Les panélistes :

Jim Young, vice-président des placements à Invesco Canada. Il a la responsabilité du Fonds de sociétés américaines Trimark et de la Catégorie sociétés américaines Trimark.

David Pearl, vice-président principal, co-directeur du placement et chef des actions américaines auprès de la société new-yorkaise Epoch Investment Partners, qui gère des actifs pour Gestion de placements TD et Placements CI. Les produits gérés par cette firme comprennent le Fonds d’actions américaines à grande capitalisation Epoch sous la bannière de Gestion de placements TD, et le Fonds de valeur américaine CI.

Glenn Fortin, gestionnaire de portefeuille à Beutel, Goodman & Co. M. Fortin est un spécialiste des États-Unis membre de l’équipe d’actions mondiales de la firme. Les mandats de cette équipe comprennent le Fonds d’actions américaines Beutel Goodman.

Question : L’économie américaine va mieux que la plupart des autres économies des pays développés. Peut-elle continuer à se renforcer? Sera-t-elle affectée par la lenteur de la croissance, voire son absence, dans le reste du monde?

Jim Young : L’économie des États-Unis est en expansion et se porte bien. Son économie interne est assez florissante. Les États-Unis ont certains attributs uniques. C’est la plus importante nation sur le théâtre de la technologie et de ses innovations, et c’est un moteur de croissance. Le secteur de l’habitation commence à s’améliorer lentement. Des emplois sont créés et les revenus s’accroissent. La position fiscale du pays s’est elle aussi améliorée. Le reste du monde traverse des difficultés. La fermeté du dollar américain est un point négatif pour les exportations américaines, mais qui est contrebalancé par la chute du prix du pétrole, qui est un atout pour l’économie.

David Pearl : C’est la sixième année de ce qui aurait dû être une reprise normale de cinq ans. C’est la reprise la plus lente et la plus prolongée depuis la deuxième guerre mondiale. L’accent a été mis sur la politique monétaire américaine plutôt que la politique fiscale pour appuyer la reprise. La Réserve fédérale américaine a utilisé à la fois ses programmes d’allégement quantitatif et des taux d’intérêt anormalement bas pour stimuler l’économie. Nous nous trouvons enfin au bout du processus d’allégement quantitatif et ce sera une reprise durable. La question est de savoir quelle est la solidité de la reprise. Elle a été assez tiède, mais on dirait qu’elle accélère un peu depuis six mois. Les chiffres de l’emploi sont meilleurs. Les salaires traînent encore un peu, mais il semble qu’ils commencent à augmenter.

Normalement, quand il y a une reprise économique, il y a une plus grosse demande de prêts qui provoque une hausse de taux d’intérêt. À la fin du programme d’allégement quantitatif, on s’attendait à ce que les taux remontent, mais c’est le contraire qui s’est produit à cause des difficultés dans le reste du monde. Les obligations du gouvernement européen ont des rendements beaucoup plus bas que les obligations du Trésor américain. Cet écart de rendement, allié à la hausse du dollar américain, a fourni un avantage commercial aux investisseurs européens. Nous nous trouvons dans une conjoncture de croissance lente au niveau mondial. De toute évidence, il fait particulièrement bon se trouver aux États-Unis en ce moment. Actuellement, le PIB des États-Unis connaît une croissance d’environ 3 % et la productivité du pays est excellente.

Glenn Fortin : Un des aspects cruciaux de la croissance économique américaine que nous constatons est la force du consommateur américain, qui est le pilier de l’économie du pays. Un autre aspect est la productivité, comme l’a indiqué David. Nous voyons les sociétés investir beaucoup plus dans des secteurs délaissés pendant la récession. Il y beaucoup de choses à rattraper, mais c’est le consommateur qui est le moteur de l’économie. La baisse du prix du pétrole et la baisse du prix de l’essence qui en a résulté sont un atout pour le consommateur américain.

Q: La Réserve fédérale américaine va-t-elle augmenter son taux directeur en 2015?

JY : La Fed a dit que ce sont les chiffres qui lui dicteraient son attitude, mais les chiffres sont encore ambigus. L’économie intérieure va mieux, mais l’impact de ce qui se produit à l’extérieur des États-Unis est important. Il y a des signes d’espoir en Allemagne où l’activité économique reprend. Si nous constatons des améliorations dans d’autres régions du monde, il est plus probable que la Fed va prendre des mesures en été qu’à la fin de l’automne.

DP : La Fed voudrait bien changer son taux directeur actuel artificiellement faible et le faire monter au-dessus de zéro du côté court de la courbe des rendements. Le côté long est dicté par la position des États-Unis par rapport au reste du monde, en termes de la différence de rendements que je mentionnais tantôt.

