À cette conclusion s’ajoute un autre problème : quelques mémoires soulèvent que le rapport du ministère des Finances sur la LDPSF est mince, voire pauvre en contenu, afin de prouver ce qui y est avancé.

Le rapport sur l’application de la LDPSF «omet de fournir un état de situation suffisamment rigoureux fondé sur un ensemble d’indicateurs, de données, de résultats de consultations et d’études approfondies pour appuyer les affirmations et les conclusions contenues dans ce rapport», écrivent Raymonde Crête et Cinthia Duclos, respectivement directrice et membre du Groupe de recherche en droit des services financiers de la Faculté de droit de l’Université Laval.

L’organisme Option consommateurs constate quant à lui que le rapport «ne présente aucune démonstration véritable, ni qualitative ni quantitative, du bien-fondé des motifs invoqués pour remettre en question le principe de la responsabilité personnelle des représentants».

Réformer la LDPSF sans s’appuyer sur de solides études indépendantes semble un exercice aussi hasardeux que de bâtir une maison sur de faibles fondations. Le ministre est-il à ce point pressé de réformer une loi aussi importante ?

Le ministère des Finances doit prendre son temps avant d’agir. Pour ce faire, rien ne l’empêche de mener d’autres consultations ou de réaliser des études plus approfondies. Surtout que les intervenants de l’industrie ont présenté des opinions polarisées sur plusieurs questions soumises pour consultation, dont la pertinence de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et l’encadrement de la vente sans représentant, sur Internet ou pas.

Évidemment, le ministère des Finances doit favoriser un encadrement cohérent, pertinent et qui n’étouffe pas l’industrie financière. Un juste équilibre est nécessaire entre la protection du public, qui favorise sa confiance, et le développement d’une industrie saine et concurrentielle, comme le mentionne l’ancienne ministre québécoise des Finances, Monique Jérôme-Forget, dans une entrevue en page 4 de la présente édition.

Le ministère ne doit pas céder aux pressions des différents groupes en faveur de réformes qui éluderaient la protection du public. Sauf qu’il devra faire attention dans son exercice de refonte. En effet, le problème est que presque tous les intervenants évoquent la protection du consommateur afin d’étoffer leurs arguments.

Par exemple, dans son mémoire, le Mouvement Desjardins déplore qu’il puisse s’écouler des semaines avant que l’Autorité des marchés financiers (AMF) sache qu’un représentant n’a pas rempli ses obligations de formation continue et qu’elle suspende son permis parce que la CSF gère les registres sur la formation continue nécessaire au renouvellement des permis d’exercer. Desjardins souhaite que l’AMF absorbe la CSF.

Option Consommateur, qui recommande quant à lui le maintien de la CSF, brandit également la protection du public lorsqu’il soutient qu’un code de déontologie «procure aussi aux professionnels le pouvoir de contrebalancer des attentes ou pratiques contraires aux normes déontologiques que pourrait vouloir imposer un employeur.»

Les 334 mémoires remis au ministère des Finances comprennent d’autres exemples de situations où, selon la loi actuelle, le consommateur est mal protégé.

Ces exemples montrent à quel point la protection du public peut servir à la fois les intérêts de tous, sauf peut-être celui du consommateur.

Rappelons que plusieurs clients ont un niveau d’éducation financière relativement limité : l’Indice de AMF de 2014 révélait que 60,1 % des Québécois adoptent un ensemble de comportements jugés avisés par l’AMF en matière de consommation financière.

S’il est laissé à lui-même pour gérer ses finances personnelles, ou s’il reçoit de mauvais conseils, un client risque de prendre de mauvaises décisions, susceptibles d’affaiblir sa bonne santé financière.

Cette vulnérabilité des clients doit inciter le ministère des Finances à la prudence.

Les recommandations du rapport sur l’application de la LDPSF ne doivent pas être prises à la légère. Le ministre peut profiter des idées lancées, tout en prenant son temps et se baser sur une étude sérieuse de la situation actuelle pour trouver la meilleure solution possible. Se contenter de mener une analyse en surface n’aidera pas à assurer la protection du client.

L’équipe de Finance et Investissement