Se concentrer sur les actions qui peuvent verser un dividende et le maintenir a été un thème persistant chez les investisseurs, ce n’est pas un hasard si le Fonds canadien de dividendes RBC est le plus gros fonds commun au pays, et a été salué par beaucoup comme un moyen de surclasser le marché sur le long terme.

Dans le sillage de la crise financière de 2008, les investisseurs se sont précipités en masse sur les stratégies génératrices de revenus en raison de la sécurité qu’ils semblaient procurer. Après tout, en 2008, les fonds de la catégorie Actions canadiennes de revenu ont perdu 24 % : beaucoup moins que la chute de 33 % affichée par l’Indice composé S&P/TSX. Et de fait, en 2011, lorsque la Bourse de Toronto a perdu plus de 8 %, le fonds moyen de la catégorie a perdu à peine 0,8 %. Depuis 2008, les fonds axés sur les dividendes se sont remarquablement bien débrouillés pour protéger le capital des investisseurs lors des chutes boursières, dont ils n’ont capturé que 65 %.

Non seulement ces fonds se sont avérés solides dans les périodes difficiles, ils se sont maintenus aux moments fastes, capturant 75 % des reprises boursières. Dans l’ensemble, de janvier 2008 à juin 2015, la catégorie a pris de vitesse le marché global, avec un rendement annualisé de 4,7 % contre 3,7 % pour le TSX.

Considérant le succès obtenu par les fonds à dividendes par rapport aux fonds d’actions canadiennes purs, il convient de se demander si cette exubérance peut durer. Et le placement dans les dividendes n’est certainement pas sans risque.

Les difficultés de l’économie sont une arme à double tranchant pour les investisseurs axés sur les dividendes canadiens. D’un côté, plus les taux d’intérêt demeurent faibles, plus les actions à dividendes continueront à porter les fruits du rendement fort bienvenu qu’ils procurent aux investisseurs assoiffés de revenu. L’envers de la médaille, c’est que, compte tenu de l’importance du pétrole dans l’économie canadienne, le faible prix actuel du pétrole brut pourrait prolonger le délai avant que les taux n’augmentent; un environnement à faible croissance comme celui-ci rendrait plus difficile aux sociétés d’augmenter leurs bénéfices, donc leurs dividendes.

De plus, les évaluations des actions à dividendes plus sûres n’ont cessé d’augmenter depuis la crise financière de 2008, les investisseurs considérant les stratégies à dividendes comme un refuge sûr après l’effondrement des marchés. Nous servant du ratio cours/bénéfices (C/B) pour en juger, nous voyons que les prix moyens des fonds de la catégorie Actions canadiennes de revenu en sont aux niveaux les plus élevés d’après la crise, de même que le marché dans son ensemble. Les évaluations des actions avaient l’air bon marché à l’aube de la crise financière de 2008 et du marasme de 2011 : deux périodes relativement fortes pour les actions à dividendes. Toutefois, cette catégorie détient en moyenne des actions évaluées conformément au marché, ce qui veut dire qu’elle pourrait bien aborder une baisse éventuelle sans la marge de sécurité qui l’a si bien servie dans le passé.

Les évaluations plus élevées des actions à dividendes peuvent se justifier par la faiblesse des taux d’intérêt, car le rendement médiocre des obligations rend attrayantes les actions à revenu élevé. Ce scénario devrait prévaloir pendant quelque temps encore. La Banque du Canada a signalé son fort penchant pour une faiblesse des taux aussi longtemps que persisteront la faiblesse économique du Canada et celle du prix du pétrole. Toutefois, si les taux d’intérêt devaient augmenter, ces actions accuseraient vraisemblablement le coup, alors que les obligations offriraient une sécurité et un rendement plus importants.

Au Canada, les dividendes font doubler la mise

Se concentrer sur les actions canadiennes au revenu le plus élevé signifie doubler des pondérations déjà importantes dans l’indice, notamment les services financiers.

Les secteurs boursiers qui avaient les rendements en dividendes les plus élevés à la fin de juin 2015 étaient l’énergie, les télécommunications, les services publics et les services financiers. Ces quatre secteurs représentent plus de 60 % de l’indice, dont l’énergie et les services financiers représentent une portion écrasante. Les fonds de la catégorie, dont les avoirs rapportaient 3,9 % en moyenne à la fin de juin 2015, avaient une participation moyenne de 70 % à ces secteurs, près de 39 % étant affecté au secteur des services financiers et 20 % à celui de l’énergie.

Compte tenu de l’environnement boursier actuel, cette participation élevée à l’énergie et aux services financiers devrait inciter les investisseurs à la réflexion. Les prix pétroliers se sont effondrés en 2014, mettant une grosse pression sur le bilan des firmes énergétiques, ce qui s’est traduit par l’obligation pour plusieurs d’entre elles de réduire leurs dépenses, retarder leurs nouveaux projets et procéder à des suppressions d’emplois. Bien que les firmes de l’industrie des services énergétiques s’en soient généralement mieux sorties, les plus grosses actions du secteur sont celles des sociétés de prospection, qui ont été le plus durement frappées. Bien que les fonds de la catégorie Actions canadiennes de dividendes soient investis principalement dans l’industrie de la prospection, leurs mises les plus importantes sont généralement dans des noms comme Suncor, TransCanada et Enbridge, qui ont fidèlement versé leurs dividendes et les ont même augmentés à long terme. Mais toutes ne sont pas épargnées : Canadian Oil Sands a réduit son dividende de 75 % en janvier, et ses assises sont plus fragiles.

Le secteur financier, qui est dominé par les grandes banques canadiennes, représente le tiers du marché canadien mais plus de 50 % de l’indice Dow Jones Canada Select Dividend. Certains investisseurs comme Brandon Snow, gestionnaire de la Catégorie de société d’actions canadiennes Cambridge CI (cotée Bronze), s’inquiète du handicap que procurent aux banques canadiennes le ralentissement de la croissance économique et le niveau élevé d’endettement du consommateur. Ces problèmes pourraient entraver la capacité qu’ont les banques d’accroître leurs dividendes, encore que des optimistes comme Kim Shannon, gestionnaire du Fonds d’actions canadiennes Sionna (coté Argent), soulignent les occasions qui se présentent à l’extérieur du Canada et la nature moins concurrentielle de l’industrie, qui pourrait encourager la stabilité.

Compte tenu des évaluations plus élevées et du fait que le placement dans les dividendes peut conduire à une concentration plus grande dans les actions financières et énergétiques, symptôme d’une focalisation sur le marché canadien, les investisseurs axés sur le revenu devraient s’assurer que leur portefeuille dans son ensemble est diversifié comme il convient en plus de répondre à leurs besoins de revenu.