Les classes moyennes, oubliées des FCP ?
prazis / 123rf

Investor Economics précise que ce mouvement de réduction a pris un rythme record entre 2013 et 2016.

Toutefois, en regardant sous la surface, les auteurs de l’étude d’Investor Economics Insight (juin 2017) constatent que les souscripteurs de FCP de séries A ont été tenus à l’écart du festin. En 10 ans, le RFG moyen de cette série avec commission de suivi intégrée n’a fléchi que de trois points de pourcentage.

Les grands gagnants se trouvent du côté des clientèles à valeur nette élevée des séries «élite» et, à un degré beaucoup moindre, du côté des clients financièrement à l’aise de séries F (à honoraires négociés). Leurs RFG moyens ont respectivement diminué de 46 et de 25 points de base. Notons que les séries élite (HNW) ne comprennent pas les séries institutionnelles et qu’elles peuvent se rattacher aux séries O, M et à d’autres lettres, car leur dénomination n’est pas uniformisée.

Afin de mesurer les baisses de frais avec plus de précision, Investor Economics a utilisé un second indicateur : le ratio de frais de gestion moyen pondéré en fonction de l’actif. Ce ratio se calcule en pondérant le RFG de chaque fonds en fonction de sa part de marché. Investor Economics l’a appliqué entre 2013 et 2016, période où la baisse de frais est la plus marquée.

Ainsi, dans les fonds d’actions, la baisse de frais (pondérés) des séries élite s’est située à 27 points de base, comparativement à 6 pour les séries A et F. Dans les titres à revenu fixe, l’hégémonie des séries élite se confirme avec une glissade de 22 points, comparativement à 5 et à 2 pour les séries F et A. En revanche, dans les fonds équilibrés, la diminution de 2 points des séries élite pâlit en comparaison des 12 et 3 points de base des séries F et A.

Au moins 0,5 M$ d’actif

Selon Dan Hallett, vice-président et responsable, gestion d’actifs, de HighView Financial Group, les grands gagnants des baisses de frais de gestion sont les clients ayant au moins 500 000 $ d’actif pouvant être investi.

«Leur pouvoir de négociation est très élevé, affirme-t-il. C’est encore plus vrai dans le cas des clients ayant au moins 1 M$ d’actif, qui se trouvent à faire affaire avec des cabinets de gestion de portefeuille. Leur structure de coûts est moins élevée comparativement aux firmes de gestion de patrimoine qui visent les clients aisés (mass affluent).»

Dan Hallett conclut que le secteur des FCP a été «très lent à partager ses économies d’échelle avec l’ensemble des investisseurs. La classe moyenne n’a pas vu la couleur des réductions de frais !» estime-t-il.

On se joue un tour

Grand connaisseur de l’industrie à titre d’ex-chef de la direction des placements d’Investissements Standard Life et d’ex-chef des investissements de la Financière Mackenzie, Norman Raschkowan affirme que les frais de gestion sont trop élevés et que les manufacturiers sont en train de se jouer un bien mauvais tour.

«Depuis la chute des marchés de 2008-2009, l’industrie des FCP affiche une croissance médiocre, car leurs frais sont difficiles à justifier dans un contexte de faibles rendements», signale-t-il.

D’après Norman Raschkowan, ces frais auraient dû diminuer davantage. Il donne en exemple le RFG moyen (pondéré) de 1,96 % des fonds équilibrés.

«Il est légèrement inférieur aux 2,06 % des fonds d’actions. Mais étant donné que le RFG moyen pondéré des fonds à revenu fixe est de 1,30 %, celui des fonds équilibrés devrait plutôt se situer autour de 1,68 %. Cet exemple illustre une grande lenteur à répondre aux besoins des investisseurs», avance le président de la firme de gestion privée Investissements DixCarré.

Selon lui, la baisse spectaculaire des frais de gestion entre 2006 et 2009 s’expliquerait en grande partie par de profonds changements dans la répartition d’actif des épargnants et investisseurs. «Les titres à revenu fixe et les fonds équilibrés ont accru leur popularité en raison d’une crainte du risque et de la volatilité», avance Norman Raschkowan.

Or, si rien ne change, prévient-il, les classes moyennes poursuivront leur migration vers des options moins coûteuses, comme les fonds négociés en Bourse.

«L’investisseur moyen est beaucoup plus informé que par le passé des options d’investissements et de l’impact des frais sur l’accumulation de richesse. Il peut aller ailleurs», martèle Norman Raschkowan.

À contre-courant

Un autre connaisseur donne un tout autre son de cloche.

«Jusqu’à un certain point, la structure de coûts des FCP est incompressible. Elle découle principalement des frais intrinsèques à la gestion active. Ces coûts se justifient pleinement dans les catégories où les talents des gestionnaires de portefeuille peuvent se déployer», signale Jean Morissette.

Consultant en gestion de patrimoine, l’ancien patron de Gestion financière Talvest et de Services financiers Partenaires Cartier donne en exemple les fonds d’actions de marchés émergents et le fonds de revenu de dette d’entreprise, «des secteurs qui ont besoin de gestionnaires qui en connaissent les rouages».

Jean Morissette constate que la «vraie baisse de coûts» qui touche les classes moyennes se trouve dans d’autres produits : les fonds négociés en Bourse (FNB) et les robots-conseillers.

«Prenons les FNB. Leurs frais sont avantageux. Et dans certaines catégories comme les titres à revenu fixe, les fonds communs ne pourront jamais les concurrencer. Toutefois, certaines catégories de fonds communs génèrent de meilleurs rendements, après frais. Ce sont ces catégories qui participeront à l’enrichissement des classes moyennes», conclut-il.

En suivant la pensée de Jean Morissette, on ne devrait pas s’attendre à des baisses uniformes de frais des FCP au cours de la prochaine décennie.