmes de Private Equity, il est beaucoup plus difficile de connaître l’impact actuel de la crise étant donné que ces firmes ne sont pas tenues aux mêmes règles de divulgation, indique la gestionnaire.

Problème de gouvernance

La crise chez Home Capital a pris toute son ampleur non pas à cause de la suspension des 45 courtiers, mais plutôt lorsqu’il est apparu que la situation cachait possiblement un sérieux problème de gouvernance. Le 10 février, l’OSC informait la compagnie que les résultats préliminaires d’une enquête sur les événements relatifs aux courtiers suspendus indiquaient que la compagnie avait manqué à ses obligations de divulgation.

L’enquête de l’OSC avait incité les analystes de la Banque Nationale à recommander la prudence aux investisseurs. Dans une note de recherche, Jaeme Gloyn écrivait le 14 mars : « L’enquête augmente notre conviction qu’il faut inclure à court terme une prime de risque plus élevée. Nous recommandons aux investisseurs de demeurer sur les lignes de côté, ou de vendre Home Capital pour acheter plutôt les actions d’Equitable Group ».

Le 27 mars, Home Capital annonçait le départ immédiat de son président Martin Reid. Le titre absorba alors un premier choc, et c’est à ce moment que plusieurs investisseurs commencèrent à se départir de leur titre. Il appert que l’OSC accuse trois dirigeants de l’entreprise d’avoir fait de fausses déclarations financières.

Jusque là, la compagnie avait une feuille de route exemplaire, explique Karine Turcotte « Mais pour nous, le risque était devenu trop important compte tenu des conditions entourant le départ du président, et nous avons préféré vendre », dit-elle.

HCG survivra-t-elle ?

L’arrivée de nouveaux administrateurs du calibre de Claude Lamoureux illustre que le problème des prêts, somme toute, est petit, et que la firme n’est probablement pas au bord de la faillite, selon Richard Guay.

La firme compte vendre pour 1,5 milliard de prêts afin de limiter l’utilisation de la marge de crédit, étant donné que les coûts de cette facilité de crédit, plus de 10 %, sont particulièrement onéreux.

C’est le prix auquel Home Capital réussira à vendre ces prêts qui déterminera sa valeur future, indique le professeur de l’UQAM. « Si la firme traverse la crise de liquidité actuelle sans perdre trop d’argent sur ses ventes d’hypothèques et qu’elle redresse sa gouvernance, la compagnie pourrait bien passer au travers et le titre pourrait s’avérer éventuellement un achat intéressant », dit-il.