Traditionnellement, la distribution sans représentant (DSR) concerne des produits d’assurance vie et invalidité reliés à des prêts hypothécaires, à des prêts personnels, à des prêts automobiles ainsi qu’à des marges de crédit. Ces produits sont vendus principalement en succursales bancaires.

La DSR comprend également des produits de commodité comme l’assurance voyage vendue par des agences de voyages ou par des émetteurs de cartes de crédit. De plus, la DSR comprend des produits d’assurance vie vendus à des taux de groupe sur Internet ou à des taux individualisés comme chez Empire Vie.

En assurance de dommages, l’assurance de remplacement distribuée par les concessionnaires automobiles a fait couler beaucoup d’encre. Ce produit a tellement attiré l’attention des médias qu’il incarne à lui seul les dérives possibles de la DSR (http://tiny.cc/wgf9zx).

C’est ainsi que selon le dernier «Rapport annuel sur les institutions financières» de l’Autorité des marchés financiers (AMF), la prime moyenne d’une police distribuée par un concessionnaire était supérieure de 695 $ (64 %) à celle d’un représentant en 2014. L’AMF explique cet écart «notamment par le taux de commission, qui est plus élevé pour la distribution sans représentant» (http://tiny.cc/d267zx).

«Mieux vaut trop que pas assez»

Selon Flavio Vani, «sans la présence d’un conseiller, les clients courent le risque de ne pas obtenir le bon produit au bon prix, quel que soit le produit».

«Je pense que les probabilités d’erreur et de méprise de la part des clients augmenteront avec les produits de plus en plus complexes vendus sur Internet sans l’aide de représentants», ajoute le responsable de l’APCSF qui dirige son propre cabinet, Assurance et Produits Financiers Vani.

Même son de cloche chez Mario Grégoire, président du conseil et directeur général du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) : «La distribution sans représentant englobe des produits que les clients paient pendant un certain nombre d’années. Ce n’est pas rien, et les conseillers certifiés doivent s’en occuper. Ils doivent aussi s’occuper des produits de commodité comme l’assurance voyage.»

«Quand il est question de protection du public, je préfère aller trop loin que pas assez loin», souligne Mario Grégoire.

Tant l’APCSF que la CDPSF demandent que des représentants certifiés se situent à tous les carrefours des décisions touchant la sécurité financière des consommateurs, qu’il s’agisse de l’achat de simples produits de commodité ou de celui de produits complexes en assurance de personnes.

Les assureurs imputables

Cependant, telle n’est pas la voie proposée par le ministère des Finances du Québec dans son «Rapport sur l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers», publié en juin dernier (http://tiny.cc/2q67zx).

Ce rapport reprend une recommandation que l’AMF avait émise en 2010 à l’issue de sa consultation publique sur la DSR, à savoir la mise en place d’un «cadre législatif pour la distribution sans représentant qui s’appliquera directement aux assureurs qui devront veiller à ce que leurs mandataires (actuellement appelés des distributeurs) respectent les règles».

Autrement, le ministère des Finances et l’AMF suggèrent non pas d’élargir le champ d’intervention des conseillers, mais plutôt de rendre les assureurs imputables des actions de leurs distributeurs.

Notons que le ministère cite aussi une recommandation de l’AMF de 2010 visant à «obliger la divulgation de la rémunération clairement et par écrit dans tous les cas plutôt que seulement lorsque celle-ci dépasse 30 % de la prime versée, comme c’est le cas actuellement, afin d’éliminer les tactiques d’évitement utilisées par certains distributeurs».

Grands bouleversements

Pour Robert Landry, consultant et ancien vice-président exécutif d’AXA Canada, les règles du jeu sont clairement en train de changer.

«La notion d’imputabilité de l’assureur est majeure. Elle annonce deux choses très importantes. Premièrement, une action résolue des autorités de réglementation vis-à-vis de certaines pratiques jugées inadmissibles en assurance. Deuxièmement, de grands bouleversements en matière de gestion de la conformité», précise-t-il.

Dans cet esprit, la question de la divulgation de la rémunération n’a rien d’accidentel. «Si le ministère des Finances et l’AMF veulent obliger à divulguer la rémunération par écrit, c’est qu’ils considèrent qu’elle pose problème. En informant les consommateurs, le ministère et l’AMF visent à faire en sorte que les possibilités d’abus s’éliminent d’elles-mêmes», expose Robert Landry.

De plus, en devenant légalement responsables des activités de leurs distributeurs, les assureurs devront «gérer ces distributeurs comme s’ils étaient leurs propres employés».

Par ailleurs, Robert Landry pense que les assureurs qui offrent des produits d’assurance par l’intermédiaire de la DSR auront des exigences de conformité de plus en plus élevées. «Au fur et à mesure que des abus en DSR seront dévoilés sur la place publique, il y aura une demande accrue pour davantage de réglementation», dit-il.

Robert Landry rappelle un certain dicton : «Les règlements d’aujourd’hui sont le résultat des abus d’hier. Et les règlements de demain seront le résultat des abus d’aujourd’hui, que les intervenants actuels ne règlent pas de façon satisfaisante».