FCP : au-delà des étoiles
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Les analystes boursiers qui suivent les manufacturiers de FCP favorisent généralement deux mesures de performance : le nombre de fonds quatre et cinq étoiles de Morningstar ainsi que le pourcentage d’ASG de premier et de second quartile.

Tel est le cas de Stephen Boland, de GMP Securities. Soucieux de comparer les performances de 14 importants manufacturiers canadiens de FCP, il a cerné leurs 20 fonds les plus importants par rapport à l’actif sous gestion. Il a ensuite établi le classement des 14 manufacturiers selon les critères d’étoiles et d’ASG de hauts quartiles (voir le tableau «Performance des manufacturiers»).

Toutefois, comme le montre son tableau, ces critères de performance sont ambigus. Les résultats peuvent être bien différents d’un manufacturier à l’autre. Par exemple, Fidelity Investments fait meilleure figure à l’aune du pourcentage de fonds quatre et cinq étoiles (72,5 %) que pour le pourcentage d’actif sous gestion de premier et de second quartile (56,6 %). Chez Invesco Canada, c’est l’inverse : le pourcentage de fonds quatre et cinq étoiles (56,3 %) est inférieur à celui de l’actif sous gestion de premier et de second quartile (74,4 %).

Qu’est-ce que cela signifie ?

«Ces classements sont notamment influencés par la structure des actifs des manufacturiers ainsi que par la taille des fonds», explique Jacques Lussier, président et chef des placements d’Ipsol Capital.

Le coauteur de Rational Investing : The Subtleties of Asset Management (New York, Columbia Business School Publishing, 2017) illustre sa pensée avec l’exemple suivant. «Supposons qu’un manufacturier ait placé davantage d’actif que ses concurrents dans le segment revenus fixes et que ses résultats, dans ce segment, aient été inférieurs à ceux de ses concurrents. Cela pourrait bien expliquer pourquoi ce manufacturier aurait moins d’actif de premier et de second quartile, même si ses fonds en actions avaient donné de bonnes performances», indique-t-il.

De plus, ajoute Jacques Lussier, le nombre de fonds quatre et cinq étoiles peut être trompeur.

«Prenons l’exemple d’une firme ayant quelques gros fonds qui auraient fait mauvaise figure et plusieurs petits fonds qui se seraient illustrés. Cette firme aurait alors plusieurs fonds quatre et cinq étoiles, même si seulement une faible portion de l’actif avait été performante», explique-t-il.

Prudence avant tout

Quelles leçons peut-on tirer des critères de performance généralement retenus pour évaluer les manufacturiers de FCP ?

Tout d’abord, la plus grande prudence, à l’instar des planificateurs financiers André Martel et Sylvain De Champlain.

«Je n’ai jamais considéré des classements sur un an, une recette de volatilité, mais des classements sur de plus longues périodes, comme cinq ans, oui. Toutefois, je m’informe aussi du risque. Les écarts-types sur cinq ans permettent de mieux évaluer la performance de gestionnaires n’ayant pas bénéficié de la conjoncture en raison de leur positionnement, par exemple, en fonds de type valeur», dit André Martel, conseiller en sécurité financière, représentant en épargne collective et président du cabinet André Martel et associés – Services financiers.

Conseiller en sécurité financière et président du cabinet montréalais De Champlain Groupe financier, Sylvain De Champlain n’accorde pas, lui non plus, une confiance illimitée aux critères habituels de performance de manufacturiers de fonds.

«La mauvaise fortune de très gros fonds diminuera la performance d’un manufacturier dans le classement des actifs de premier et de second quartile. Il faut chercher à savoir pourquoi. Par exemple, il pourrait s’agir du résultat d’une stratégie consistant à retirer ses billes du marché dans l’anticipation d’un krach. Continuera-t-on alors à participer à ce très grand fonds prestigieux qui fait mauvaise figure pour cette raison ? Au conseiller à y voir et à faire son travail !» dit-il.

Impact du marketing

Les critères de performance courants – nombre de fonds quatre et cinq étoiles et pourcentage d’ASG de premier et de second quartile – ont leurs failles, mais rien n’empêche les manufacturiers de fonds d’en appliquer d’autres.

«Je crois que les manufacturiers utiliseront les critères qui les aideront le mieux à vendre leurs produits, confie Stephen Boland. Le critère de l’actif sous gestion sera toujours à considérer. Ainsi, certaines firmes ont quelques très grands fonds qui fournissent de bonnes performances. Par exemple, les 10 plus grands fonds du Groupe Investors représentent 58 % de son actif sous gestion. Chez CI, cette proportion atteint 41 %. Si ces 10 mégafonds ont de bons résultats, il serait alors rationnel de mettre en valeur ce pourcentage de l’actif sous gestion qui est performant.»

En d’autres termes, ce n’est pas demain la veille que tous les manufacturiers adopteront les mêmes critères – et les mêmes périodes de référence – dans leurs publicités et leurs communications aux actionnaires.

Guy Mineault est dirigeant fondateur du Mouvement d’éducation et de défense des investisseurs en fonds (MÉDIF), et auteur d’un livre de finances personnelles intitulé Mieux réussir vos placements sans les subir : Pour l’investisseur qui veut mieux réussir ses placements et pour le conseiller qui veut mieux le servir (Québec, Éditions Sapiens, 2010).

Selon lui, les manufacturiers ont tendance à choisir des critères de performance qui avantagent leurs fonds. «À la limite, rien ne les empêcherait de créer des mesures de performance qu’ils pourraient ensuite se vanter d’avoir constamment surpassées», affirme-t-il.