Le Réseau national du conseiller indépendant sera à la base un organisme de certification. «Tout membre devra, par contrat, refuser toute forme de cadeau, de bonus, de quota, d’influence. Il va gagner sa certification en montrant qu’il se comporte de façon objective, indépendante et neutre. Et un audit périodique va garantir qu’il le demeure.»

Le Réseau sera également un centre d’éducation pour le public servant à promouvoir la valeur d’un conseil financier objectif et neutre.

Des audits virtuels

La forme finale que prendra le Réseau n’est pas encore arrêtée, loin de là. Il pourrait devenir un organisme sans but lucratif dont le plan d’action sera fixé par les quelque 100 à 150 membres fondateurs que Daniel Guillemette compte rassembler. Une cotisation sera sans doute demandée à ces fondateurs, mais Daniel Guillemette prévoit aussi, au fur et à mesure de la croissance du Réseau, obtenir des fonds de la part des compagnies d’assurance et des firmes de fonds communs, qui trouveront avantage à s’y associer.

Le Réseau sera en continuité avec le projet du «Conseiller de confiance» proposé il y a quelques années par Fabien Major et appuyé par le défunt Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ). Mais il «se veut beaucoup plus rigoureux et organisé, dit Daniel Guillemette. Oui, c’est une suite de l’idée de Fabien Major, mais avec une structure d’audit et d’éducation du public, un outil d’audit, un code d’éthique qui priorise l’intérêt du client, et la capacité d’en faire la preuve», ajoute-t-il.

Les audits virtuels, qui sont au centre du fonctionnement du Réseau, seront menés à l’aide du système de gestion iGénie, mis au point par Diversico. Les participants au Réseau devront donc l’implanter pour assurer l’exécution des audits virtuels.

Ne pourrait-on pas penser que le Réseau est simplement un stratagème visant la promotion et la vente d’iGénie ? «Oui, les gens pourraient le croire, reconnaît Daniel Guillemette, mais ce n’est pas le cas.»

Selon lui, iGénie est la cheville essentielle qui manquait à l’idée du «Conseiller de confiance», un outil qui permettra de faire des audits virtuels plus efficaces, plus approfondis et plus rapides que des audits sur place.

Modèle d’affaires suggéré

Un autre élément crucial du Réseau tient à un modèle d’affaires qu’il entend mettre en avant. Celui-ci est conçu pour assurer que le conseiller agit véritablement comme conseiller à toutes les étapes avec son client, autant à celle de la collecte de données et de l’analyse qu’à celle de la recommandation de produits. C’est le respect rigoureux de ce processus que l’audit par iGénie veillera à confirmer.

«Aujourd’hui, on a l’obligation de collecte de données, d’analyse et de recommandation. C’est le voeu pieux du régulateur, note Daniel Guillemette. Cependant, sur le plancher des vaches, le conseiller fait son pitch de vente, signe un contrat et fait un choix de produits en fonction de cela. Il n’est pas payé pour faire la collecte d’informations et l’analyse, mais pour vendre un produit.»

Selon le modèle d’affaires suggéré, on s’assure que toutes les étapes sont respectées et rémunérées, et ce, tant pour le petit client dont l’actif est modeste que pour le client plus fortuné.

Comment ? Supposons que le revenu total provenant d’un client s’élèverait à 2 500 $, que ce soit sur une base d’honoraires ou de commissions (ni l’un ni l’autre mode de rémunération ne pose problème à Daniel Guillemette). La firme du conseiller lui ferait une avance de 1 000 $ comme rémunération liée aux premières étapes du conseil, soit la collecte d’informations et l’évaluation. Si la vente de produits est réalisée pour une somme de 2 500 $, 1 000 $ serviraient à rembourser l’avance versée au conseiller ; le solde de 1 500 $ serait investi de façon à produire une rente récurrente destinée à rémunérer le conseiller pour son suivi de conseil et de service.

Évidemment, la vente de produits n’est pas certaine. C’est le risque que prend la firme en avançant 1 000 $, somme qu’elle peut perdre, mais qu’elle est en mesure de récupérer à partir de la participation d’autres clients.

C’est dire que l’adhésion au Réseau sera l’affaire de cabinets plus prospères. «Les 150 membres fondateurs seront des cabinets organisés avec des ressources suffisantes pour porter ce modèle d’affaires réinventé, dit Daniel Guillemette. L’indépendant solitaire ne sera pas en mesure de vraiment se positionner de façon indépendante et neutre.»

«C’est un beau modèle et il est très viable», juge Sébastien Berthelette, partenaire et cofondateur de Force Financière Berthelette. Cette firme compte des dizaines de conseillers et représentants. Le modèle du Réseau «peut s’appliquer à mes conseillers en assurance, 21 en tout, dit-il, et tous vont passer par ce Réseau pour la certification de leur intégrité. Je vais m’arranger pour avoir un maximum de crédibilité pour eux.»

Sébastien Berthelette craint que le nouveau contexte réglementaire ne désavantage les conseillers indépendants : «Avec le dévoilement de notre rémunération, les clients vont nous demander quel service ils ont reçu en échange, dit-il. Alors que, dans les banques, les vendeurs n’ont pas à dévoiler leur salaire et que les clients ont l’impression d’y être servis gratuitement.»

Les indépendants doivent se prendre en main, selon Daniel Guillemette, qui craint un exode des clients vers les robots-conseillers et la vente sans représentant : «Puisque les gens n’ont pas accès à de véritables conseillers, ils vont aller sur le Web. Les banques et les assureurs vont vendre directement sur Internet sans passer par les conseillers. Le mouvement est déjà bien amorcé.»