BlackRock achète les FNB de Crédit Suisse

La guerre des prix parmi les FNB s’intensifie. Après une campagne réussie avec sa gamme de FNB dite « de base » (Core) aux États-Unis, BlackRock iShares a lancé une série iShares Core au Canada le mois dernier. Cette annonce mérite d’être célébrée, et pas critiquée. Mais quand même, certains remettront en question le choix des FNB iShares qui sont sur la liste et de ceux qui n’y sont pas. Certaines personnes qui suivent l’industrie n’auront peut-être pas oublié que quand iShares a déployé sa série aux États-Unis, il s’agissait à la fois d’un lancement de nouveaux produits et de réductions de frais sur les FNB existants.  

Par exemple, plutôt que de réduire le prix de son populaire FNB des marchés émergents coté aux États-Unis, le iShares MSCI Emerging Markets EEM , la société a lancé un fonds comparable qui piste un indice plus large comprenant aussi des PME. Le nouveau fonds, iShares Core MSCI Emerging Markets IEMG , a été offert au prix imbattable de 0,18 % par an, alors que EEM, avec ses presque 50 G$ US d’actifs, a maintenu le prix élevé de 0,69 % (aujourd’hui, le ratio des frais de gestion du fonds est de 0,67 %) : une décision sans doute brillante pour préserver les bénéfices nets de BlackRock, mais pas tellement favorable aux investisseurs.

Il semble que les choses se passent un peu de cette manière avec le lancement canadien, mais je ne me plains pas. J’applaudis iShares pour avoir réduit les frais de neuf de ses FNB. Néanmoins, on ne peut que remarquer que l’on a omis de cette série le FNB le plus volumineux au pays : le iShares S&P/TSX 60 Index XIU , qui a environ 13 G$ d’actifs. Les frais de gestion de XIU demeurent 0,15 % par an — trois fois ceux que fait actuellement payer le FNB plus diversifié iShares S&P/TSX Capped Composite Index XIC .

Au Canada, nous connaissons une situation comparable à celle de EEM, mais à plus petite échelle. Un calcul à vue de nez suggère que XIU fait rentrer environ 20 M$ par an chez BlackRock Canada avec 0,15 % de frais de gestion. Si la société devait baisser les frais de gestion de XIU à 0,05 %, XIU n’encaisserait une somme brute « que » de 7 M$ par an. Plutôt que de subir un choc de 13 millions $, la firme a choisi de promouvoir XIC. (Notez que ces chiffres ne sont que des estimations destinées à illustrer la situation.)

À mon avis, XIC est de toute façon préférable à XIU pour acquérir une participation stratégique à long terme aux actions canadiennes, principalement en raison de son portefeuille plus complet : environ 250 avoirs contre 60 pour XIU. À la suite de son importante réduction de frais, XIC se distingue nettement dans sa catégorie d’actifs. Des alternatives comparables comme le FNB Vanguard FTSE Canada All Cap Index VCN et le FINB BMO S&P/TSX composé plafonné ZCN , qui font payer chacun des frais de gestion de 0,15 %, apparaissent désormais chers sur une base relative.

Mais ne vous attendez pas à un exode en masse de XIU en direction de XIC suite à cette réduction de frais. XIU est l’aïeul de tous ces produits au Canada, et il ne sera pas détrôné de sitôt. Sa liquidité sans pareille sur le marché secondaire en fait un instrument utile pour les investisseurs institutionnels cherchant à faire de grosses mises vite et bien, sans perturber le marché. Néanmoins, pour les particuliers, il est difficile de justifier un investissement dans XIU quand XIC est offert au tiers du prix et fournit une participation à environ 95 % du marché canadien.

Si iShares protège vraiment sa poule aux oeufs d’or en cassant le prix de XIC plutôt que de XIU, pendant combien de temps la société pourra-t-elle réellement se le permettre? XIU a-t-il atteint un tel prestige que iShares peut maintenant faire payer le prix fort pour sa liquidité? Je trouverais difficile à croire que les investisseurs institutionnels paient plus pour une participation au marché canadien (et encore! une petite tranche seulement!) que les particuliers.

J’admets avoir été un peu surpris que le FNB iShares Canadian Universe Bond Index XBB ne figure pas sur la liste, compte tenu de sa participation de base au marché canadien des obligations. Il a été le FNB obligataire de base le plus populaire pendant des années, mais récemment ses concurrents lui ont damé le pion.

Avec des frais de gestion de 0,30 %, XBB fait payer 50 % de plus que le FNB Vanguard Aggregate Bond Index VAB et le FINB BMO obligations totales ZAG . Considérant qu’il a 1,5 G$ d’actifs, si iShares diminuait XBB, disons à 0,10 %, il renoncerait à environ 3 M$ de revenu annuel (la différence entre les 4,5 M$ qu’il gagne avec des frais de 0,30 % et le 1,5 M$ qu’il gagnerait avec 0,10 % de frais). Au lieu de cela, la société cherche à développer la masse critique du FNB iShares High Quality Canadian Bond Index CAB .

