Marché monétaire : de nouvelles règles américaines
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Établi à New York, ce fonds gérait des placements de marché monétaire de l’ordre de 63 G$ US lorsque sa NAV a perdu 3 cents dans le dollar (break the buck). La raison : environ 785 M$ étaient placés dans des prêts à court terme avec Lehman Brothers, qui a déclaré faillite. Les investisseurs ont paniqué et le fonds a perdu près des deux tiers de ses avoirs en 24 heures. On craignait la contagion.

« Au moins 28 fonds de marché monétaire ont connu le même sort en 2008, ce qui a mené à une surveillance accrue de ce marché par les autorités de réglementation », souligne dans une analyse récente James Gauthier, directeur de la recherche sur les fonds d’investissement chez Scotia Gestion de patrimoine. Selon lui, la situation américaine n’a aucune commune mesure avec celle qui prévaut chez nous.

Quels changements au Canada ?

Le Canada n’a certes pas connu de situation semblable à celle de Reserve Primary Fund. Cependant, à la suite de la crise financière de 2008, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont apporté des modifications au Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement, concernant les organismes de placement collectif (OPC) du marché monétaire. Celles-ci sont entrées en vigueur en 2012. On a notamment tenu compte des travaux effectués par l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et de la réalité du marché canadien.

Selon un compte-rendu de l’Autorité des marchés financiers (AMF) daté du 6 octobre dernier (Rapport sur le Programme d’examen de l’information continue et de la conformité des OPC marché monétaire), les recommandations formulées par l’OICV dans le rapport de 2012 n’ont pas entraîné de modifications de la règlementation québécoise. Ainsi, ce cadre règlementaire harmonisé à l’ensemble du Canada obligeait déjà les OPC du marché monétaire à calculer leur valeur liquidative selon la juste valeur de leurs actifs.

On y souligne que « cette obligation n’interdit pas la pratique courante des OPC canadiens du marché monétaire de s’efforcer de maintenir une valeur liquidative constante (fixée habituellement à 10 $ par titre) ».

Il semble aussi que la proportion de fonds de marché monétaire au Canada, par rapport à l’ensemble du marché des fonds d’investissement, ne soit pas importante. « Au Québec, les OPC du marché monétaire représentent environ 1 % des parts de marché (par rapport à l’ensemble des fonds dont l’AMF est l’Autorité principale) », indique dans un courriel Sylvain Théberge, le responsable des relations médias de l’organisme.

Fonds moins populaires

Des données d’Investor Economics montrent effectivement que la part de marché, en terme d’actif, des instruments de revenu fixe et des dépôts monétaires au Canada est passée de 5 à 1 % entre l’automne 2009 et 2016.

La crise du papier commercial adossé à des actifs non bancaires (PCAA) au Canada a pu jouer un rôle dissuasif par rapport aux produits du marché monétaire, selon Richard Belley, stratège de taux d’intérêt pour la clientèle privée et gestionnaire de portefeuille chez BMO Nesbitt Burns : « Le client a perdu confiance dans la transparence et la composition des produits sous- jacents de ces fonds ».

On peut aussi supposer que c’est en raison des frais qui grugent une bonne part des rendements des fonds de marché monétaire. « N’oublions pas que les investisseurs de détail recherchent avant tout le rendement absolu (soit un rendement positif et non pas un rendement qui bat les indices). Ils vont magasiner afin d’avoir le meilleur rendement possible sur leurs placements, et les fonds de marché monétaire, vu le contexte de très bas taux d’intérêt, ne répondent plus à leurs attentes », ajoute Richard Belley.

D’après des données de Morningstar Direct (voir le tableau), lorsqu’on tient compte des frais de gestion, on constate que les rendements annualisés d’une trentaine de fonds de marché monétaire ne sont pas très reluisants. Sur une période de cinq ans, aucun ne dépasse le seuil de 1 % de rendement.

James Gauthier souligne que bien des liquidités ont été détournées ces dernières années vers le compte d’épargne à intérêt élevé (High ISA). La majorité des institutions financières offrent aujourd’hui des comptes d’épargne à intérêt élevé qui sont également admissibles à la protection de 100 000 $ de la Société d’assurance-dépôts du Canada.

Les taux en vigueur de ces comptes varient à la discrétion de l’institution, mais sont assez semblables de l’une à l’autre, et oscillent actuellement entre 75 et 90 points de base, parfois un peu plus. Et contrairement aux fonds de marché monétaire, plusieurs sont sans frais ou ont des frais minimes. « Si l’on tient compte du risque de volatilité du prix, du rendement offert et de la liquidité de ce produit d’épargne, il n’y a aucun instrument du marché monétaire qui batte cela actuellement », affirme Richard Belley.