Ce secteur est idéal pour investir à long terme
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Quand on parle d’investissement, l’ennui est parfois de rigueur, et il n’y a sans doute pas de secteur plus banal que le chemin de fer.

Depuis près de 200 ans, les sociétés ferroviaires transportent des marchandises. Le fret a changé, les patrons se sont succédé, et ces entreprises continuent à transporter des marchandises dans toute l’Amérique du Nord. C’est cette présence constante qui fait des chemins de fer un avoir idéal pour les investisseurs à long terme, dit Keith Schoonmaker, directeur de la recherche sur les actions industrielles à Morningstar.

« Il n’y a aucun doute : ces sociétés seront là pendant des années, dit-il. Et c’est encore le moyen le moins cher de transporter du fret quand on ne peut pas le faire par voie fluviale ou maritime. »

Ce secteur a néanmoins connu sa part de problèmes ces derniers temps. Le volume total du trafic ferroviaire a baissé de 2,3 % en 2015 et 5 % en 2016, en raison de la chute de la demande énergétique et charbonnière. Le déclin du charbon, en particulier, a ravagé pas mal de sociétés. Selon l’association des chemins de fer américains (Association of American Railroads), le transport du charbon par rail aux États-Unis, qui était de 850 millions de tonnes en 2007, a chuté à 492 millions de tonnes en 2016, et le nombre de wagons transportant cette ressource a diminué d’environ 44 % au cours de la même période. Cet effondrement du volume a affecté les actions, le sous-indice ferroviaire du S&P 500 ayant baissé de 21 % entre novembre 2014 et janvier 2016.

Toutefois, cette chute n’est qu’une parenthèse dans une histoire de gains robustes. Depuis janvier 1990, le sous-indice est remonté de 2 081 % contre 566 % pour le S&P 500. Il est aussi en hausse de 75 % depuis son creux de janvier 2016 et de 15,5 % pour l’année à ce jour au moment où nous écrivons cet article.

Un tournant décisif pour les trains

Et de fait, les chemins de fer sont au milieu d’un renouveau mineur. Les volumes ont commencé à augmenter de nouveau (8,3 % d’une année sur l’autre), alors que le volume de charbon a lui aussi augmenté, de 16 % pour l’année à ce jour. La domination du charbon ne va pas revenir, dit M. Schoonmaker (les services publics vont en dernier lieu continuer à utiliser le gaz naturel, qui est moins cher et plus propre), mais le récent accroissement du volume de charbon donne un petit coup de fouet à certaines compagnies ferroviaires comme CSX et Norfolk Southern.

En règle générale, le volume de marchandises transportées par le rail devrait croître de concert avec le PIB, la plupart des lignes de produits concernées se développant à un rythme modeste. Toutefois, le transport intermodal, qui fait entrer en jeu des modes de transport multiples, comme les navires, les camions et les trains, est une bonne chose pour le chemin de fer, dit M. Schoonmaker. Il pense que les revenus bruts de l’industrie du transport intermodal devraient croître en moyenne de 5 % entre 2017 et 2020, alors que la croissance du volume des conteneurs sera d’environ 3,5 %, ce qui est plus rapide que pour d’autres parties du secteur.

Habituellement, le transport intermodal consiste à acheminer du fret de toutes sortes à plusieurs destinations. Bien que ce soit peut-être plus complexe que ce que le rail a l’habitude de faire (il faut remplir des centaines de conteneurs pour que ce soit rationnel plutôt que de transporter simplement un chargement de charbon d’une mine à une usine), transporter des marchandises par le train est bien meilleur marché et bien plus propre que par camion, principal concurrent dans l’arène du transport intermodal.

« Le camion peut être plus rapide et offrir un service d’un point à un autre, mais le rail est moins cher et plus écologique, et sa capacité est plus grande, dit M. Schoonmaker. Et si chaque train tire 200 conteneurs au lieu d’un seul, on voit tout de suite comment l’économie peut favoriser le rail. »

Et puis politiquement, c’est peut-être le bon moment de posséder des actions ferroviaires. À la différence d’autres sociétés industrielles, les compagnies de chemins de fer investissent des milliards de dollars dans leur propre entreprise chaque année, principalement pour réparer les voies de chemin de fer, les wagons et les infrastructures. Environ 16 % du revenu d’une société est réinvesti chaque année, dit M. Schoonmaker, ce qui est un pourcentage beaucoup plus important que pour d’autres transports. United Parcel Service, par exemple, a des centaines de terminaux d’expédition, de camions et d’avions, et des milliers d’employés, mais nous projetons que la société va dorénavant réinvestir 6 % de ses revenus dans l’entreprise, dit-il.

