«C’est le plus important risque, car il a le potentiel d’amplifier les effets d’un choc économique, explique-t-il lors de l’entretien. Nous avons analysé l’impact qu’un choc sévère représenterait pour le système financier. Nous sommes à l’aise à l’idée que le système financier est en mesure de résister à un tel choc. Par contre, l’impact macro-économique serait plus grand que par le passé.»

Le spectre d’une bulle immobilière inquiète de nombreux économistes. En octobre, le Fonds monétaire international (FMI) a réitéré ses mises en garde sur l’endettement des ménages, qui atteint 167,8% de leurs revenus disponibles au deuxième trimestre, selon les données de Statistique Canada. Sans dire qu’il croit que le scénario se répétera, l’organisme international note que, par le passé, d’autres économies qui ont vécu un emballement du marché immobilier et une progression de l’endettement hypothécaire ont connu des lendemains difficiles.

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Malgré les inquiétudes, cette tendance n’est toutefois pas entièrement déconnectée de la réalité, nuance M. Poloz. «Les fondamentaux sont très forts, commente-t-il. La population et le marché de l’emploi sont en croissance à Toronto et Vancouver. Il y a beaucoup de demandes pour les maisons. C’est naturel que les prix augmentent.»

S’ils permettent de stimuler l’économie qui se remet toujours de la récession de 2008, les taux d’intérêt à un creux historique ont donné une plus grande capacité d’emprunt aux ménages. Cette détente monétaire a contribué à l’appréciation des maisons.

La banque centrale en a-t-elle fait suffisamment pour éviter un dérapage? Un prédécesseur de M. Poloz croit que non. David Dodge, qui a été gouverneur entre 2001 et 2008, pense que la Banque du Canada fait erreur en ne remontant pas plus rapidement son taux directeur pour éviter une surchauffe de l’immobilier, selon une entrevue accordée la semaine dernière à Bloomberg.

Réservé en entrevue, M. Poloz laisse toutefois paraître son agacement lorsqu’on lui rappelle les propos de son prédécesseur. «C’est un commentaire assez curieux, réagit-il. Nous avons augmenté le taux directeur deux fois dans les quinze semaines passées (décisions de juillet et de septembre). On prend maintenant le temps de comprendre la réaction de l’économie. Je suis d’accord que la question de la dette est très importante, c’est le risque le plus important. On n’ignore pas cette question. »

Et les obligations?

Outre l’immobilier, nous avons également questionné le gouverneur sur le risque que peut représenter d’éventuelles hausses des taux d’intérêt pour le marché obligataire. Lorsque les taux augmentent, la valeur des obligations diminue afin de prendre en compte le fait que les nouveaux titres récompensent davantage la prise de risque des créanciers. Les retraités qui utilisent cette catégorie d’actif pour réduire la volatilité de leur portefeuille sont particulièrement exposés à ce risque.

«C’est vrai que si vous achetez des obligations avec un taux très bas et que les taux montent, cela entraînera une perte en capital, concède le gouverneur. Par contre, le capital demeure relativement sûr. Ça reste un investissement prudent. La majorité des fonds d’obligations gèrent et comprennent ce risque.»

Emploi et inflation

M. Poloz était de passage à Montréal pour prononcer une conférence sur les mécanismes de l’inflation, organisée par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) et CFA Montréal. Devant près de 1000 invités, M. Poloz s’est opposé à l’idée que l’inflation était devenue inexplicable. Il a attribué la faiblesse persistante de l’inflation à un potentiel inutilisé dans le marché du travail.

En entrevue avant la conférence, M. Poloz nous a dit que le sous-emploi des jeunes d’entre 15 à 25 ans était l’enjeu économique qui l’interpellait le plus. «Nous avons un groupe de gens qui sont découragés et qui sont sortis du marché du travail. C’est vrai qu’une partie de cette tranche d’âge reste à l’école plus longtemps, ce qui est une bonne chose, mais il y en a trop qui ont décroché. Il faut les réintégrer.»