«Par contre, on n’est certainement pas dans une dynamique d’interaction comme celle à laquelle on assiste au Royaume-Uni, par exemple, ajoute-t-il. Je pense qu’on aurait avantage à s’en inspirer. Pour l’instant, je ne vois pas nos régulateurs aller au-devant des fintech pour anticiper les futurs ajustements dans la réglementation.»

Éric Lemieux précise que 156 entreprises fintech ont été recensées au Canada, dont 36 au Québec.

Laboratoire réglementaire

La Financial Conduct Authority (FCA), en Angleterre, et l’Australian Securities and Investments Commission, en Australie, ont toutes deux implanté en 2015 des plateformes d’échange formel avec le secteur des fintech. Dans les deux pays, l’initiative clé, Innovation Hub, fait qu’une équipe et un site Internet sont consacrés aux fintech.

La tâche de ces équipes est double : d’une part, aider les fintech à comprendre le cadre réglementaire et comment il s’applique à leur cas ; d’autre part, comprendre comment le cadre réglementaire peut être appelé à changer «pour permettre toute innovation future élaborée dans l’intérêt des consommateurs», indique la FCA sur son site.

De plus, pour accroître la proximité et l’échange, la FCA s’engage à affecter à tout dossier un responsable pour une période allant jusqu’à un an.

Ainsi, les entreprises en démarrage peuvent, dès la conception de leurs produits, intégrer les exigences de la réglementation – ou prévoir les points où ils s’en éloigneront – et ainsi amener les régulateurs à effectuer les changements nécessaires.

«C’est une voie bidirectionnelle : nous apprenons des entreprises et elles apprennent de nous», dit à Finance et Investissement David Cross, porte-parole de la FCA, à Londres.

La FCA réfléchit à une autre initiative, un genre de laboratoire d’essai. «Il s’agirait d’une plateforme pour tester des produits sans qu’ils soient assujettis au poids de la réglementation, explique David Cross. Ça pourrait prendre la forme, par exemple, d’essais avec des groupes de 500 à 1 000 personnes, ou d’essais virtuels et modélisés à l’aide d’ordinateurs. «Nous n’avons encore rien décidé, ajoute-t-il. Nous sommes en discussion avec des intervenants à ce sujet.»

Agir comme un facilitateur

Pour la FCA, ces initiatives sont une question de compétitivité, une caractéristique inattendue pour un organisme de réglementation, fait ressortir David Cross : «Nous avons un mandat de compétitivité, notamment par rapport à d’autres régulateurs au Royaume-Uni. Ce mandat nous amène à voir les problèmes de réglementation sous un éclairage différent.»

Dans le cadre d’un tel mandat, les «barrières» qui caractérisent toute réglementation sont maintenues. «L’objectif est d’empêcher les gens mal intentionnés de « jouer » dans les marchés», souligne David Cross. Toutefois, ajoute-t-il, l’accent sur la compétitivité fait en sorte qu’on veille en même temps à faciliter l’accès au marché aux nouveaux participants.

«Un biais compétitif, j’aime ça ! dit Éric Lemieux. On devrait s’en inspirer et viser à faire de Montréal une plateforme pour les fintech. On dispose des compétences, des outils et de l’ouverture internationale pour le faire.»

Rien de prévu à l’AMF

Pour l’heure, l’AMF n’a aucun projet semblable au Innovation Hub et «rien n’indique qu’un tel projet soit à l’étude ou en développement», souligne Sylvain Théberge, directeur des relations médias à l’AMF.

Cela ne veut pas dire que l’AMF est inactive au chapitre des nouvelles technologies financières. Ses récentes interventions dans les domaines des conseillers-robots, du financement participatif et de la vente d’assurance par Internet en témoignent.

«On pense que ce qui a été fait au cours de la dernière année montre que nous sommes un régulateur dynamique, attentif aux tendances mondiales et branché sur son marché», affirme Sylvain Théberge.