Trop beau pour être vrai !

La nouveauté relative du régime peut expliquer en partie sa sous-utilisation. Pourtant, sa grande générosité aurait dû attirer davantage l’attention des personnes admissibles.

En fait, le REEI est si attrayant que certaines personnes sont même «méfiantes à l’égard du régime, parce qu’elles se disent qu’il est trop beau pour être vrai. Elles se demandent où est l’arnaque», souligne François Bernier, directeur, planification fiscale et successorale, chez Placements Mackenzie, à Montréal.

En effet, l’aide fédérale peut atteindre jusqu’à 4 500 $ par an.

Le gouvernement fédéral y contribue par l’intermédiaire de deux instruments : la Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité et le Bon canadien pour l’épargne-invalidité (http:// tinyurl.com/kgmr3q8).

Ces contributions sont calculées en fonction du revenu familial du bénéficiaire et du montant des cotisations déjà versées dans le REEI.

En 2014, pour un revenu familial de 87 123 $ ou moins, la subvention annuelle maximale est de 3 500 $ ; pour un revenu familial supérieur à ce seuil, elle est de 1 000 $. Les subventions ne peuvent dépasser un maximum cumulatif de 70 000 $ à vie.

Le Bon canadien, de son côté, s’établit à 1 000 $ pour un revenu familial de 25 356 $ ou moins. Il va en diminuant jusqu’à disparaître pour un revenu qui atteint 43 561 $. Le maximum cumulatif des prestations à vie s’établit à 20 000 $.

Les contributions à un REEI peuvent être faites par le bénéficiaire, par toute autre personne jusqu’à 60 ans, ou jusqu’à un montant cumulatif de 200 000 $.

Le gouvernement fédéral peut contribuer jusqu’à ce que le bénéficiaire atteigne l’âge de 50 ans. Celui-ci peut faire des retraits à tout moment. Toutefois, il doit attendre 10 ans entre la fin des contributions fédérales et le premier retrait du régime s’il veut éviter de devoir rembourser une partie des contributions fédérales.

Ce remboursement s’établit selon le moins élevé des montants suivants : la somme des contributions fédérales faites au cours des dix années écoulées, ou 3 $ par dollar retiré.

Trois problèmes

Le rapport du Comité sénatorial cerne trois problèmes susceptibles d’expliquer la sous-utilisation du REEI.

Premièrement, on croit que certains adultes handicapés n’ont pas la capacité légale de souscrire un REEI ou de mandater un représentant légal pour agir en leur nom, ce qui les empêche d’accéder au régime.

Deuxièmement, le régime est peu connu, même de professionnels de première ligne.

Troisièmement, la complexité du régime et des formulaires requis peut rebuter les personnes admissibles.

Soulignons que le Comité relevait aussi que le délai de dix ans pour les retraits posait problème. C’est à sa recommandation que le gouvernement fédéral a abaissé ce délai à cinq ans.

Des solutions

La méconnaisance du régime est le problème le plus évident, jugent François Bernier et le président de Finandicap, Guillaume Parent.

Cela tiendrait en partie au fait que «les personnes handicapées, surtout au Québec, sont de moins en moins impliquées dans la collectivité. Elles se joignent moins aux associations, ce qui accroît la difficulté de les rejoindre», dit Guillaume Parent.

De plus, «les institutions financières en général ne connaissent pas le régime», affirme François Bernier.

«Les conseillers le connaissent peu ; les professionnels, les médecins, les avocats, les comptables, et les notaires ne le connaissent pas du tout. Dans bien des cas, même des représentants d’associations de personnes handicapées ne le connaissent pas», soutient-il.

Pour résoudre ce problème, tant le rapport du Comité sénatorial que les deux spécialistes interviewés proposent de multiplier les actions d’information auprès des contribuables admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Pour ce faire, ils proposent aussi d’élaborer des partenariats avec des groupes de défense des personnes handicapées.

De façon plus pratique, François Bernier suggère d’insérer dans les logiciels de préparation de déclaration de revenu une fenêtre-pub (pop-up) qui rappelle l’existence du REEI dès qu’un contribuable réclame le crédit d’impôt pour personne handicapée.

Le problème légal a été temporairement résolu jusqu’en 2016, grâce à une disposition du gouvernement fédéral. Celle-ci permet au parent biologique et au conjoint d’une personne handicapée d’ouvrir un REEI pour une personne inapte, ce qui leur était interdit auparavant.

«Toutefois, à moyen et long terme, le problème demeure», note Guillaume Parent.

C’est pourquoi, comme le suggère le rapport, puisque cette question relève de la juridiction des provinces, il revient à celles-ci de faciliter les mécanismes de représentativité des personnes handicapées pour qu’elles aient un meilleur accès au REEI.

Quant à la complexité administrative du régime, le Comité propose au gouvernement «d’envisager sérieusement l’ouverture automatique d’un REEI au nom des personnes devenant admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées qui satisfont toutes les autres exigences du REEI».

Il recommande aussi à Ottawa de financer des organismes reconnus qui pourraient aider les personnes handicapées à parcourir les dédales des procédures et formulaires qui conduisent à l’obtention d’un REEI.