La décision prise par la Banque du Canada d’augmenter les taux d’intérêt en juillet a surpris Steve Locke, vice-président principal et chef des placements à revenu fixe auprès de la société torontoise Placements Mackenzie. Selon lui, à mesure que la banque centrale continue de resserrer les conditions monétaires, une plus grande souplesse sera requise pour générer des revenus et préserver le capital.

Lire aussi : Hausse des taux: ce ne sera pas la dernière, selon les économistes

« Le tableau économique canadien a été à ce jour raisonnablement solide, bien que sans les tendances inflationnistes qui pourraient justifier un changement de politique. Mais la Banque du Canada nous a bel et bien pris au dépourvu. Et on a bien vu qu’elle a aussi pris le marché au dépourvu », dit M. Locke, qui dirige une équipe de 18 professionnels du placement chargés de superviser environ 18 milliards de dollars (G$) d’actifs à revenu fixe. « Cela a été un choc pour le système et pour la courbe des rendements. »

M. Locke remarque par exemple que le rendement d’une obligation sur deux ans a fait un bond, passant de 65 à plus de 100 points de base. Il pense que la courbe des rendements actuelle incorpore trois augmentations attendues des taux d’intérêt pendant les 12 mois qui viennent, ce qui signifie que le taux d’intérêt à un jour pourrait passer à 1,5 % d’ici l’été 2018.

« Nous pensions qu’avec une croissance un peu moins dynamique et quelques difficultés politiques aux États-Unis, la Banque du Canada retiendrait son souffle le reste de l’année et ne ferait pas grand-chose compte tenu de la faible inflation qui régnait dans ce pays », dit M. Locke, dont les mandats comprennent le Fonds d’obligations stratégique Mackenzie (227 M$ d’actifs sous gestion). « Les deux réductions urgentes des taux en 2015 avaient été causées par la baisse du prix du pétrole et les difficultés qui en ont résulté pour l’économie, surtout dans les provinces dépendant du pétrole. »

M. Locke croit qu’après l’augmentation des taux cette semaine, une autre va se produire au début de 2018, mais que cela est fonction du débat américain sur le budget. « Alors que le débat aux États-Unis est en train de s’orienter vers le plafond de la dette, les marchés vont-ils avoir peur d’un éventuel arrêt des activités gouvernementales? Le débat annoncerait-il la menace d’un défaut de paiement provisoire des obligations du Trésor américain? » Une telle éventualité pourrait occasionner une chute des actifs risqués comme les obligations à rendement élevé, pense-t-il, mais le rendement des obligations gouvernementales va augmenter alors que les investisseurs rechercheront la sécurité.

Même avec l’augmentation actuelle des rendements obligataires à court terme, M. Locke maintient que la conjoncture de hausse des taux d’intérêt demeurera relativement faible. « Peut-être pas aussi faible qu’il y a un an, mais probablement davantage que pendant les dix ans qui ont précédé », dit-il. En 2007, remarque-t-il, le taux des fonds fédéraux américains était de 5,25 %, et le rendement des obligations du Trésor américain sur 10 ans de 5 % environ. « Il faut réfléchir à ce que les taux d’intérêt pourront faire dans ce cycle. La Fed elle-même a projeté que leur augmentation pourrait aller jusqu’à 3 %. C’est bien inférieur au cycle précédent. »

En tant que gestionnaires actifs, M. Locke et son équipe gèrent le risque lié aux taux d’intérêt, par exemple en raccourcissant la durée ou en changeant le positionnement de leurs placements le long de la courbe des rendements, ou en utilisant d’autres instruments moins sensibles aux changements de taux. « C’est la combinaison de ces trois choses qui donne à nos portefeuilles une caractéristique défensive. »

Actuellement, environ 47 % des actifs du Fonds d’obligations stratégique Mackenzie consistent en obligations de sociétés de qualité supérieure. L’aspect soi-disant « plus » du portefeuille se reflète dans une portion de 10 % affectée à une combinaison d’obligations à rendement élevé et de prêts à taux variable, ces derniers comprenant pour la plupart des prêts à des sociétés américaines, qui proviennent d’un marché liquide valant environ 900 milliards $US. Le reste du portefeuille est constitué d’un amalgame d’obligations provinciales et des gouvernements canadien et américain. Environ 30 % du fonds est composé de titres non canadiens dotés d’une couverture contre le change.

La portion du fonds de qualité inférieure, dit M. Locke, contribue à la production d’un rendement plus élevé que celui de l’indice repère FTSE TMX Canada Universe Bond Index. Dans l’ensemble, le portefeuille a un rendement courant d’un peu plus de 3 % avant les frais, contre 2,3 % pour l’indice.

De plus, signale M. Locke, l’écart-type du Fonds d’obligations stratégique Mackenzie est plus bas que celui du marché obligataire canadien depuis sa création en mai 2013. « Il utilise des catégories d’actifs comme les prêts à taux variable, qui sont moins corrélées au risque lié aux taux d’intérêt. C’est une façon solide de gérer le risque lié aux taux d’intérêt tout en fournissant un rendement plus élevé aux investisseurs. »

L’autre arme employée par M. Locke est la gestion de la durée, soit une mesure de la sensibilité aux fluctuations des taux d’intérêt. La durée du fonds est de 6,9 ans, c’est-à-dire 0,4 ans de moins que les 7,3 ans de l’indice.

Les résultats du fonds ont été modestes : 1,3 % pour les huit mois qui se sont terminés le 31 août, contre 0,2 % pour la catégorie Revenu fixe canadien, et un rendement annualisé de 2,4 % sur trois ans, contre 2,2 % pour la catégorie. Toutefois, affirme M. Locke, les fonds à revenu fixe jouent un rôle vital.

« Nous cherchons toujours à générer un revenu et un rendement total, mais le produit a sa raison d’être du point de vue de la préservation du capital, dit-il. Si les investisseurs ajoutaient le produit obligataire à l’ensemble de leur portefeuille équilibré, ils contrebalanceraient une chute éventuelle du marché des actions. C’est un contexte important pour comprendre l’utilisation des fonds obligataires, même dans une conjoncture de faible rendement comme celle que nous traversons depuis plusieurs années, et dont on a tout lieu de penser qu’elle va se poursuivre. »