Au Canada, le dernier rapport SPIVA (pour S&P Indices Versus Active) montre qu’aucun gestionnaire canadien d’actions américaines n’a battu l’indice S&P 500 depuis cinq ans.

«Les chiffres ne sont guère meilleurs chez les gestionnaires américains, souligne Sophie Palmer, présidente de CFA Montréal. Sur un horizon de 5 ou 10 ans, leur taux de réussite est généralement bien inférieur à 20 %, et ce, quelle que soit la catégorie de fonds.»

Ces données de SPIVA n’étonnent pas outre mesure Sophie Palmer. Le marché américain est très efficace, et il est difficile pour un gestionnaire actif de se démarquer.

«Les recherches démontrent cependant que la gestion active a surperformé et a ajouté de la valeur dans des marchés concentrés, comme au Canada, en Suède, en Australie et dans les pays émergents ou en développement», souligne-t-elle.

Sophie Palmer précise que CFA Montréal appuie les deux styles de gestion. L’association regroupe plus de 2 400 membres, dont l’auteure de cet article.

Le directeur général de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP), Michel Nadeau, croit que la gestion passive est une tendance irréversible : «Les recherches sont claires : il est très difficile d’ajouter de la valeur à un portefeuille de manière systématique. De plus, il me semble démesuré qu’un investisseur paie de 2 à 2,5 % en frais de gestion pour des fonds communs de placement, alors que certains FNB (fonds négociés en Bourse) indiciels coûtent 10 fois moins et certains même aussi peu que 4 à 5 points de base.» Dans le cas d’un portefeuille géré activement qui coûterait moins de 1 % en frais, on peut toujours tenter le coup en y investissant 25 % de ses avoirs et le reste en gestion indicielle, concède-t-il.

Selon des données compilées par PWL Capital, les fonds passifs ne représentaient que 12,9 % du marché canadien au 30 juin (voir le tableau). «Cette part de marché a plus que triplé depuis 2007», nuance Raymond Kerzérho, le directeur de la recherche.

Il croit que le Canada suivra la tendance des États-Unis, où les fonds passifs occupent près du tiers du marché.

Bien que PWL soit ouvertement favorable à la gestion passive, le nouveau rapport qu’elle publie tous les semestres se base uniquement sur des données de la plateforme Morningstar Direct.

«Ces chiffres ne prouvent pas que la gestion passive est une meilleure solution, mais plutôt qu’il y a de plus en plus de gens qui se tournent vers ces stratégies», dit Raymond Kerzérho.

Fiera Capital ne nie pas la valeur de la gestion passive. Elle en fait elle-même. «Certaines catégories d’actif, comme les grandes capitalisations américaines, sont difficiles à battre avec de la gestion active. Il faut faire la part des choses dans ce débat», affirme François Bourdon, chef des solutions de placements chez Fiera Capital.

Toutefois, dans certains marchés comme les pays émergents, reproduire un indice n’est pas toujours à propos, dit-il. «L’erreur de calquage (tracking error) peut être passablement élevée et il faut faire attention. On n’arrive pas toujours à reproduire parfaitement l’indice et on fera de l’optimisation», remarque-t-il.

Les chiffres et les études sont toutefois clairs. Il est très difficile pour un gestionnaire de surpasser les indices année après année, et ce, de manière systématique.

Selon Sophie Palmer, pour repérer un bon gestionnaire, il ne faut pas examiner sa performance passée, mais bien son processus de gestion. Les sources de performance à long terme sont aujourd’hui mieux connues. On les appelle aussi des facteurs de risque, comme le momentum, la valeur ou la qualité.

Elle cite une étude de DiMeo Schneider & Associates, qui montre que même parmi les gestionnaires qui terminent dans le premier quartile sur un horizon de 10 ans, 90 % d’entre eux auront connu au moins une période de trois années difficiles (de moitié inférieure à celle de leurs pairs).

«Repérer un bon gestionnaire est donc un exercice exigeant. Cela requiert une grande discipline d’investissement à long terme», souligne la présidente de CFA Montréal.

«La gestion active s’exprime aujourd’hui de plusieurs façons. Les facteurs de risque sont exploités de manière fondamentale ou plus systématiquement avec un modèle quantitatif. Cette diversité des styles demeure importante.»

«Cependant, pour que la gestion active reste concurrentielle, ses frais devront se rapprocher de ceux des fonds passifs», ajoute-t-elle.

De plus, les gestionnaires actifs traditionnels devront sans doute avoir une composante quantitative et technologique au sein de leur processus de gestion afin de les seconder, croit Sophie Palmer. «C’est le cas par exemple d’un gestionnaire qui utilise un processus sophistiqué de filtrage de titres afin de concentrer son attention sur ceux qui en valent la peine», illustre-t-elle.

Gagner plus avec la gestion active

Certains considèrent qu’une espérance de rendement faible joue en faveur de la gestion active. «Acheter le marché des actions et des obligations était la chose à faire depuis 1982. Mais lorsque j’observe l’espérance de rendement pour les 5 à 10 prochaines années, ce n’est pas très élevé», affirme François Bourdon.

Il cite en exemple les obligations gouvernementales canadiennes de 10 ans qui se négocient à près de 1,1 % et les ratios cours/bénéfice des actions américaines qui s’établissent autour de 20, un sommet depuis 1960.

«Dans un tel environnement, un portefeuille indiciel investi à 50 % en obligations et à 50 % en actions générera environ 3 % de rendement», dit-il.

«De son côté, la gestion active nous propose des solutions de placement très différenciées des actions et des obligations classiques, comme c’est le cas de l’immobilier, des infrastructures ou des prêts directs. Une plus grande diversification des sources de rendement pourrait ajouter 2 ou 3 points de pourcentage de rendement à un portefeuille plus traditionnel, tout en diminuant la volatilité des résultats», dit François Bourdon. Il concède que ces stratégies ne sont pas toujours accessibles aux clients des conseillers, mais qu’elles pourraient le devenir ces prochaines années.

«Certains FNB en gestion active se spécialisent dans des catégories d’actif à valeur ajoutée, comme les actions privilégiées ou les obligations de sociétés protégées, contre les mouvements de taux d’intérêt. Ces stratégies ne coûtent pas beaucoup plus cher que la gestion indicielle», dit-il.

«On aimerait bien proposer des produits de gestion active à nos clients si cela leur permettait de bonifier leur rendement d’un ou deux points de pourcentage. On est ouvert à l’idée d’analyser certaines stratégies. Mais à ce jour, aucune démonstration ne nous a convaincus», commente Raymond Kerzérho.