Trompeuse, la course à la performance ?
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Fidelity compte ainsi la proportion la plus élevée de fonds quatre ou cinq étoiles parmi les 14 gestionnaires considérés. La société bostonnaise se distingue également par la proportion la plus élevée d’actif sous gestion (ASG) de premier et second quartile sur cinq ans.

En revanche, AGF affiche la plus petite proportion de fonds cotés quatre ou cinq étoiles, alors que Dynamique enregistre le plus faible pourcentage d’actif sous gestion de premier et second quartile sur une période de cinq ans.

Les découvertes ne s’arrêtent pas là. Groupe Investors, Franklin Templeton et Banque Nationale comptent un très faible pourcentage de fonds cotés quatre ou cinq étoiles.

Ces classements semblent volatils. Ainsi, en l’espace de deux ans, le pourcentage d’actif sous gestion de premier et second quartile peut monter ou descendre comme un yoyo, ce dont témoignent les résultats de CI, d’Investors et de Franklin Templeton.

Un premier bémol

Coauteur de l’étude de GMP, l’analyste Stephen Boland lance une première mise en garde. À cause de son poids, un seul fonds peut faire osciller les aiguilles de performance de façon spectaculaire. C’est le cas d’Investors, dont le plus gros fonds, le Fonds Dividendes C, dépasse les 17 G$ d’actif.

«Le Fonds Dividendes C représente plus de 20 % des 81,3 G$ d’actif sous gestion des 20 principaux fonds d’Investors considérés dans l’étude ! Si les circonstances ne favorisent pas ce fonds de 17 G$, cela nuira à la performance moyenne des 20 fonds d’Investors», dit-il.

Par conséquent, Stephen Boland suggère d’être attentif à l’impact des deux ou trois plus importants fonds de chaque manufacturier.

Biais du survivant

Jean Morissette ajoute un autre bémol visant à tenir compte des effets des fusions et des liquidations de fonds peu performants, celui du biais du survivant.

«Les familles de fonds sont gérées avec de plus en plus de minutie. Les fonds qui performent mal tendent à être fusionnés au bout de deux ou trois ans à des fonds qui ont une meilleure feuille de route», dit ce consultant en gestion de patrimoine qui fut président de Services financiers Partenaires Cartier pour le Québec et ex-associé fondateur de Talvest.

En effet, les disparitions de fonds peu performants sont nombreuses. Auteur d’un récent livre sur le placement intitulé Rational Investing : The Subtleties of Asset Management (Columbia University Press, 2017), Jacques Lussier a constaté qu’aux États-Unis, les fusions et les liquidations éliminent chaque année environ 6 % des fonds en circulation.

«Cela signifie qu’il y a 15 ans, plus de la moitié des fonds actuels n’existaient pas !» dit celui qui préside aussi Ipsol Capital, une firme montréalaise de gestion de portefeuilles.

En revanche, Jacques Lussier estime que les manufacturiers et les investisseurs ont la gâchette un peu trop facile.

«La popularité des styles de gestion est cyclique. Cela peut expliquer pourquoi tel ou tel fonds a peu d’étoiles. Il se trouve que des fonds qui sous-performent pendant cinq ans peuvent surperformer au cours des cinq années suivantes», dit Jacques Lussier.

Par conséquent, il faudrait élargir les critères de calcul de performance.

«Je préconise d’examiner les fonds sur 10 ans, en les comparant sur deux périodes consécutives de 5 ans. On verrait alors comment se comportent les gestionnaires qui traversent une période difficile de 5 ans», dit l’auteur de Rational Investing.

Réseaux captifs

Aux yeux de Jean Morissette, les réseaux captifs sont plus vulnérables au phénomène de la persistance de la sous-performance des fonds.

«Les produits des réseaux captifs n’ont pas beaucoup de concurrence ! Et je ne pense pas que leurs clients achètent leurs fonds à l’aide de grilles de Morningstar», dit-il.

Par ailleurs, Jean Morissette pense que le recours aux gestionnaires externes par les manufacturiers de fonds favorise les épargnants.

«Les gestionnaires qui échouent peuvent être plus facilement congédiés si ce sont des gestionnaires externes. C’est l’une des raisons qui expliquent les succès assez généralisés des banques en fonds communs», dit-il.