«Il ne fait nul doute que tout le modèle d’affaires de l’industrie du conseil en services financiers repose sur la formule de commissions intégrées, selon 85 % des répondants, indique Mario Grégoire, président et chef de la direction du CDPSF. Les mesures du MRCC 2 nous imposent déjà plus de transparence concernant la question de la rémunération. Ceux-là mêmes qui prônent l’abolition des commissions intégrées devraient démontrer la même transparence envers les épargnants quant aux conséquences de la mise en oeuvre de telles mesures.»

Baisse de revenus appréhendée

Une interdiction des commissions causerait une baisse des revenus et des services chez 60 % des conseillers, indique le sondage.

«Il est évident que l’abolition des commissions intégrées se répercutera sur les revenus de cabinets comme le mien ou de conseillers indépendants comme moi», croit Yves Lavigne, planificateur financier chez Services Financiers Yves Lavigne, affilié à MICA Cabinets de services financiers.

Dans son mémoire, Yves Lavigne se prononce contre l’abolition des commissions intégrées. «Par ricochet, elle touchera aussi le service que nous allons offrir au client», ajoute-t-il.

De son côté, Gaétan Veillette, fellow administrateur agréé et planificateur financier, estime que «sans le mode de rémunération intégrée […], les Canadiens n’auraient pas accumulé autant de richesse. […] Il a incité des dizaines de milliers de conseillers au Canada à accompagner leurs clients pour qu’ils fassent des choix judicieux de stratégies fiscales et financières».

«J’ai 80 % de ma clientèle qui me paie en honoraires ou uniquement en honoraires de suivi. Sur un an, mes revenus ont augmenté d’un peu plus de 20 %», témoigne pour sa part Eric Gosselin, administrateur agréé et planificateur financier pour Services en placements PEAK. Il a converti en grande partie sa pratique à la rémunération à honoraires il y a près de trois ans.

Dans le mémoire qu’il a soumis aux ACVM, Eric Gosselin formule six recommandations, dont la transformation des commissions de suivi en honoraires de services uniformes. «Si nous voulons éliminer le conflit d’intérêts, la solution ne réside pas dans l’élimination de l’intégration de la rémunération, mais plutôt dans l’uniformisation de la rémunération», affirme-t-il.

Peu d’opposition des clients

Le sondage du CDPSF indique également que pour 28 % des conseillers en placement, leurs clients ne s’opposeraient pas à la conversion des commissions de suivi en honoraires. «Les clients qui sont inquiets sont ceux qui auraient le moins la capacité d’assumer une facture directe ou une facture réelle des services», répond Eric Gosselin.

«Il faut surtout éduquer les conseillers sur la manière de présenter leur positionnement sur les plans des services-conseils, de la divulgation d’information et du modèle de rémunération», souhaite Gaétan Veillette. Une proposition qui rejoint celle d’une des conclusions du CDPSF, qui avance que «la notion de professionnalisme demande à être revisitée.»

Les trois conseillers interrogés ont formulé la même préoccupation, soit que le petit investisseur écopera particulièrement des changements éventuels. «Le petit épargnant ou même l’épargnant moyen ne gagnera pas à ne pas avoir accès à des conseillers payés à la commission», s’inquiète Yves Lavigne.

Selon le CDPSF, 73 % des ménages possèdent moins de 100 000 $ en actifs financiers. Le sondage révèle que 40 % des conseillers interrogés évaluent à 250 000 $ le seuil d’actifs minimal pour passer à la gestion à honoraires.

«Ma grande crainte, et c’est la trame de fond de ma réponse au gouvernement, c’est que les petits investisseurs perdront des services, et il y aura une augmentation des frais de gestion pour ces investisseurs», explique Eric Gosselin.

Qui plus est, selon Yves Lavigne, l’abolition des commissions intégrées pourrait toucher la relève. «Si elle doit facturer avant même de prouver quoi que ce soit, cette relève-là ne sera pas capable d’obtenir une clientèle. Elle n’est déjà pas très forte ; si, en plus, nous ne lui donnons pas le goût d’embrasser cette carrière-là, on ne s’aide pas comme société.»

D’ailleurs, selon le sondage du CDPSF, 90 % des conseillers interrogés tirent la majeure partie de leurs revenus des commissions intégrées et disent avoir «besoin des commissions intégrées pour offrir du conseil».

Le sondage du CDPSF nous apprend également que les conseillers comprennent les frais, mais il est moins certain qu’ils expliquent bien leur nature et les catégories de fonds offerts. Par conséquent, le client ne saisit pas bien l’étendue des frais de gestion.

Gaétan Veillette conteste les exigences des autorités. «On revient toujours au même principe de l’histoire du secteur financier : plus il y a de détails, moins c’est lu. Le législateur retombe dans le même piège qui consiste à forcer l’industrie à présenter trop de détails.»

Avis partagés

Les conseillers interrogés émettent des avis partagés sur la consultation 81-408 des ACVM.

Yves Lavigne est d’avis que la démarche s’est trompée de cible. «Je trouve qu’on ne s’attaque pas aux bons problèmes. Les conflits d’intérêts occasionnels dans notre travail ne se situent pas sur le plan de la rémunération, mais plutôt du côté des concours de vente.»

Eric Gosselin se réjouit de la démarche des ACVM. «C’est une excellente consultation. Si les autorités écoutent vraiment, elles trouveront une solution qui sera favorable aux investisseurs, à la relève et à l’ensemble du domaine financier.»

Quand les ACVM statueront-elles sur cette consultation ? Par courriel, le Secrétariat du bureau de Montréal a répondu qu’elles analysent les renseignements et les commentaires obtenus, mais qu’«à l’heure actuelle, il n’y a pas de calendrier défini pour une prochaine publication à ce sujet».