Les révélations à la suite de la divulgation de quelque 13,4 millions de documents, obtenus par le journal allemand Suddeutsche Zeitung et le Consortium international des journalistes d’investigation, indiquent comment des personnes riches _ dont plus de 3000 Canadiens _ s’y prennent pour cacher leur argent dans des comptes à l’étranger pour éviter de payer de l’impôt.

Parmi les noms de personnes qui auraient des comptes « offshore », il y a notamment les anciens premiers ministres canadiens Brian Mulroney, Paul Martin et Jean Chrétien. On retrouve aussi sur cette liste la reine Elizabeth II, le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, sans oublier l’ancien et l’actuel responsable de la collecte de fonds au Parti libéral du Canada, Léo Kolber et Stephen Bronfman.

Pour le moment, l’ARC ou aucun tribunal n’a pas déterminé que ces Canadiens avaient violé la loi.

Les comptes dans les paradis fiscaux sont un moyen parfaitement légal utilisé par des riches et des corporations pour réduire leur fardeau fiscal. Toutefois, l’anonymat entourant certains de ces comptes porte certains détracteurs à les associer à l’évasion fiscale, au blanchiment d’argent et au crime organisé.

Radio-Canada et le Toronto Star figurent parmi les partenaires médias du Consortium et ont publié dimanche des précisions sur cette affaire.

Les médias n’ont pas révélé comment ils ont obtenu ces documents, dont une bonne part provient d’un cabinet d’avocats spécialisé dans la finance offshore, Appleby, et des firmes corporatives Estera et Asiaciti Trust.

Réagissant d’avance à la divulgation de ces informations, l’ARC a publié vendredi un communiqué détaillant tous ses efforts pour lutter contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal. Cette lutte s’est intensifiée à la suite d’une première divulgation de documents, connus sous le nom de Panama Papers, en avril 2016, a-t-elle souligné.

L’agence affirme avoir investi 1 milliard de dollars (G$) pour s’attaquer à ce problème.

Selon elle, les deux tiers des 25 G$ récupérés à la suite de ses vérifications des deux dernières années provenaient de grandes entreprises internationales et d’activités de planification fiscale abusive.

L’an dernier, elle a prélevé plus de 44 M$ en pénalités imposées à des conseillers fiscaux pour avoir contrevenu aux lois fiscales canadiennes.

L’ARC dit collaborer étroitement avec 36 autres pays au sein du Centre d’information conjoint sur les abris fiscaux internationaux (CICAFI) afin trouver des moyens plus efficaces et efficients de contrer l’évitement fiscal.

Anticipant la divulgation de nouveaux documents, l’ARC s’était engagé à redoubler de vigilance.

« L’ARC n’hésitera pas d’investiguer et de prendre les mesures appropriées dans l’éventualité que d’autres détails soient découverts », a-t-elle déclaré dans le communiqué de vendredi.

Elle ajoutait plus loin: « Le gouvernement du Canada continuera de travailler avec les provinces et les territoires ainsi qu’avec d’autres administrations fiscales et tous ses partenaires, afin que le régime fiscal fonctionne pour tous les Canadiens. De plus, l’ARC continuera de renforcer sa capacité à déceler les fraudeurs fiscaux à l’étranger et à sévir contre eux, et de faire en sorte que les personnes qui choisissent d’enfreindre la loi soient tenues responsables de leurs actes et en subissent les conséquences. »

Un porte-parole de la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, a dit que « l’ARC examinait les liens menant à des entités canadiennes et prendra les mesures appropriées en regard des ‘Paradise Papers’. »

Selon le Toronto Star et CBC/Radio Canada, des fichiers laissent entendre que Stephen Bronfman et la société d’investissement appartenant à sa famille, Claridge Inc, étaient liés à une fiducie dans les îles Cayman qui se sert de moyen douteux pour éviter de verser des millions de dollars à l’impôt.

M. Bronfman est un ami proche du premier ministre Justin Trudeau qui l’avait convaincu en 2013 de devenir le responsable de la collecte de fonds au Parti libéral du Canada.

Cette fiducie est aussi liée à l’ancien grand argentier du PLC, le sénateur Léo Kolbert, et son fils Jonathan Kolber.

William Brock, un avocat de M. Bronfman et de Jonathan Kolbert, a rejeté toute accusation d’irrégularité. Il a déclaré à la CBC que ses clients ont toujours agi correctement et de façon éthique en respectant les lois en vigueur. « Toute suggestion de fausse documentation, de fraude, de conduite ‘déguisée’, d’évasion fiscale ou autre conduite du genre est fausse », a-t-il ajouté.

Le cabinet du premier ministre a transmis toute question concernant M. Bronfman au Pari libéral.

Un porte-parole du parti, Braeden Caley, a déclaré que M. Bronfman jouait strictement un rôle de bénévole dédié à la collecte de fonds. M. Bronfman n’est pas lié aux décisions politiques. Le responsable de la collecte de fonds ne détient pas de vote au conseil d’administration du parti, a ajouté M. Caley.

Par ailleurs, le chef conservateur Andrew Scheer a publié dimanche une déclaration, accusant Justin Trudeau de ne pas s’être attaqué « aux stratagèmes d’évitement fiscal utilisés par ses amis fortunés ».

« Les amis de Justin Trudeau, des libéraux bien placés, s’en tirent en payant moins et vous devez payer davantage. Il n’y a rien de juste là-dedans. »