GF :
Il est difficile de savoir quand la Fed augmentera ses taux, mais quand elle commencera à le faire cela donnera le signal d’une période prolongée d’augmentations.

Q : L’indice repère S&P 500 a eu un rendement total de 13,7 % en 2014. À la fin de l’année dernière, son rendement total moyen était de 20,4 % sur trois ans et 15,5 % sur cinq ans. Ces chiffres sont beaucoup plus élevés que ceux de l’Indice MSCI Monde, qui capture le rendement de toutes les nations développées, y compris les États-Unis. Qu’en est-il des évaluations de l’Indice S&P 500?

GF : À la fin de l’année dernière, cet indice se négociait à 17,4 fois ses bénéfices des 12 derniers mois et 16,2 fois ses estimations de bénéfices futurs. Son ratio cours/bénéfices sur 10 ans était de 13,8.

JY : Le marché boursier américain se négocie à sa juste valeur, et continuera à progresser avec une hausse des bénéfices et des dividendes. Un ratio cours/bénéfices de 15 ou 16 % sur les bénéfices estimés est assez habituel à ce stade-ci du cycle. L’argent facile sur le marché américain a déjà été gagné. Jusqu’à présent, on a connu à partir du point le plus bas (en mars 2009) un accroissement des bénéfices et du ratio cours/bénéfices. Compte tenu du niveau actuel des taux d’intérêt et de la hausse progressive qu’ils vont subir, le ratio actuel offre au moins la possibilité de durer. En résumé, le marché demeure attrayant, malgré le fait que ses gains vont probablement s’atténuer.

DP : À cause des allégements quantitatifs, les évaluations ont monté en flèche. Si l’on examine l’année 2014, plus de la moitié du rendement total de l’indice (13,7 %) a été causée par une augmentation des évaluations. La croissance des bénéfices des sociétés a été convenable, c’est-à-dire de l’ordre de 4 % à 5 %, et s’y est ajouté un rendement en dividendes de 2 % en moyenne. L’expansion du ratio c/b de l’indice a été un moteur important des rendements ces dernières années. Les évaluations présentent une corrélation élevée avec les taux d’intérêt. Ces derniers ont toutes les chances d’augmenter à un moment ou à un autre. Cela veut dire que les évaluations atteignent leur sommet. Les possibilités de hausse sont limitées. Le marché boursier sera dominé par la croissance des bénéfices et le remboursement du capital sous forme de dividendes et de rachats d’actions.

JY : Absolument. À moins que quelque chose se produise pour générer beaucoup d’enthousiasme pour les actions américaines et que les ratios augmentent. On peut par exemple concevoir que les ratios des sociétés dont les dividendes sont en augmentation constante aillent plus haut que là où ils devraient se trouver.

GF : Il y a des poches du marché qui se sont surpassées. Les actions des services publics, qui ont des dividendes attrayants, ont vu leurs évaluations continuer à grimper pendant plusieurs années. Le secteur des biens de consommation courante a été à la traîne des services publics, mais au cours des 12 derniers mois, les capitaux ont afflué dans ce secteur, ce qui soutient les évaluations des actions concernées. Ces sociétés accroissent leurs dividendes, et les rendements sont donc plus élevés. Elles attirent les investisseurs, ce qui leur offre une forte protection contre les pertes.

DP : Les actions défensives pourraient être considérées comme un secteur cher du marché boursier américain. Elles font office de substituts pour les obligations. Les investisseurs achetant une action des services publics cherchent une action qui se comporte comme une obligation. Si les rendements obligataires augmentent, cela imposera sur ces actions une pression à la baisse. C’est également le cas des fiducies de placement immobilier. Dans un marché à faible croissance et à faible rendement, les investisseurs achètent ces actions pour se procurer un revenu. Ils y sont particulièrement attachés. Les secteurs défensifs sont depuis trois ou quatre ans le bon investissement à faire aux États-Unis. Toutefois, les évaluations dans ces groupes sont élevées par rapport à l’historique de leurs évaluations et par rapport au marché. Cela a laissé les secteurs plus sensibles à l’économie se négocier au rabais par rapport au marché.

Q : Les noms sensibles à l’économie sont-ils désormais plus attrayants que les noms défensifs?

DP : Oui, du point de vue de la sélection des actions. Mais les noms défensifs demeurent attrayants pour les groupes d’investisseurs qui ont besoin de revenu.

JY :
En résumé, les perspectives du marché boursier américain, sauf imprévu, sont stables. Le scepticisme règne sur le marché, ce qui est sain.