Étrange affaire fiscale de « vol de clientèle »
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Le jugement de la Cour d’appel fédérale, rendu par les juges Nadon, Pelletier et Gauthier en septembre 2015, en vient aux mêmes conclusions que celui soumis plus tôt en 2014 par la Cour canadienne de l’impôt.

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« Le but des dispositions de la Loi portant sur les concepts de perte de revenus et de capital n’était pas de permettre le dédommagement d’un contribuable en raison de pertes financières résultant de vols ou de violations contractuelles », écrit le juge Nadon.

Le plaignant, Louis-Fred Martin, un ancien conseiller, travaillait depuis 2005 pour Promutuel et a perdu son emploi en juin 2010. Des procédures de « détachement d’un conseiller » avaient été entamées par Promutuel en décembre 2009. Ces procédures ont été poursuivies par le cabinet de courtage Peak après que la firme ait fait l’acquisition de Promutuel en 2010.

« Malheureusement pour l’appelant, il lui a été impossible de trouver un emploi auprès d’un autre cabinet de courtage et il n’a pu obtenir l’approbation nécessaire des autorités provinciales pour devenir conseiller indépendant ou pour établir son propre cabinet. Comme conséquence de ce qui précède, la clientèle que desservait l’appelant ne l’a pas suivi et elle a continué de faire affaires avec Peak », écrit le juge Nadon.

Dans le jugement, on peut lire que l’ancien conseiller estimait que Peak lui avait « volé la clientèle qu’il desservait depuis plusieurs années ». Conséquemment, il estimait avoir subi une perte de revenu de 14 000 $ en raison de la perte de sa clientèle, soit des revenus de 2000 $ par mois pendant sept mois, soit entre juin et décembre 2010.

De plus, il demandait une perte en capital de 14 800 000 $ pour l’année fiscale 2010. Le raisonnement était le suivant: la valeur des biens qui avaient été saisis ou perdus en raison de la perte de sa clientèle et des revenus qu’elle générait s’élevait à 2 millions de dollars (M$).

Ce 2 M$ comprenait la valeur de sa maison, de sa maison de campagne, de sa collection de voitures, de ses livres et de l’ensemble de ses autres collections et effets personnels. Rappelons que ces biens avaient été saisis après des difficultés financières.

Selon le jugement « M. Martin a par la suite multiplié par sept la valeur des biens qu’il avait perdus, soit 2 M$, en se fondant sur l’exhortation proverbiale selon laquelle les voleurs doivent faire une restitution au septuple de ce qu’ils ont volé », écrit le juge Nadon en citant le jugement de la Cour canadienne de l’impôt.

Les 800 000 $ qui restent représentent quant à eux le capital requis pour obtenir un revenu de 2000 $ par mois à un taux de rendement de 3 %.

Dans son jugement, le juge Nadon rappelle que la Cour canadienne de l’impôt avait indiqué que l’appelant n’avait « jamais acheté sa clientèle, ajoutant que les dépenses engagées par ce dernier pour construire sa clientèle avaient été déduites et admises comme dépenses d’entreprise durant les années au cours desquelles les dépenses avaient été engagées ».

De plus, le juge Nadon ajoute qu’ « il ne peut faire de doute que la Cour canadienne n’a aucune compétence à l’égard d’une telle réclamation et qu’elle ne peut ordonner le remboursement que recherche l’appelant ».