Quand le testament cause des ennuis fiscaux et financiers
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Une modification à la situation familiale, un changement de produit de placement tout comme un changement de loi peuvent donner des résultats non prévus. D’où l’importance de relire et de réviser ce document légal périodiquement. Voici quelques exemples.

Legs des CRI et fonds de pension

Malgré la rédaction d’un testament, le legs des REER immobilisés (CRI) ou d’un fonds de pension aux enfants pourrait bien être compromis en présence d’un nouveau conjoint de fait. C’est que la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension (fédérale) donne priorité à un conjoint de fait après seulement une année de vie commune. En présence d’un fonds de pension sous législation provinciale, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite donne priorité au nouveau conjoint de fait après trois années de vie commune, ou après une année s’il y a naissance d’un enfant. Si le conjoint ne renonce pas à sa part, le legs prévu au testament n’aurait pas lieu.

Bien qu’un legs de régimes enregistrés fait à un conjoint fiscal soit optimal d’un point de vue fiscal, certains pourraient avoir des volontés successorales différentes et des bénéficiaires pourraient se sentir lésés.

Désignation d’un bénéficiaire pour un REER en fonds distincts

Une attention particulière est requise lorsque des fonds enregistrés sont investis dans des produits d’assurance tels que des fonds distincts. Ce genre de produits permet la désignation d’un bénéficiaire. En faisant fi de la fiscalité, la valeur marchande (ou la valeur garantie) est remise au bénéficiaire au moment du décès du propriétaire du contrat. Si ce bénéficiaire est une personne autre qu’un conjoint fiscal, les impôts exigibles devront être assumés par la succession du défunt. Cette situation peut représenter un grand risque de conflit lorsque les héritiers ne sont pas les mêmes que les bénéficiaires. Mieux vaut s’assurer que cette situation était voulue par le défunt.

Legs particuliers ou legs à charge

Une situation conflictuelle découlant du type de legs inclus dans le testament pourrait aussi survenir lors d’un décès. Lorsqu’une facture fiscale est liée à un bien légué, il est important que la facture fiscale soit dirigée à l’endroit voulu. Un legs particulier testamentaire d’un immeuble à revenus fait à une personne lui sera remis net d’impôt et de dettes, laissant du coup la dette hypothécaire et la dette fiscale à la charge de la succession. Il est possible que cette situation soit voulue, mais mieux vaut en être certain et valider avec le testateur sa volonté initiale. Dans la rédaction du testament, le simple petit mot «à charge» est à lui seul responsable de diriger les dettes et la facture fiscale liées à un bien.

Legs à des bénéficiaires non résidents

Une attention particulière est requise lors de legs à une personne qui ne réside pas en sol canadien. Le type de bien légué à cette personne non résidente pourrait occasionner une facture fiscale plus élevée à la succession canadienne. Ce serait le cas, par exemple, en cas de legs d’actions de société privée à un actionnaire étranger, car cela pourrait faire perdre à ces actions leur statut de société privée sous contrôle canadien (SPCC).

Le legs d’une somme d’argent à un héritier non résident est certes plus simple, mais il est important de prévoir qui acquitterait la facture fiscale sur laquelle une taxe d’héritage pourrait être exigée par le pays de résidence. Bien qu’un héritage ne soit généralement pas imposable, certains pays comme la France ou certains États américains comme le New Jersey infligent une taxe d’héritage à leurs résidents qui reçoivent un héritage.

L’héritier et liquidateur américain

Qu’une taxe d’héritage soit exigible ou non, un Américain devra divulguer son héritage en remplissant le formulaire FORM3520, sans quoi il est passible d’amendes et de pénalités de non-production.

Et parlant de pénalités et de production de documents, une personne américaine, soit un résident, un citoyen ou un détenteur de carte verte, qui serait nommée liquidatrice testamentaire ou même mandataire aux biens est tenue, en vertu de la loi, de produire le Report of Foreign Bank and Financial Accounts (FBAR), sans quoi elle s’expose à des pénalités de production auprès du fisc américain.

Il est donc important de considérer la citoyenneté et la résidence des héritiers et de réviser sa planification successorale lorsqu’un des héritiers quitte le Canada. Tout changement dans la situation familiale ou même dans le choix de produits financiers utilisés doit être analysé.

Bref, il faut s’assurer que le document légal ne fait pas dérailler les aspects financiers !

* planificatrice financière et directrice principale, planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD