La vigueur économique ne transparait pas dans le marché boursier canadien, dit ce gestionnaire d'AGF
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Peter Frost, vice-président principal et portefeuilliste chez Placements AGF, dit que la négativité entourant le secteur de l’énergie pèse beaucoup sur le marché boursier canadien.

Certains avoirs énergétiques ont subi une forte dépréciation de leur cours boursier depuis le début de 2017. « Les jeunes producteurs énergétiques, en particulier, ont été décimés. » Ce degré de pessimisme est d’autant plus évident que même certaines des grandes compagnies canadiennes d’oléoducs ont vu leur cours chuter, dit M. Frost. « Généralement, les compagnies d’oléoducs sont perçues comme étant assez défensives. »

Ce qui est déconcertant, dit-il, c’est que le cours actuel du pétrole, légèrement sous les 50 $US le baril, est plus élevé qu’au début de 2016, durant la dernière période de faiblesse extrême du secteur énergétique. En janvier 2016, les cours pétroliers ont chuté en dessous de 28 $US, ce qui représentait le niveau le plus bas en 12 ans pour cette marchandise. « Durant le courant de 2016, les cours pétroliers se sont repris pour terminer l’année au-dessus de 50 $US le baril, et le secteur de l’énergie a affiché une forte remontée. »

Le pessimisme actuel entourant l’énergie a fortement contribué à la performance médiocre du marché boursier canadien jusqu’à présent en 2017, dit M. Frost.

L’Indice composé S&P/TSX a produit un rendement total de 0,7 % au cours des sept premiers mois de cette année, soit un énorme contraste par rapport à sa performance robuste de 21,1 % en 2016. À la fin de juillet, l’énergie représentait 20,4 % de l’indice composé et « sa tombée en disgrâce a pesé lourdement sur l’indice. »

La performance d’ensemble du marché boursier canadien jusqu’à présent cette année, dit-il, semble être en désaccord avec la santé de l’économie sous-jacente. « Nous avons été agréablement surpris car l’Ouest canadien a été plus performant que prévu et la croissance de l’emploi a été solide à travers tout le pays. »

Compte tenu de cette vigueur, la Banque du Canada a relevé son taux d’intérêt directeur de 25 points de base (un point de base équivaut à 0,01 %) en juillet, à 0,75 %. Les marchés financiers prévoient que la banque centrale augmentera de nouveau son taux de 25 points de base en octobre, dit M. Frost, et les taux d’intérêt canadiens sur toute la courbe de rendement ont augmenté.

M. Frost est membre du Comité de répartition d’actifs d’AGF, qui analyse la conjoncture macroéconomique et les marchés des capitaux pour déterminer les stratégies de répartition d’actifs de la firme. Dernièrement, dit-il, il a réduit la composante boursière et relevé la participation aux liquidités des deux fonds canadiens équilibrés qu’il gère, à savoir le Fonds de revenu mensuel élevé AGF et le Fonds de revenu traditionnel AGF. En ce moment, ces deux fonds investissent 61 % dans les actions, 34 % dans les obligations et 5 % dans les liquidités.

Le Fonds de revenu mensuel élevé AGF privilégie les actions ayant un rendement en dividendes élevé et le Fonds de revenu traditionnel AGF est axé sur les actions des compagnies qui produisent un dividende croissant supérieur à la moyenne.

M. Frost dit qu’il n’a pas augmenté sa participation aux avoirs énergétiques depuis quelques temps. Le Fonds de revenu mensuel élevé AGF compte deux producteurs énergétiques canadiens parmi ses dix avoirs principaux, en l’occurrence Vermilion Energy (VET) et Bonterra Energy (BNE).

Vermilion, dit M. Frost, est avantagé par ses actifs de gaz naturel en Europe. « Le prix du gaz naturel est plus élevé en Europe qu’en Amérique du Nord. » Dans l’ensemble, dit-il, Vermilion est en train d’accroître sa production dans une fourchette 5 à 9 %, dit M. Frost. Bonterra est un producteur de pétrole léger à faible coût et elle est en train d’augmenter sa production d’environ 5 %, dit M. Frost. Il y a des inquiétudes que la compagnie soit trop endettée. « Mais Bonterra planifie de réduire sa dette grâce aux flux de liquidités générés cette année. »

Dans le Fonds de revenu traditionnel AGF, un avoir de longue date du secteur des services énergétiques canadiens est Pason Systems (PSI). « J’ai détenu ce titre dans un portefeuille que j’ai géré pendant près de vingt ans et je l’aime toujours. » La compagnie, dit-il est un fournisseur mondial d’appareillage et de services de gestion des données pour des installations de forage. Pason, dit M. Frost, a maintenu et accru ses dividendes au cours des dix dernières années. Au deuxième trimestre de 2017, le revenu de la compagnie était nettement supérieur à celui du même trimestre de 2016 et pourtant son titre avoisine son creux de 2016, « ce qui est révélateur de la faiblesse extrême du secteur de l’énergie ».

Pour ce qui est du secteur des matériaux, une action qui appartient aux deux portefeuilles est Methanex (MX). « J’aime cette action depuis des décennies », dit M. Frost. La compagnie établie au Canada est un producteur et fournisseur mondial de méthanol, « qui a de nombreux usages industriels ». La compagnie, dit M. Frost, profite du prix faible du gaz naturel, la matière de base utilisée dans la production de méthanol. Générateur de solides flux de trésorerie disponible, Methanex « réussit bien à faire croître ses dividendes et a entrepris d’effectuer d’importants rachats d’actions. »

La hausse des rendements obligataires est de bon augure pour le secteur des services financiers, dit M. Frost, « mais elle est meilleure pour les assureurs que pour les banques ». M. Frost a augmenté sa participation dans le grand assureur canadien Société financière Manuvie (MFC), qui constitue un avoir de taille dans les deux fonds équilibrés. « La compagnie me plaît en raison de sa participation à l’Asie. » On spécule, dit-il, que Manuvie pourrait se défaire de sa division bostonienne John Hancock Financial Services. « On ne sait pas avec certitude si Manuvie ira de l’avant avec cette transaction, dit-il, mais si c’est le cas, la question est de savoir si Manuvie vendra tout simplement John Hancock ou si l’assureur canadien fera de sa division américaine une compagnie à part entière. »

Fidèle à son enthousiasme envers les assureurs, M. Frost a récemment pris une participation dans un autre grand assureur canadien, Financière Sun Life (SLF). « La filiale de gestion des placements de la compagnie, MFS, commence à connaître une grande amélioration de ses ventes nettes. »

M. Frost n’a pas augmenté sa participation aux avoirs bancaires. « Les actions des grandes banques canadiennes ont essentiellement stagné depuis le début de l’année jusqu’à la dernière clôture », et ceci en dépit du fait que la hausse des taux d’intérêt soit généralement favorable aux banques, dit-il. « Elle permet aux banques d’élargir leurs marges d’intérêt nettes, soit la différence entre le taux payé sur les dépôts et le taux auquel elles prêtent des fonds. » La grande préoccupation parmi les investisseurs, dit-il, relève de la participation des banques au marché immobilier résidentiel canadien, « compte tenu de la conjoncture haussière des taux d’intérêt et des mesures prises par certaines provinces pour ralentir l’activité du marché ».

Dans le secteur immobilier, la hausse des taux d’intérêt canadiens aura un impact négatif sur les fiducies de placement immobilier (FPI) au Canada, dit M. Frost. En ce qui concerne les caractéristiques fondamentales, ceci pourrait contribuer à faire augmenter pour les FPI le coût de financement de leur portefeuille immobilier actuel et entraver au développement de nouveaux projets immobiliers, dit-il. Et en tant qu’investissement, les FPI servent de revenu fixe, et sont de ce fait sensibles aux taux d’intérêt. « Je n’investis dans aucune FPI dans les portefeuilles que je gère à l’heure actuelle ».