Marceau maintient la traduction intégrale des prospectus en français.

Les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières portant sur la traduction des documents boursiers produits lors d’appels publics à l’épargne seront donc maintenues, malgré les demandes de plusieurs acteurs du courtage de valeurs mobilières québécois, qui déplorent un manque à gagner pour l’industrie québécoise.

De 2009 à 2012, plus de 1200 prospectus n’ont pas été déposés au Québec, selon Richard Morin, directeur pour le Québec de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM). Ce dernier déplore que chaque année, plus de la moitié des titres boursiers vendus sur le marché primaire canadien échappe ainsi aux investisseurs québécois.

En 2012, la valeur des capitaux levés sur le marché primaire canadien était de 45 G$. Si la moitié des émetteurs boudent le Québec, l’argent ne suit pas le même chemin : depuis 2009, c’est entre 5 et 11 % de la valeur des émissions sur le marché primaire qui échappent aux Québécois.

Le marché primaire est celui où s’effectue le financement par voie de prospectus. Outre ce volumineux document, qui dépasse souvent la centaine de pages, l’article 40.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (LVMQ) stipule que l’ensemble des documents exigés par les autorités boursières lors d’un appel public à l’épargne, soit les diverses circulaires, la notice d’offre et la divulgation des risques notamment, soit traduit en français pour que les Québécois y aient accès.

L’effet pervers de l’article 40.1 est que le français n’est pas protégé et promu, puisque les émetteurs hors Québec évitent la province et ne traduisent pas leurs documents, plaide en substance Richard Morin. « Si on modifie l’article pour faire en sorte que seuls des résumés de prospectus ou des prospectus simplifiés soient traduits, il y aurait davantage de documents en français accessibles aux investisseurs québécois. »

Sans compter que lorsque les investisseurs veulent acheter des titres sur les bourses canadiennes ou américaines après le financement initial, le français est inexistant.

Il ajoute que réduire les exigences de traduction « n’enlève rien aux investisseurs. Au contraire », puisque le statu quo pénalise tant les investisseurs que les courtiers, en ne faisant rien pour protéger la langue française, poursuit Richard Morin.

Les activités de négociations sont une part importante des revenus des courtiers qui font de la prise ferme de titres -soit l’achat et la négociation des titres sur le marché primaire. Les grands courtiers disposent d’adresse en Ontario, ce qui leur permet de négocier sur le marché primaire.

« Il faudrait plutôt qu’on puisse profiter de cette négociation ici, au Québec, plutôt qu’à Toronto », plaide Richard Morin.

Le secteur de l’industrie financière responsable de la prise ferme de titres perd en moyenne 2,2 % de sa main-d’oeuvre chaque année depuis 2005, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec. Les estimations relèvent que le secteur comptait quelque 5 800 emplois en 2012, par rapport à 7 300 en 2005. En comparaison, le secteur ontarien de la prise ferme voyait le nombre d’emplois augmenter de 3,4 % de 2011 à 2012.

Dans un mémoire soumis lors de consultations sur des amendements à la Charte de la langue française tenue plus tôt ce printemps, le cabinet d’avocats Dentons propose notamment d’abroger l’article 40.1 de la LVMQ et de permettre aux émetteurs assujettis de déposer un résumé de prospectus, ou encore d’adopter « un règlement exigeant que la version française d’un prospectus simplifié doit être produite lors d’un appel public à l’épargne sans qu’il soit obligatoire que les documents incorporés par renvoi soient disponibles en français ».

L’Association canadienne des juristes-traducteurs et l’Association du Jeune barreau de Montréal sont deux organismes qui se sont opposés à tout changement de l’article 40.1.


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