Investir à pas de tortue

« On voit bien qu’un portefeuille à volatilité minimum a des rendements légèrement plus élevés qu’un indice pondéré selon la capitalisation boursière, avec seulement 75 % de sa volatilité », dit Jean Masson, se référant au document intitulé The Efficient Market Inefficiency of Capitalization-Weighted Stock Portfolios, de Robert Haugen et Nardin Baker, publié dans le Journal of Portfolio Management.

« L’objectif de ce document n’était pas de faire la promotion du placement à faible volatilité. C’était de tester le modèle d’évaluation des actifs financiers (MEAF) », dit Jean Masson, qui a obtenu un doctorat en finance de l’Université de Rochester en 1988. En gros, le MEAF se fonde sur la notion que les actions au -bêta élevé devraient avoir des rendements plus élevés que les actions au bêta faible.

C’est en 2009, deux ans après avoir rejoint les rangs de GPTD, que Jean Masson a mis ses idées en pratique en lançant auprès des investisseurs institutionnels le Fonds en gestion commune à faible volatilité d’actions canadiennes Émeraude TD, premier produit de ce type au Canada.

De nos jours, le travail précurseur de la firme a porté ses fruits et une équipe de 10 personnes supervise environ 11 milliards de dollars (G$) d’actifs sous gestion, y compris plusieurs fonds destinés aux particuliers. Lancé en novembre 2011, le Fonds mondial à faible volatilité TD, coté 3 étoiles par Morningstar, est devenu le plus grand fonds d’actions mondiales au Canada, atteignant 5,7 milliards $ d’actifs.

Ce qui différencie le placement à faible volatilité des autres est qu’il se concentre sur des firmes aux bénéfices stables, dont la prévisibilité frôle l’ennui. En d’autres termes, peut-être que McDonald et ses congénères ne sont pas toujours à la pointe de l’innovation, mais ces sociétés fournissent une croissance régulière qui se cumule dans le temps. Un peu comme la fable du lièvre et de la tortue, où c’est la tortue qui finit par gagner.

Prenons par exemple le Fonds mondial à faible volatilité TD: il a un portefeuille bien diversifié d’environ 300 actions, dont les principales incluent Lockheed Martin LMT, BCE Inc. BCE et, oui, McDonald’s MCD. La Catégorie canadienne à faible volatilité TD a de 80 à 90 noms, chiffre plus petit à cause de la taille réduite de son univers de placement. Limités à 3,25 % du portefeuille, ses avoirs représentatifs incluent Metro Inc. MRU and TransCanada Corp. TRP.

Jean Masson et son équipe choisissent leurs actions tantôt sur les mérites des actions elles-mêmes, et tantôt selon des critères macroéconomiques. « Nous sommes assez bons pour prédire la volatilité et les rendements futurs selon les fluctuations du marché, dit-il. Si le prix du pétrole augmente, c’est une bonne chose pour les actions pétrolières, mais pas pour les transports. Ça, on peut le prévoir. Si les taux d’intérêt augmentent, c’est une bonne chose pour les banques, mais pas tant que ça pour les services publics et les fiducies de placement immobilier. Mais nous ne sommes pas aussi bons dans la prévision des événements liés aux actions elles-mêmes. » Il en résulte que l’équipe atténue le risque dans le fonds d’actions mondiales en limitant chaque avoir à 1 % du portefeuille.

Jean Masson reconnaît que le placement à faible volatilité n’est pas une panacée tous terrains et traînera quand les marchés récompensent les rendements élevés des actions au bêta élevé. Mais là encore, il affirme que sa méthodologie est destinée aux investisseurs qui n’ont pas de problème si le fonds se sous-classe dans des conditions boursières robustes.

« On abandonne les rendements mirobolants dans les phases d’exubérance du marché, habituellement sous l’impulsion des actions cycliques et technologiques. Le revers de la médaille, c’est que si les marchés ne sont pas en super-forme, ou même s’ils sont en baisse, le fonds baisse moins quand il détient des actions des chemins de fer et des télécommunications. Le placement à faible volatilité tend à être concentré dans ces types d’actifs. »

Avec la hausse de la volatilité boursière liée à l’incertitude des politiques des banques centrales et des prix énergétiques, Jean Masson est convaincu que le placement à faible volatilité va prévaloir.

« En termes absolus, il se peut que les fonds ne flambent pas comme en 2014. Mais par rapport au reste du marché, je m’attends à ce qu’ils se comportent beaucoup mieux », dit Jean Masson, qui prévoit que les rendements des placements vont baisser pendant un ou deux ans. « Une des raisons est simplement le rendement composé : plus l’amplitude des rendements est faible, moins cela nuit au rendement composé. »

Photo : Bloomberg