Grands, les risques réglementaires
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Nos sondeurs ont demandé à 219 conseillers de répondre à la question : «Quel est le plus grand risque pour votre pratique d’ici les cinq prochaines années ?» Si on élimine quelques conseillers qui n’ont pas répondu, 51 % d’entre eux ont spontanément défini les actions des régulateurs canadiens comme source de risque pour leurs activités. L’abolition possible des commissions intégrées et l’impact de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller sont les deux facteurs d’origine réglementaire qui sont les plus montrés du doigt. Ce premier facteur est largement plus important que les autres.

«Le retrait des commissions de vente sera un problème pour les nouveaux conseillers et les petits clients qu’on va délaisser», dit un répondant.

«Le plus grand risque est que je me fasse enlever mes commissions de suivi : qui va payer les adjointes, la location de bureau et d’autres trucs essentiels ?» note un autre.

L’alourdissement de la conformité présente aussi un risque pour les conseillers. «Le risque est qu’il y ait une surréglementation inutile, pour avantager les banques et faire travailler les fonctionnaires», affirme un conseiller. «Les gens qui travaillent dans les organismes de réglementation sont des technocrates et des avocats qui nous freinent», peste un autre répondant.

Parmi les autres risques déterminés, 15 % des conseillers répondants ont affirmé la relève, et 11 %, la robotisation et les bouleversements technologiques.

Les représentants ne sont pas seuls, plusieurs dirigeants de cabinets multidisciplinaires craignent aussi que les régulateurs en arrivent à bouleverser l’équilibre actuel dans le marché.

Risques importants

«Le plus gros risque pour mon entreprise, il est réglementaire», dit Gino Savard, président de MICA Services financiers, en entrevue avec Finance et Investissement. Chez MICA, la quasi-totalité des revenus des conseillers découlent des commissions de suivi et des frais d’acquisition reportés (FAR), selon notre sondage mené auprès des conseillers de ce cabinet, les honoraires ayant une proportion marginale.

En plus du risque lié à l’abolition des commissions, les régulateurs alourdissent sa structure de coûts, ce qui effrite sa marge bénéficiaire : «Peut-être que je vais, un jour, arrêter de gonfler la baloune de la conformité. Aujourd’hui, la masse salariale de l’équipe de conformité est plus élevée que la masse salariale de l’ensemble de l’entreprise il y a 10 ou 15 ans.»

Pour se prémunir contre ce risque, Gino Savard est engagé dans des lobbys de l’industrie et se porte à la défense des commissions intégrées. En juin, ce cabinet a lancé son propre compte immatriculé au nom du courtier ou d’un prête-nom (nominee account). Ce type de compte facilite la gestion et la perception des honoraires, cette forme de rémunération qui n’est pas menacée de disparaître.

Améliorer la relation client

Chez SFL Partenaire de Desjardins Sécurité financière, la proportion de l’actif sous administration des comptes à honoraires représente 6 % de l’actif total de la firme, alors que la moyenne des courtiers en épargne collective est de 3,3 %, selon Investor Economics.

Inciter les conseillers à adopter la rémunération à honoraires est une façon qu’ont plusieurs cabinets de gérer ce risque réglementaire.

Pour réduire ce risque, SFL compte aussi miser sur la relation que les conseillers entretiennent avec leurs clients, selon Michael Rogers, vice-président, développement des affaires, Assurance des particuliers chez Desjardins Sécurité financière, et président par intérim de SFL : «À court terme, le changement aura un peu d’impact sur nos activités en épargne collective. Mais à moyen terme, si on a une bonne relation avec le client et qu’on joue notre rôle-conseil complet, on n’est pas inquiet.»

Un conseiller qui sert très bien sa clientèle verrait un impact limité sur sa rémunération si les commissions intégrées étaient abolies, selon Michael Rogers : «On fait beaucoup de promotion et d’éducation pour les comptes à honoraires. On travaille beaucoup sur le service. On préconise la planification financière complète et holistique : placements, assurance vie, assurance maladies graves, etc.»

Chez Distribution Financière Sun Life, les FAR sont interdits depuis septembre 2016 pour les comptes de 100 000 $ et plus, confirme Stéphane Beaumier, vice-président régional Québec à la Financière Sun Life.

Pour gérer le risque réglementaire, Distribution Financière Sun Life mise aussi sur la qualité de la relation client-conseiller.

«Tout notre système de rémunération est basé sur le taux de rétention», dit Stéphane Beaumier. En assurance, par exemple, les conseillers reçoivent uniquement des commissions nivelées, ce qui pousse le conseiller à maintenir la police en vigueur pour que sa rémunération lui soit versée.

«Le fait de garder un client longtemps permet d’avoir une bonne rémunération. Le service devient très important», note-t-il.

Ce texte est un supplément au Top 11 des cabinets multidisciplinaires, publié en juin 2017.