D’après une note d’orientation de l’OCRCVM (http://bit.ly/2gfcuEK), les clients sondés par le régulateur qui prennent eux-mêmes leurs décisions de placement perçoivent certains outils proposés par les sociétés qui offrent des services d’exécution d’ordres sans conseils comme un moyen de fournir des recommandations implicites, voire explicites.

«La majorité de ceux qui ont utilisé ou songé à utiliser un outil pensent que les sociétés qui offrent des comptes sans conseils pourraient et devraient être tenues pour responsables financièrement (en totalité ou au moins en partie) en cas de perte de placement importante résultant de l’utilisation de cet outil», lit-on dans la note de l’OCRCVM.

Ces résultats contrastent avec ceux de la clientèle type de ces firmes, soit des investisseurs qui se sentent capables de prendre leurs propres décisions de placement. Rappelons que lorsqu’une société qui offre de tels services accepte l’ordre d’un client sans émettre de recommandation, elle n’est pas tenue de se conformer à certaines règles relativement à la convenance de l’ordre.

C’est pourquoi l’OCRCVM considère que les sociétés qui offrent des comptes sans conseils devraient s’abstenir de proposer des portefeuilles modèles à leur client, à moins qu’ils ne soient des portefeuilles admissibles.

Pour en remplir les critères, les firmes ne doivent jamais fournir activement ni envoyer de portefeuille modèle à un client ou à une catégorie de clients qui obtiennent des services d’exécution d’ordres sans conseils, ceux-ci devant faire l’effort d’aller le chercher eux-mêmes sur le site Internet de la société, selon la note d’orientation.

Aussi, les portefeuilles modèles admissibles doivent se fonder exclusivement sur les quatre critères suivants, ou sur une combinaison de ces critères, soit : catégorie d’investisseur, catégorie d’actif, secteur d’activité et horizon de placement.

Une société qui offre des comptes sans conseils ne doit ni aider un client à déterminer à quelle catégorie d’investisseur il appartient (par exemple, prudent ou audacieux) ni lui dire qu’elle pense qu’il appartient à une catégorie particulière.

Les firmes ne peuvent pas mentionner expressément de titres ou d’émetteurs particuliers dans un portefeuille modèle admissible.

Pas des robots

Cette ouverture visant à accorder une dispense standard qui permettrait à ces sociétés d’offrir des portefeuilles modèles limités ne facilite d’aucune manière le lancement d’un plus grand nombre de robots-conseillers, estime Dan Hallett, vice-président et associé chez HighView Financial Group.

«L’OCRCVM ouvre une porte aux sociétés qui offrent des comptes sans conseils afin qu’elles puissent offrir une forme très limitée de portefeuilles modèles, mais pas comparable à l’offre proposée par les robots-conseillers», distingue-t-il.

Les robots-conseillers sont enregistrés comme gestionnaires de portefeuille réglementés par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et exercent leur pouvoir discrétionnaire sur les actifs des clients. Ils doivent avoir des «discussions significatives» avec leurs clients pour acquérir une connaissance suffisante à leur sujet, afin d’être en mesure de leur fournir des conseils appropriés.

Dans le cas des entreprises qui offrent des comptes sans conseils, leur nature «est vraiment celle d’un revendeur qui offre uniquement des services d’exécution d’ordres, c’est-à-dire sans contrôle d’aptitude ni conseil. Les robots-conseillers sont des gestionnaires de portefeuille enregistrés et ils doivent respecter les obligations d’un fiduciaire légal», précise Dan Hallett.

Risques pour les clients

Quoi qu’il en soit, une innovation technologique comme celle-ci risque de miner la protection des clients.

«Derrière l’avènement de la robotisation des marchés, financiers ou autres, se cachent potentiellement d’importants risques quant à la protection des investisseurs ou autres consommateurs», indique Jean-Christophe Bernier, étudiant-chercheur au Centre d’études en droit économique de l’Université Laval, spécialiste de l’encadrement réglementaire des fintech et de la protection des consommateurs de produits et services financiers liés à ces technologies.

Selon lui, un des principaux enjeux des robots-conseillers est leur utilisation par des investisseurs moyennement ou peu qualifiés, voire des consommateurs qui ont très peu de connaissances par rapport à cette technologie.

«Cette utilisation, si elle n’est pas correctement encadrée, peut mener à des situations problématiques pour l’investisseur et potentiellement pour l’intermédiaire qui opère le robot-conseiller», dit-il.

«Il est probable qu’un robot-conseiller puisse favoriser, par l’intermédiaire des conseils qu’il prodigue, certaines transactions qui placeraient l’intermédiaire-opérant en situation de conflit d’intérêts, ou encore, qui « intoxiqueraient » le portefeuille d’un client. L’étude de ces situations nous permet de comprendre que le robot-conseiller, dont le discernement du bien et du mal et des valeurs éthiques dépend en grande partie de son opérateur, n’a pas les capacités nécessaires pour satisfaire les obligations fiduciaires de la fonction de conseil.»

Ces manquements potentiels au devoir fiduciaire du conseiller peuvent ainsi se répercuter sur l’intermédiaire-opérateur ou encore sur l’institution financière qui propose les services du robot-conseiller à ses clients, estime Jean-Christophe Bernier.

Les personnes intéressées à commenter le projet de note d’orientation sur les services d’exécution d’ordres sans conseils sont invitées à le faire jusqu’au 19 décembre 2016.