Attention avant d'abolir les FAR
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«S’il y avait abolition de la structure des frais de souscription différés ou des commissions de suivi, je ne pourrais pas absorber l’ensemble des frais reliés à cette belle profession en plus de payer la nouvelle clientèle que j’ai achetée», ajoute la conseillère.

Lise Brazeau, qui travaillait auparavant au service à la clientèle de Domtar, a été attirée dans la profession par son mari, conseiller de plein exercice chez IA Valeurs mobilières (IAVM). Il lui a demandé d’être son adjointe, «mais ça ne me tentait pas ; je voulais avoir ma propre clientèle», dit-elle.

Elle a eu l’occasion d’acheter deux groupes de clientèles de deux représentants oeuvrant chez Investia et chez IAVM, achats qu’elle a financés en retirant 25 000 $ de son REER. Aujourd’hui, Lise Brazeau compte environ 70 clients dont l’actif totalise 2 M$.

Aide au démarrage

La part la plus importante de ses revenus lui vient de FAR. Cette structure de rémunération n’est pas appropriée à tous les clients, loin de là, reconnaît Lise Brazeau. Elle la réserve à ses clients plus jeunes.

«Avec ces derniers, écrit-elle dans son mémoire, je me sens très à l’aise de prendre des fonds avec la structure de frais de souscription différés, car ils investissent sur plusieurs années et se disent très contents de voir tout le travail que j’ai accompli pour eux.»

La conseillère cite l’exemple d’un client qui investirait 100 000 $ dans un fonds de Fidelity Investments. Une rémunération de FAR lui permettrait de recueillir dès la vente 70 % de la commission totale, soit 3 430 $ sur 4 900 $.

Cet argent immédiatement accessible lui est nécessaire, dit-elle. Même une structure de commission régulière, où les paiements de commission sont étalés sur l’année, rend les choses difficiles. Avec une structure de rémunération à honoraires, ce serait pire, et, juge-t-elle, «je n’arriverais pas à joindre les deux bouts».

Couper les jeunes pousses

Deux vétérans de la profession sont d’accord avec ce constat : Gino Savard, président de MICA Cabinets de services financiers, et Daniel Guillemette, président de Diversico, Experts-conseils.

«Pour plusieurs conseillers dont c’est la seconde carrière, c’est l’occasion d’acheter un book qui les lance dans la profession. Sans FAR, leur plan d’affaires est à l’eau», souligne Gino Savard.

«La majorité des jeunes conseillers n’y arriveront pas s’il n’y a pas de FAR», poursuit-il.

«Le régulateur ne se rend pas compte que le conseiller recrue qui rencontre un client et qui en revient avec une rémunération de 1 200 $ répartis en versements de 100 $ par mois peine à arriver. Pour le conseiller qui débute, c’est le paiement immédiat qui compte.»

Si les organismes de réglementation abolissent les commissions de suivi et les FAR, «ils tueront l’industrie, surtout les nouvelles pousses», tranche le président de MICA.

«Pour le débutant qui n’a pas de réserves et qui compte sur sa paye pour vivre, les FAR sont une bouée de sauvetage», souligne Daniel Guillemette.

«C’est la seule façon de traverser les deux ou trois premières années du métier, ajoute-t-il. L’abolition des commissions de suivi met fin à la carrière des débutants qui ne sont pas appuyés par un cabinet.»

Frais injustifiables

Daniel Guillemette met toutefois un gros bémol : il est en net désaccord avec les FAR. «Ils ne sont pas justifiables. J’ai de l’empathie pour la personne qui démarre dans la carrière, mais ce n’est pas une raison pour préserver les FAR.»

Les FAR sont peut-être d’importants outils de soutien pour les conseillers en démarrage, mais du point de vue du client, il n’y a aucune raison pour que celui-ci en paie le prix, juge-t-il.

Selon lui, en cas d’abolition des commissions de suivi, il ne restera que deux voies d’accès à la profession : par un cabinet où le débutant aura progressivement accès à de nouvelles clientèles et pourra s’en faire financer l’achat par le cabinet ; et par les banques.

«Je pense que c’est ce qui se dessine, note le président de Diversico. Après avoir passé de trois à cinq ans en succursale bancaire, les jeunes qui en sortiront seront récupérés par les cabinets.»

En désaccord

Simon Van Weereld, 22 ans, a démarré dans la profession au début de la vingtaine. Conseiller indépendant, il est en voie d’acquérir la clientèle du cabinet Giguère Morin, à Québec, en partenariat avec Diversico et grâce à un financement de ce cabinet.

Le jeune homme est en désaccord tant avec la pratique des FAR de Lise Brazeau qu’avec son constat d’échec éventuel.

Selon lui, un débutant qui se retrousse les manches et qui met en avant une solide proposition de valeur réussira à se tailler une place, que ce soit en se basant sur une rémunération par commissions de suivi ou sur une rémunération à honoraires.

«Je ne crois pas que ce soit au client d’être emprisonné dans une structure de FAR pour permettre au conseiller de démarrer sa carrière», affirme-t-il.