Bientôt des revenus de placement imposés à 200 ou 300 %?
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C’est ce que révèle le mémoire du cabinet Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés, déposé en réponse aux nouvelles mesures proposées le 18 juillet 2017.

Dans son mémoire, le cabinet démontre que le ministère fédéral des Finances n’a pas tenu compte de certains éléments importants dans son raisonnement justifiant l’ajout d’un impôt punitif. Pire, il a utilisé une prémisse de travail « peu réaliste et très pénalisante » pour plusieurs employeurs, de l’avis des auteurs de ce mémoire.

Voyons voir. Selon le document de consultation du ministère des Finances, un particulier et un entrepreneur incorporé gagnent chacun 100 000 $. Après les impôts personnels au taux maximum, il reste 49 633 $ au particulier pour ses placements tandis qu’il en reste 85 600 $ à l’entrepreneur dans sa société, pour une différence de 35 967 $. Les montants sont placés à 3 % en intérêt sur dix ans.

Après dix ans, le particulier possède une valeur nette après impôt de 57 539 $. L’entrepreneur paiera des impôts dans sa société et après dix ans, il déclarera le montant total en dividende imposable. Il lui reste 62 424 $ une fois tous les impôts payés. L’entrepreneur a donc un patrimoine supplémentaire de 4 885 $ par rapport à celui de l’employé, rapporte le mémoire du cabinet Brassard Goulet Yargeau.

« Il manque une donnée cruciale. L’entrepreneur a généré 6 658 $ d’impôt supplémentaire, et cet impôt a profité à tous les contribuables. Nous ne comprenons pas pourquoi cette donnée n’a pas été présentée. L’entrepreneur s’est enrichi de 4 885 $, mais a payé 6 658 $ d’impôt, pour un taux d’impôt de 57,67 %. Les placements supplémentaires initiaux dans la société (35 967 $) ont généré 11 543$, dont 6 658$ ont profité au gouvernement. Nous comprenons mal qu’on puisse dire que l’entrepreneur ne paie pas sa juste part d’impôt avec un tel taux! », lit-on dans le mémoire.

Selon ce document, l’objectif du gouvernement avec ses nouvelles mesures est de créer des impôts supplémentaires de façon à ce que la totalité de la plus-value créée par les placements dans la société soit retournée en impôt.

Le hic, selon les auteurs du mémoire, est que la prémisse utilisée pour établir un tel impôt supplémentaire est qu’une « fois à la retraite, au moment de sortir les sommes de la société, les revenus générés par les placements qui ont déjà été sortis de la société au cours de la période active impliqueront déjà un revenu imposable personnel de 202 800 $ ».

« Il est injuste de considérer que le revenu s’élève déjà à 202 800 $. C’est pourtant ce qu’impliquent les nouvelles mesures, pénalisant ainsi même les entrepreneurs dont les revenus sont plus faibles », indiquent les auteurs du mémoire.

Pour des entrepreneurs dont le taux d’imposition personnel n’est pas celui maximum, les nouvelles règles engendrent un taux d’imposition implicite de largement supérieur à 100 %. Par exemple, ce taux s’élève à 186,91 % pour un résidant du Québec dont le taux personnel s’établit à 37,2 % et à 415,34 % pour un Québécois dont le taux personnel est de 28,52 %.

« L’utilisation du taux maximum est donc une mesure totalement inacceptable et, à elle seule, rend tout le processus du gouvernement caduc », lit-on dans le mémoire.

Système ingérable?

Les propositions fédérales liées à l’imposition du revenu passif risquent de rendre ingérable la gestion de l’imposition de ces revenus.

« Elles exigeront une conciliation annuelle de la source de financement ayant contribué aux placements passifs de la société. Il faudra alors utiliser trois nouveaux comptes fiscaux à équilibrer annuellement, et la multiplicité des situations pratiques existantes rendra le tout fastidieux et demandera de nombreuses heures de travail. Tout cela s’ajoutera aux travaux de conformité déjà très exigeants demandés aux entrepreneurs », écrivent les auteurs.