Les représentants devront s'adapter
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«Dans un premier temps, les épargnants devront comprendre que les nouvelles cotisations n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2019. Les prestations améliorées n’atteindront donc leur pleine maturité que dans plusieurs décennies», souligne-t-il.

Martin Dupras abonde dans le même sens. «J’ai entendu quelqu’un dire qu’il allait retarder sa retraite jusqu’en 2019 afin de toucher 33 % de son salaire en RRQ plutôt que 25 %», illustre à titre d’exemple le président de ConFor financiers. Or, c’est en 2065 que le taux de remplacement atteindra 33 % du revenu après 40 ans de cotisation, apprend-on dans les documents de Retraite Québec.

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas se soucier de ces changements. Même si la rente à hauteur de 33 % du revenu est réservée aux gens nés en 2000 ou après, les changements commenceront néanmoins à avoir un impact d’ici 10 à 20 ans.

Salaire ou dividende ?

Selon Martin Dupras, une variable dont devront tenir compte les représentants est la sempiternelle question à savoir si un entrepreneur devrait toucher sa rémunération sous forme de salaire ou de dividende. «Cela rend plus attrayant à terme le salaire, puisque le maximum des gains admissibles passera de 55 300 $ à 63 000 $, explique l’actuaire. En plus, sur cette nouvelle tranche supplémentaire, le taux de cotisation ne sera que de 8 % plutôt que de 10,4 %.»

Ce n’est pas seulement une question de déterminer le montant de la rente de retraite, selon Vincent Cliche, conseiller en placement à la Financière Banque Nationale : «Il faut aussi tenir compte du fait que le RRQ peut fournir une rente de conjoint ou une rente d’invalidité, des facteurs à ne pas négliger. C’est donc plus qu’une simple question de savoir lequel, du salaire ou du dividende, est le plus avantageux sur le plan fiscal.»

Un noeud gordien

Avec les nouvelles mesures, déterminer si l’épargnant devrait devancer ou retarder sa retraite devient plus crucial, selon F. Hubert Tremblay.

«Pour le travailleur qui continue à travailler et à cotiser, le report de la retraite à 70 ans peut s’avérer judicieux, considère l’actuaire. Pour l’épargnant qui n’a pas de régime de retraite à prestations déterminées, cela permet une meilleure gestion du risque de longévité. L’option de retarder la rente et de puiser dans ses épargnes à court terme est déjà présente dans le contexte actuel, mais la question se posera peut-être avec plus d’acuité avec les nouvelles modifications.»

En effet, le report à 70 ans entraîne une bonification de 42 % de la rente (0,7 % par mois multiplié par 60 mois). Or, pour un cotisant qui touchera le maximum de rente à échéance, cela fera une plus grosse différence encore. En effet, ce dernier touchera 29 820 $ au lieu de 21 000 $, un écart de 8 820 $.

Cela s’explique par le fait que 42 % de 33,3 % représente plus que 42 % de 25 %. Toutefois, le représentant devra prendre note que chaque cas est un cas d’espèce et qu’il ne faut pas généraliser cette option automatiquement sans réfléchir auparavant.

Vincent Cliche rappelle qu’il n’y a pas de solution passe-partout : «Moi, ma manière de faire, c’est de produire des simulations sur chiffrier et de démontrer au client ce que j’appelle le point de convergence, soit l’espérance de vie à partir de laquelle la décision de reporter ou pas devient « in the money » (c’est-à-dire avantageuse sur le plan mathématique).»

La décision ultime est entre les mains du client, ajoute le conseiller en placement : «Ce n’est pas comme dans le choix des placements. Si je crois que mon client aurait intérêt à accroître la portion obligations de son portefeuille, mais que lui tient mordicus à accroître la portion titres miniers spéculatifs, alors je tenterais de le convaincre. Mais dans le cas du report ou du devancement de la rente du RRQ, c’est le client qui a le dernier mot.»

Une démocratisation vers le haut

Vincent Cliche avoue avoir un penchant favorable aux nouvelles mesures : «Pour moi, c’est une excellente façon de gérer le risque de longévité sans se fier au risque de placement. Peu importe ce qui arrive, sauf dans l’éventualité très peu probable où la Caisse de dépôt et placement du Québec fasse « patate », je recevrai une rente même si je vis jusqu’à 120 ans.»

F. Hubert Tremblay se réjouit également des modifications annoncées, car il évalue que la faille actuelle du régime canadien des retraites se retrouve du côté des ménages de la classe moyenne qui travaillent dans le secteur privé et qui ne disposent pas d’un régime à prestations déterminées. «La réforme est nettement avantageuse pour ce groupe», estime-t-il.