L'AMF n'a pas les outils pour cibler adéquatement ses inspections
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Ce sont certaines des conclusions contenues dans le dernier rapport du bureau de la vérificatrice générale du Québec (VG), Guylaine Leclerc, dévoilé cette semaine.

Étant donné le nombre important d’entreprises distribuant des produits et des services d’assurance, soit plus de 6 900 au 31 décembre 2016, l’AMF inspecte un échantillon d’entreprises. Cette approche est justifiable, selon le rapport de la VG.

Or, il est essentiel que l’AMF cible adéquatement en fonction des risques les entreprises qui devront faire l’objet de travaux d’inspection plus approfondis. L’AMF n’a toutefois pas tous les outils pour effectuer ce ciblage adéquatement, soutient la VG.

« Les critères utilisés afin de sélectionner les entreprises à inspecter ne permettent pas une réelle discrimination en fonction du risque, lit-on dans le rapport. Notamment, le nombre de critères utilisés est trop élevé et, étant donné leur faible pondération, ils ont peu d’influence sur la catégorisation du risque. Par exemple, même si un critère de risque augmente de façon significative, le changement aura peu d’impact sur le risque global de l’entreprise. »

L’AMF dispose de peu d’information sur les pratiques des entreprises de distribution de produits et de services d’assurance. L’utilisation d’un questionnaire d’autoévaluation depuis 2015-2016 auprès des entreprises avec un seul représentant est un des moyens que l’AMF a mis en place pour pallier cette lacune, selon le rapport.

Cependant, au 31 décembre 2016, le portrait obtenu grâce à ce questionnaire était encore fragmentaire, car seulement 105 questionnaires ont été compilés sur une population visée de 2800 entreprises.

De plus, l’AMF « n’exploite pas suffisamment » les renseignements des activités de surveillance et de contrôle effectuées auprès des assureurs pour améliorer sa stratégie d’intervention lors des activités d’inspection auprès de ces entreprises.

Suivis insuffisants

Toujours dans le secteur des assurances, l’AMF a réalisé des activités de suivi que la VG juge « insuffisantes pour permettre [à l’AMF] d’apprécier dans quelle mesure les correctifs ont été mis en place pour pallier les lacunes observées, lorsque celles-ci sont importantes ».

Depuis 2014, seulement 16 % des inspections réalisées pour lesquelles des lacunes ont été constatées ont fait ou feront l’objet d’une inspection de suivi. La décision de choisir une entreprise plutôt qu’une autre n’est pas suffisamment justifiée en fonction des risques et de l’importance des lacunes, mentionne le rapport de la VG.

« Nous avons observé que, dans plusieurs cas où il y avait présence de lacunes importantes, l’AMF n’avait pas effectué de suivi afin de s’assurer de la correction des lacunes observées, lit-on dans le rapport. Dans certains cas, l’AMF a uniquement exigé qu’une lettre d’engagement à corriger les irrégularités constatées soit signée par l’entreprise concernée. »

Dans d’autres cas plus problématiques, les dossiers ont été transférés à la Direction principale du contentieux pour évaluer si des recours devant le Tribunal administratif des marchés financiers pouvaient être pris, afin par exemple d’imposer des pénalités administratives.

« Toutefois, pour certains de ces dossiers, aucun recours devant le tribunal n’a finalement été entrepris et les dossiers ont alors été conclus par la signature d’une lettre d’engagement », apprend-on dans le rapport.

C’est sans compter que, de façon générale, la lettre d’engagement n’est pas accompagnée d’autres dispositions permettant d’obtenir la certitude que de réelles mesures structurantes sont mises en place, soutient la VG. « L’AMF pourrait par exemple exiger la production d’un plan d’action, demander certaines preuves que les mesures correctrices sont mises en place ou réaliser des interventions de suivi ciblées sur les principales lacunes observées », suggère-t-elle.

La VG recommande donc d’établir un meilleur profil de risques des entreprises distribuant des produits et des services dans le secteur des assurances afin de pouvoir orienter sa stratégie d’intervention en conséquence.

Elle propose aussi de renforcer le suivi des irrégularités constatées à la suite des inspections dans le secteur des assurances, notamment par une sélection des inspections de suivi à réaliser davantage appuyée sur les risques et par un recours à des méthodes de suivi plus diversifiées et adaptées à l’importance des irrégularités constatées.

Interventions appropriées en valeurs mobilières

Le tableau est toutefois plus reluisant dans le secteur des valeurs mobilières. Selon la VG, « la stratégie d’intervention ainsi que le suivi des irrégularités constatées sont généralement appropriés et l’approche de l’Autorité permet d’atténuer les risques ».

Au 31 décembre 2016, plus de 720 entreprises du secteur des valeurs mobilières étaient assujetties au contrôle de l’AMF. De ce nombre, 170 avaient leur siège social établi au Québec.

L’AMF attribue une cote de risque à chacune de ces dernières. Étant donné le nombre restreint d’entreprises dans ce secteur, l’AMF arrive à les inspecter à l’intérieur d’un cycle d’inspection préalablement défini, selon le rapport de la VG.

« L’approche utilisée par l’AMF lui permet d’avoir une couverture raisonnable de l’ensemble des entreprises du secteur des valeurs mobilières ayant leur siège social au Québec et d’inspecter plus fréquemment celles à plus haut risque », peut-on lire dans le rapport.

Selon ce document, une quarantaine d’entreprises du secteur des valeurs mobilières ont une cote de risque élevé, sur 170 entreprises ayant leur siège social au Québec.

Quant aux entreprises ayant leur siège social à l’extérieur du Québec, l’AMF concentre ses inspections sur les près de 100 firmes ayant des succursales dans la province. « L’approche envisagée nous semble toutefois appropriée, considérant les risques et le bassin d’entreprises dans cette catégorie », mentionne le rapport de la VG.

En outre, l’AMF effectue un suivi adéquat des irrégularités constatées lors de l’inspection des entreprises du secteur des valeurs mobilières et, le cas échéant, elle pose des actions pour s’assurer que celles-ci se conforment davantage aux lois et règlements, d’après la VG.

Par ailleurs, selon la VG, plusieurs des indicateurs choisis par l’AMF pour évaluer sa performance relativement aux inspections dans le secteur des valeurs mobilières et dans celui des assurances ne lui permettent pas de mesurer tous les volets pertinents de sa performance. Elle recommande de « développer des indicateurs qui permettent d’apprécier correctement sa performance en ce qui a trait à ses interventions d’inspection » dans ces secteurs et qui tiennent compte de leurs spécificités.

L’AMF souscrit aux recommandations

Selon le rapport de la VG, l’AMF souscrit aux recommandations de ce rapport et s’est engagée à continuer d’améliorer la conduite de ses activités dans son récent plan stratégique 2017-2020. « Les recommandations ciblées par le Vérificateur général relativement à ses processus d’inspection et à l’information de gestion d’enquête s’inscrivent directement dans ce contexte et constitueront des priorités d’intervention. »

Le mandat de la VG visait entre autres à s’assurer que l’AMF réalise ses activités d’inspection et d’enquête sur la base de stratégies d’intervention appropriées et dispose d’une information de gestion pertinente à cet égard.