Ce fonds a un nouveau nom et un nouveau mandat; il faisait précédemment partie de la série Avantage, qui utilisait une structure de swap synthétique pour re-caractériser le revenu comme un gain en capital. Il a changé son mandat en réponse à des propositions énoncées dans le budget fédéral de 2013 qui ciblait les structures de placement qui génèrent des rendements sous forme de gains en capital plutôt que revenu d’intérêts. Compte tenu du changement de stratégie, je pense que les investisseurs devraient approcher CAB comme si c’était un FNB nouvellement lancé, et je réserverai mon jugement jusqu’à ce qu’il ait eu l’occasion de montrer de quel bois il se chauffe.

Compte tenu de son nouveau mandat, le rendement passé de CAB n’est plus pertinent et ne devrait pas être un élément du processus d’évaluation d’un investisseur qui envisagerait d’y placer son argent. Une différence de taille qu’il convient de souligner est que CAB offre une participation plus importante aux obligations de sociétés que ses concurrents. Son portefeuille est constitué de 60 % d’obligations gouvernementales et 40 % d’obligations de sociétés. En comparaison, VAB et ZAG affectent de 20 % à 30 % aux obligations de sociétés, le reste étant constitué d’obligations gouvernementales. Pourtant, les rendements de chacun de ces FNB obligataires de base sont très comparables, car la plus grosse participation de CAB aux titres de créances des sociétés est contrebalancée par sa durée légèrement plus courte.

Dans les actions internationales, la situation ressemble beaucoup à ce qui s’est passé aux États-Unis lorsque la firme a lancé sa série iShares Core. Plutôt que de réduire les frais des FNB plus anciens et beaucoup plus gros — iShares MSCI EAFE Index (CAD-Hedged) XIN (0,50% de RFG) et iShares MSCI Emerging Markets Index XEM (0,79% de RFG) — elle offre les FNB iShares MSCI EAFE IMI Index XEF et iShares MSCI Emerging Markets IMI Index XEC avec des frais de gestion respectifs de 0,20 % et 0,25 %. L’acronyme IMI signifie « Investable Market Index » (Indice des marchés investissables), ce qui veut dire que ces indices couvrent les marchés boursiers développés et des marchés émergents dans leur intégralité, y compris les petites capitalisations. Ce sont d’excellents fonds de base pour une participation stratégique à long terme, et nous n’allons donc certainement pas flancher sur XIN et XEM.

Les autres FNB qui ont accédé à la liste semblent être des fonds que iShares voudrait promouvoir et dont elle souhaite augmenter la taille. Le FNB iShares S&P/TSX Equity Income Index XEI (203 M$) est un choix curieux sur cette liste, considérant que iShares offre deux autres FNB axés sur les dividendes qui ont des bases d’actifs beaucoup plus volumineuses. Avec près de 1,4 milliard $ d’actifs, iShares Canadian Select Dividend Index XDV , qui fait payer un RFG de 0,55 %, est le plus gros fonds à dividendes de la firme, alors que S&P/TSX Canadian Dividend Aristocrats Index CDZ a environ 1 G$ d’actifs et fait payer un RFG de 0,66 %.

Deux autres RFG de revenu fixe canadien complètent la liste : iShares Canadian Short Term Corporate + Maple Bond Index XSH et iShares Canadian Long Term Bond Index XLB . Je conviens que ces FNB n’imposent nullement une image « de base ». Compte tenu de leurs profils d’échéance extrêmement différents, leur utilisation potentielle dans la « base » pourrait toutefois être d’ajuster la participation du portefeuille entier à la durée. XSH affiche une durée moyenne pondérée de 2,76 ans, la durée de XLB est de 13,46 ans, et celle de CAB de 6,12 ans. Ces FNB pourraient donc être combinés pour atteindre la cible de durée désirée.

Choisir de mettre l’accent sur XSH plutôt que sur un produit comme le FNB iShares 1-5 Year Laddered Corporate Bond Index CBO est une autre décision d’affaires judicieuse. CBO a environ 2 G$ d’actifs et fait payer 0,25 % de frais de gestion : environ le double des nouveaux frais de XSH. Bien que CBO détienne beaucoup moins d’avoirs, sa durée globale et ses profils de durée, de crédit et de rendement à l’échéance sont presque identiques à ceux de XSH.

La série iShares Core dans son ensemble est une gamme solide, et mon objectif en décortiquant la liste n’était pas d’assombrir les nouvelles. BlackRock n’est pas le premier ou le seul fournisseur de fonds à jongler entre le service qu’elle doit aux détenteurs de ses fonds et celui qu’elle doit à ses actionnaires, et ce ne sera certainement pas le dernier. On dirait bien que certaines décisions de la firme ont été prises pour protéger ses profits. Dans tous les cas, les investisseurs finissent en meilleure posture qu’avant. Et pour cela, iShares mérite des louanges.

Il semble qu’elle ait dans sa gamme quelques endroits où les frais pourraient être plus compétitifs. Espérons que les gens de BlackRock Canada feront davantage de réductions dans l’avenir et continueront à réduire l’écart des dépenses avec nos voisins du sud. Dans le cas contraire, je suis certain que Vanguard et BMO ne verront aucune objection à empiéter encore plus sur sa part dominante du marché.

Photo Bloomberg