Si le président Donald Trump réduit bel et bien les impôts des sociétés aux États-Unis, les économies réalisées vont bénéficier immensément aux sociétés ferroviaires. Alors que d’autres intervenants industriels pourraient utiliser l’argent excédentaire pour racheter des actions ou augmenter leurs dividendes, les sociétés ferroviaires seraient sans doute plus enclines à réinvestir, ce qui pourrait représenter une aubaine pour le cours des actions concernées.

La réduction du ratio d’exploitation

Une des façons principales dont les sociétés ferroviaires améliorent leurs profits est en faisant baisser leur ratio d’exploitation, terme qui désigne les frais d’exploitation d’une société en pourcentage de ses revenus. C’est la mesure la plus importante dans l’industrie ferroviaire, et plus elle est faible, mieux c’est. Pour la plupart des sociétés, c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais grâce à la restructuration qui s’est produite récemment au sein de la direction d’une société précise, ce ratio pourrait chuter plus vite dans l’ensemble de l’industrie ferroviaire qu’il ne l’a fait dans le passé.

Le 6 mars, le légendaire PDG du secteur ferroviaire Hunter Harrison a pris les commandes de CSX. M. Harrison, qui a été nommé PDG de l’année 2013 par Morningstar, est bien connu pour transformer des sociétés peu performantes en bastions de l’industrie en réduisant les dépenses de façon drastique et en trouvant de nouvelles efficiences, ce qui conduit ensuite à la baisse du ratio d’exploitation. Au quatrième trimestre de 2012, deux trimestres après l’arrivée de M. Harrison, le ratio d’exploitation du Canadien Pacifique était de 74,8 %. Il a été d’environ 56,2 % au quatrième trimestre de 2016, soit au deuxième rang après celui du Canadien National, société que M. Harrison avait également transfigurée. Rien ne permet de penser que M. Harrison ne pourra pas faire baisser le ratio d’exploitation de 69,4 % qui était celui de CSX au quatrième trimestre de 2016.

« Nous pensons que le nouveau PDG Hunter Harrison va pousser CSX à améliorer son ratio d’exploitation à une allure plus rapide que la société ne pourrait le faire sans lui », note M. Schoonmaker dans son dernier rapport.

Cela va faire pression sur Norfolk Southern et même les sociétés ferroviaires de l’Ouest des États-Unis pour qu’elles réduisent leurs ratios propres.

Au juste prix

Le principal inconvénient des chemins de fer actuels est le niveau élevé de leurs évaluations.

L’action ferroviaire moyenne dans l’univers couvert par Morningstar se négocie à environ 3 % au-dessus de l’estimation de juste valeur faite par Morningstar, ce qui veut dire qu’elle est évaluée de façon équitable. Toutefois, les actions des chemins de fer ne sont pas vraiment comme celles des autres sociétés de transport, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les évaluations en sont plus élevées. Les chemins de fer ont une bastille économique presque impénétrable : personne n’est en train de construire un système ferroviaire traversant le continent. Pour cette raison, la concurrence est minimale, ce qui veut dire que les chemins de fer dans leur ensemble peuvent augmenter les prix d’environ 3 % par an. En fait, il est raisonnable de s’attendre à ce que ces sociétés augmentent leurs bénéfices de 6 % chaque année, avec une croissance de volume d’environ 1,5 % et une croissance des prix de 3 %, 1 % étant ajouté par l’amélioration des marges. Ajoutons-y quelques rachats d’actions, et la croissance est maintenant 6 à 9 %.

Malgré son prix actuel, M. Schoonmaker pense que Union Pacific a l’air relativement attrayante. Selon Morningstar, elle se négocie à un rabais de 3 % par rapport à sa juste valeur au moment où nous écrivons ces lignes, et offre un rendement de 2,2 %. Elle produit des flux de trésorerie disponibles qui représentent 20 % de ses revenus, chiffre qui n’est dépassé que par le Canadien National, alors que Union Pacific est deux fois plus grande. « Cette société génère des quantités énormes d’argent », dit M. Schoonmaker.

Quoi qu’il en soit, à long terme, il est difficile de se tromper avec les chemins de fer. Mais le secret est de s’accrocher. Les investisseurs ne verront pas une croissance massive en un an, mais, comme l’industrie l’a prouvé historiquement, avec le temps elle peut toujours afficher des rendements au-dessus de la moyenne.